Droit de partage et clause de préciput (suite)
28.05.2025

Depuis plusieurs années, l’administration fiscale entend appliquer le droit de partage en cas d’exercice d’une clause de préciput et a ainsi engagé de nombreux contentieux.
Les premières décisions des juges du fond s’étaient montrées en grande partie favorables aux contribuables, considérant que l’exercice d’un préciput ne constituait pas une opération de partage, suivant en cela l’opinion de la doctrine récente. Toutefois, un arrêt de la Cour d’appel de Grenoble avait pris le contrepied de cette position en considérant que le préciput est bien soumis au droit de partage de l’article 746 du CGI (CA Grenoble, 24 sept. 2024, n° 23/01411) (voir notre article « Clause de préciput et droit de partage« ).
Saisie de plusieurs pourvois relatifs à cette problématique, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait sursis à statuer et saisi, pour avis, la Première chambre afin qu’elle répondre à la question de savoir si le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant en application de l’article 1515 du code civil constitue une opération de partage (Cass. com., 16 oct. 2024, n° 23-19.780) (voir notre article « Clause de préciput et droit de partage« ).
Pour rappel, une clause de préciput permet au survivant des époux de prélever une somme ou des biens compris dans le patrimoine commun avant tout partage du patrimoine commun.
La Première chambre vient de prendre position (Cass. 1re civ., 21 mai 2025, n° 23-19.780, Avis) et considère que « le prélèvement préciputaire effectué par le conjoint survivant, en application de l’article 1515 du code civil, ne constitue pas une opération de partage ».
Pour arriver à cette conclusion, la Première chambre civile rappelle, tout d’abord, que « sauf cas particulier prévu par la loi, l’opération de partage, proprement dite, se définit comme celle qui, à l’issue du processus permettant de mettre fin à une indivision, contribue directement à la division de la masse indivise, préalablement liquidée, et à sa répartition entre les indivisaires à proportion de leurs droits respectifs » et qu’ « une telle opération présente nécessairement un caractère amiable ou judiciaire ».
Ensuite, elle constate que « Le prélèvement effectué sur la communauté par le conjoint survivant en vertu d’une clause de préciput, régi par les articles 1515 à 1519 du code civil, a, comme le partage, un effet rétroactif », mais qu’ « il se distingue de l’opération de partage à plusieurs égards ».
En effet, « en premier lieu, s’il s’opère dans la limite de l’actif net préalablement liquidé de la communauté, il intervient, selon les termes mêmes de l’article 1515 du code civil, avant tout partage ». « En deuxième lieu, s’effectuant sans contrepartie, les biens prélevés en exécution de ce droit ne s’imputent pas sur la part de l’époux bénéficiaire ». « En troisième lieu, son exercice relève d’une faculté unilatérale et discrétionnaire de celui-ci ».
Il appartient désormais à la Chambre commerciale de trancher le 16 septembre prochain la problématique fiscale qui lui a été soumise, au regard de l’avis de la Première chambre civile qui vient d’être rendu.
Le Centre d’Etudes et de Recherche du Groupe Monassier