La dernière Loi de finances rectificative est venue, à contre-courant d’une jurisprudence très récente, clarifier la condition liée à l’activité, pour le bénéfice de l’abattement « Dutreil », lors des transmissions d’entreprises à titre gratuit.
On sait de longue date que le bénéfice de l’abattement Dutreil[1] est réservé aux transmissions d’entreprises opérationnelles, c’est-à-dire d’entreprises poursuivant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. Sont donc exclues du dispositif les entreprises non-opérationnelles, c’est-à-dire les entreprises dont la seule mission est la gestion d’un patrimoine. S’agissant du cas particulier des holdings, le caractère « opérationnel » s’apprécie selon des critères d’animation. Est animatrice, et donc opérationnelle, une holding qui participe activement à la conduite de la politique du groupe, au contrôle des filiales et leur rend des services administratifs, comptables, juridiques ou financiers. Ne l’est pas une holding dont la seule mission est la détention de participations.
La question s’est posée de savoir à quel moment devait s’apprécier le caractère éligible de l’activité. Était-ce au jour du fait générateur de l’imposition, c’est-à-dire au jour de la transmission ? Ou devait-il perdurer pendant toute la durée des engagements collectif et individuel de conservation ?
C’est au sujet d’une holding animatrice qu’un contentieux sur cette question s’est élevé. Suivant la doctrine qu’elle enseignait dans sa base Bofip, l’administration fiscale argua, à l’occasion d’un redressement, que le caractère animateur de la holding devait perdurer pendant toute la durée des engagements, collectif (ou unilatéral) et individuel. Ce raisonnement fut rejeté, dans un arrêt du 25 mai 2022 (voir l’article « Pacte Dutreil et respect de la condition d’activité »), par la Cour de cassation, qui excipa une violation de l’article 787 B du CGI. Pour la Haute juridiction, dans le silence de la loi, la condition d’activité prévue par l’article 787 B du CGI devait seulement s’apprécier au jour du fait générateur de l’imposition, à savoir au moment de la transmission des titres par donation ou succession. Cette décision, prise dans un contentieux élevé à propos d’une holding animatrice, était rédigée dans des termes tels qu’on pouvait légitimement considérer qu’elle s’appliquait à toutes les sociétés opérationnelles.
Il fallait se garder toutefois d’un trop grand optimisme. Cette solution, a priori réjouissante, ne laissait pas beaucoup de marge de manœuvre. Il était probable que l’administration brandisse, à la prochaine occasion, l’arme de l’abus de droit. Plus encore, il était probable qu’elle se tournât vers le législateur pour modifier la loi sur ce point. Ce fut chose faite : à l’été 2022, quelques mois seulement après que la Cour de cassation eut rendu sa décision, la loi de finances rectificatives modifiait l’article 787 B. Désormais – et c’est une condition textuelle – la condition liée à l’activité s’apprécie pendant toute la durée des engagements. La loi nouvelle s’applique, en premier lieu, aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022, mais aussi à celles intervenues avant cette date si l’un des engagements de conservation (collectif/unilatéral ou individuel) est toujours en cours et si la société en question n’a pas cessé d’exercer une activité opérationnelle. Il y a donc une forme de rétroactivité de la loi nouvelle dont la conformité à la constitution pourrait être interrogée. In fine, le maintien du caractère opérationnel de l’activité pendant toute la durée des engagements collectif et individuel est désormais une condition légale. Les textes n’imposent pas, toutefois, le maintien de la même activité que celle qui était en cours au jour de la transmission. Il pourrait y avoir un changement d’activité, tant qu’elle reste opérationnelle. Cependant, se pose alors la question du changement total d’activité. Ce changement nécessite souvent, au moins temporairement, une interruption temporaire de toute activité opérationnelle. L’administration ne pourrait-elle pas être tentée d’y voir une défaillance de la condition légale ?
[1] Abattement, sous conditions, de 75% sur l’assiette des droits de donation ou des droits de succession.
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