Dans un récent arrêt (Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.955), la Cour de cassation a apporté des précisions sur la qualification de holding animatrice de groupe et du critère de prépondérance de l’activité d’animation en cas d’activité mixte.
Faits et procédure
Dans l’affaire jugée, une donation avait été consentie en décembre 2007, sous le bénéfice du régime d’exonération Dutreil, portant sur des actions d’une société. L’administration avait contesté l’application du dispositif Dutreil, considérant que la société était inéligible à ce dispositif. Selon l’administration, l’activité civile de la société était prépondérante, ce qui excluait l’éligibilité au régime Dutreil, au regard des critères de la doctrine administrative :
- Le critère relatif au chiffre d’affaires (au moins 50 % du chiffre d’affaires total) ;
- Le critère relatif à l’actif brut immobilisé (au moins 50 % du montant total de l’actif brut).
Le Cour d’Appel de Paris avait donné tort à l’administration, en considérant, d’une part, que le critère du chiffre d’affaires était inopérant s’agissant d’une holding animatrice, et d’autre part, qu’au cas particulier, l’actif brut immobilisé représentait 61,24 % de l’actif brut à la clôture de l’exercice de 2007, de sorte que le second critère était vérifié.
L’administration s’est pourvue en cassation contre l’arrêt d’appel pour défaut de base légale, en ce que la cour d’appel n’avait pas répondu à l’objection de l’administration relative aux valeurs prises en compte pour l’application du critère de l’actif brut : en effet, la cour d’appel avait vérifié le critère de prépondérance au regard du bilan comptable, fondé sur la valeur comptable des actifs, sans répondre à l’administration qui prétendait qu’il devait être vérifié au regard de la valeur réelle des éléments d’actif.
L’apport de l’arrêt
L’angle de contestation de l’administration (le défaut de base légale concernant la valeur à retenir – comptable ou réelle – pour l’examen du critère relatif à l’actif brut) avait beau être étroit, la Cour de cassation en a profité pour éclaircir sa position sur la question plus générale des conditions d’éligibilité des holdings animatrices exerçant une activité mixte au dispositif Dutreil.
Le raisonnement de la Cour tient en quatre temps :
- Elle valide l’applicabilité du régime Dutreil aux sociétés exerçant une activité mixte dès lors que l’activité éligible est prépondérante ;
- Elle précise que la prépondérance s’apprécie en considération d’un faisceau d’indices déterminés d’après la nature de l’activité et les conditions de son exercice ; en cela, elle se détache des critères posés par l’administration fiscale dans le Bofip et ce faisant, rejoint la position exprimée par le Conseil d’Etat (CE, 3e et 8e ch. réunies, 23 janvier 2020, n° 435562), qui, ayant déjà retenu le seul critère du faisceau d’indice comme pertinent en la matière, avait purement et simplement annulé les dispositions du BOFIP qui fixaient les deux critères de prépondérance ;
- Elle affirme que les sociétés holdings qui, outre la gestion d’un portefeuille de participation, ont pour activité principale l’animation de leur groupe, doivent être assimilée à des sociétés ayant une activité mixte (à cette occasion, elle reprend les critères, désormais classiques, qui caractérisent l’animation : conduite de la politique du groupe et contrôle des filiales exerçant une activité éligible, et, le cas échéant, fourniture de prestations à ces filiales) ;
- Elle considère, concernant l’appréciation de la prépondérance, que le Conseil d’Etat n’avait pas précisée, si ce n’est en faisant référence à la technique du faisceau d’indices, que « le caractère principal de l’activité d’animation de groupe doit être retenu notamment lorsque la valeur vénale, au jour du fait générateur de l’imposition, des titres de ces filiales détenus par la société holding représente plus de la moitié de son actif total.» Ce critère appelle, à notre sens, plusieurs remarques :
- D’abord, ce critère ne semble pas être exclusif, ainsi que le laisse entendre l’adverbe « notamment » qu’emploie la Cour ;
- Ensuite, il doit s’apprécier, non pas à la clôture de l’exercice, mais au jour du fait générateur de l’imposition ;
- Enfin, s’il ressemble au critère de « l’actif brut immobilisé » qui était prévu par le BOFIP, il s’en distingue en réalité nettement : d’une part, il abandonne le critère de l’immobilisation, dont le Conseil d’Etat et la doctrine avaient déjà démontré l’impropriété ; d’autre part, il ne vise, pour vérifier le critère de prépondérance, que les titres des filiales animées (et non plus l’actif brut immobilisé), qui doivent être retenus pour leur valeur vénale (rejoignant encore, sur ce point, CE, 3e, 8e, 9e et 10e ch. réunies, 13 juin 2018, n° 395495), et comparés à l’actif total.
Par cet arrêt, la Cour de cassation rejoint la position du Conseil d’Etat en retenant la méthode du faisceau d’indices pour apprécier le critère de prépondérance, et définit un nouveau critère de prépondérance plus pertinent, qui n’est toutefois pas exclusif d’autres indices qui pourraient intervenir dans la qualification.
Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.955