Engagement de construire et sous-acquéreur n’ayant pas repris l’engagement

Par un arrêt du 7 mai 2025, la Cour de cassation semble admettre que l’engagement de construire peut être considéré comme rempli lorsque les travaux sont réalisés par un sous-acquéreur n’ayant pas repris ledit engagement, à condition toutefois qu’il soit assujetti à TVA.
Pour mémoire, lorsqu’un acquéreur assujetti à la TVA acquiert un bien immobilier, il peut s’engager dans l’acte d’acquisition, afin de bénéficier d’un régime de faveur :
- Soit à revendre le bien dans un délai de de 5 ans suivant l’acquisition pour bénéficier de droits d’enregistrement au taux réduit de 0,715 % (art. 1115 du CGI) ;
- Soit à construire dans un délai de 4 ans suivant l’acquisition (art. 1594-0 G, A-I du CGI) – sauf prolongation annuelle expressément accordée (art. 1594-0, A-IV du CGI) – pour ne régler qu’un droit fixe de 125 € lors de l’acquisition de l’immeuble (art. 691 bis du CGI).
La jurisprudence restait jusqu’à présent incertaine.
Dans un arrêt du 29 novembre 2023, la Cour d’appel de Bordeaux avait d’abord jugé que cet engagement de construire pouvait être rempli par un tiers sous-acquéreur, même non assujetti à la TVA ( CA Bordeaux, 4e ch. com., 29 nov. 2023, n° 21/06718 ). Elle estimait, dans sa motivation, qu’« il est sans incidence sur cette exonération que les travaux aient été exécutés par un tiers à l’acquéreur engagé assujetti, l’article 1590-0 G du CGI ne l’exigeant pas ».
Si cette solution se montrait favorable à une plus grande souplesse dans les opérations immobilières, elle s’écartait toutefois de la lettre du texte fiscal.
A l’inverse, dans un arrêt du 16 février 2024, la Cour d’appel de Colmar avait adopté une position plus rigoureuse, en jugeant qu’en cas de revente des parcelles, le bénéfice de l’exonération pour le vendeur restait subordonné au transfert de l’engagement de construire, lequel ne pouvant intervenir qu’au profit d’un sous-acquéreur lui-même assujetti à la TVA ( CA Colmar, Ch. 2 A, 16 fév. 2024, n°22/00944 ). Dans sa décision, elle avait en effet précisé qu’: « […] en cas de revente des parcelles dans le délai de quatre ans, l’engagement de construire ne peut, en application de l’article 1594-0 G ter II, alinéa 2, être repris que par un sous-acquéreur lui-même assujetti à la TVA. En effet, en vertu de ce texte, en cas de cession des parcelles le vendeur ne peut continuer à bénéficier de l’exonération qu’en cas de transfert de l’engagement de construire, une telle transmission ne pouvant s’opérer qu’à l’égard d’un sous-acquéreur lui-même assujetti à la TVA ». Cette position était d’ailleurs soutenue par l’administration fiscale.
Par un arrêt du 7 mai 2025, la Cour de cassation semble admettre que l’engagement de construire peut être considéré comme rempli lorsque les travaux sont réalisés par un sous-acquéreur n’ayant pas repris ledit engagement, à condition toutefois qu’il soit assujetti à TVA.
Les faits de l’affaire étaient les suivants :
- En juin 2015, une société (société 1) a acquis un bien immobilier destiné à être démoli puis reconstruit. Elle a, à cette occasion, pris l’engagement de construire dans un délai de quatre ans, afin de bénéficier du régime de faveur prévu par l’article 1594-0 G du CGI.
- Quelques mois plus tard, en octobre 2015, elle a revendu le bien à une autre société (société 2), a priori non assujettie, et n’ayant pas repris l’engagement de construire. Cette société a déposé une déclaration d’achèvement des travaux en octobre 2016.
- Estimant que l’engagement de construire n’avait pas été respecté, l’administration fiscale a adressé une proposition de rectification à la société venderesse (société 1), en vue de lui réclamer les droits de mutation exigibles au taux de droit commun. Cette dernière a contesté le redressement devant les juridictions civiles.
- La Cour d’appel de Bordeaux a fait droit à cette contestation, considérant que les travaux ayant été réalisés dans le délai imparti, le bénéfice du régime de faveur restait acquis. Pour la Cour d’appel, il est en effet sans incidence sur l’exonération que les travaux aient été exécutés par un tiers à l’acquéreur engagé assujetti, l’article 1590-0 G du CGI ne l’exigeant pas.
- L’administration fiscale a formé un pourvoi contre cette décision, soutenant que les conditions du régime d’exonération n’étaient plus réunies dès lors que la société sous-acquéreur (société 2) n’était pas assujettie à la TVA et n’avait pas repris formellement l’engagement de construire.
- La Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel, reprochant à celle-ci de ne pas avoir recherché, comme elle y était invitée, si la société ayant réalisé les travaux (société 2) était assujettie à la TVA.
On pourra regretter le manque de clarté de cette décision de la Cour de cassation, qui n’a pas saisi l’occasion d’énoncer clairement une solution de principe.
Par ailleurs, comme une partie de la doctrine, il est possible de s’interroger sur le fondement de la condition, dégagée par la Cour de cassation, liée à l’assujettissement à la TVA du sous-acquéreur, dans cette hypothèse particulière.
CONSEIL DU NOTAIRE
Dans la mesure du possible, afin de sécuriser le vendeur tenu par un engagement de construire, il reste préférable, à notre sens, d’organiser la reprise de cet engagement par les acquéreurs successifs.
Le Centre d’Etudes et de Recherche du Groupe Monassier