L’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, dans sa version issue de la loi du 12 juillet 2010, ouvre aux communes (ou aux établissement public de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d’urbanisme) une action spécifique en démolition ou de mise en conformité des constructions irrégulières.
Pour mémoire, cet article dispose que « la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié ou installé sans l’autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l’article L. 421-8. L’action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l’achèvement des travaux. »
Déjà mis récemment en lumière par d’importants arrêts de la Cour de cassation, qui ont affirmé son caractère autonome et l’ont soustraite à la nécessité de démontrer l’existence d’un préjudice personnel et direct causé par les constructions irrégulière (notamment Cass. civ. 3e, 16 mai 2019, n°17-31757 ; Cass. civ. 3e, 13 fév. 2020, n°19-16299), cette action destinée à faire cesser une situation illicite fait à nouveau la une de l’actualité, sous le prisme cette fois de sa constitutionnalité.
Le Conseil constitutionnel vient en effet de se prononcer sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, et plus précisément sur les mots « la démolition ».
Le requérant soutenait que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée au droit de propriété consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) dans la mesure où elles permettraient, pendant un délai de dix ans, la démolition de toute construction au seul motif qu’elle méconnaît une règle d’urbanisme, sans qu’il soit tenu compte de la bonne foi du propriétaire ou de la possibilité d’une régularisation. Pour les mêmes motifs, le requérant estimait que ces dispositions étaient susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée dans la mesure où elles peuvent conduire à la destruction d’un ouvrage constituant un domicile.
Constatant que l’action en démolition ne constitue qu’une conséquence des restrictions apportées aux conditions d’exercice du droit de propriété par les règles d’urbanisme et n’a pour objet que de rétablir les lieux dans leur situation antérieure à l’édification irrégulière de la construction concernée, et qu’une telle action, strictement encadrée, est justifiée par l’intérêt général qui s’attache au respect des règles d’urbanisme, le Conseil constitutionnel balaye cependant ces arguments et déclare les dispositions contestées conformes à la Constitution.
Toutefois, les Sages de la rue de Montpensier émettent une importante réserve de constitutionnalité.
Ainsi, considèrent-ils que les dispositions de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme ne sauraient, sans porter une atteinte excessive au droit de propriété, être interprétées comme autorisant la démolition d’un ouvrage édifié ou installé sans permis de construire ou d’aménager, ou sans déclaration préalable, en méconnaissance de ce permis ou en violation des règles de fond dont le respect s’impose sur le fondement de l’article L. 421-8 du Code de l’urbanisme, lorsque le juge peut ordonner à la place sa mise en conformité et que celle-ci est acceptée par le propriétaire.
Décision n° 2020-853 QPC du 31 juillet 2020