La Cour de cassation confirme que la clause d’exclusion des biens professionnels insérée dans un contrat de mariage de participation aux acquêts est révoquée en cas de divorce.
La participation aux acquêts est un régime matrimonial hybride : il s’agit, pour l’essentiel, d’une séparation de biens ; mais à l’heure de sa dissolution, par divorce ou par décès, celui des deux époux qui s’est le plus enrichi au cours du régime doit indemniser l’autre à concurrence de la moitié de la différence entre leurs enrichissement respectifs : c’est la créance de participation. Ce régime permet ainsi de conserver l’étanchéité entre les patrimoines que permet la séparation de biens, mais présente aussi l’avantage de rendre commun, à son terme, l’enrichissement des époux.
Naturellement, la pratique est venue amender la loi pour intégrer des clauses spécifiques, en particulier la clause d’exclusion des biens professionnels. Il s’agit d’une clause prévoyant que l’enrichissement de chacun des époux sera calculé, pour l’établissement de la créance de participation, sans prendre en compte les biens professionnels des époux. Autrement dit, l’enrichissement personnel sera partagé au terme du régime, mais pas l’enrichissement professionnel, qui ne profitera qu’à celui des époux qui en est à l’origine. Cette clause était ordinairement stipulée pour s’appliquer en cas de dissolution par divorce, mais pas en cas de dissolution par décès.
Toutefois, fin 2019, la Cour de cassation affirmait pour la première fois qu’ « une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d’entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial en cas de divorce ». Cette qualification d’avantage matrimonial est fatale, puisque l’article 265 du Code civil prévoit qu’ils sont révoqués par le divorce.
Fondée juridiquement mais très critiquée par la doctrine et la pratique, qui soulignaient avec bon sens que c’était précisément en cas de divorce que cette clause trouvait toute sa pertinence, on attendait de savoir si la Cour allait maintenir sa position. La Chancellerie avait d’ailleurs, par une réponse ministérielle de mai 2020, expressément appelé à une « clarification » du texte pour admettre que puisse être exprimée, antérieurement au divorce (et notamment dès le contrat de mariage), la volonté expresse de l’époux consentant l’avantage matrimonial de le voir maintenu en cas de divorce.
La Cour de cassation a douché les espoirs de la pratique, en confirmant récemment sa jurisprudence. Elle martèle qu’ « une clause excluant du calcul de la créance de participation les biens et dettes professionnels des époux en cas de dissolution du régime matrimonial pour une autre cause que le décès, qui conduit à avantager celui d’entre eux ayant vu ses actifs nets professionnels croître de manière plus importante en diminuant la valeur de ses acquêts dans une proportion supérieure à celle de son conjoint, constitue un avantage matrimonial révoqué de plein droit en cas de divorce ».
Si le cœur de la solution n’étonne pas, on remarque toutefois que la Cour de cassation maintient par ailleurs sa lecture très restrictive de l’article 265 du Code civil, en lui faisant dire que les avantages matrimoniaux sont révoqués de plein droit par le divorce « sauf volonté contraire de celui qui les a consentis exprimée au moment du divorce », là où le texte vise une volonté « constatée » au moment du divorce, ce qui aurait pu permettre d’admettre qu’elle soit exprimée antérieurement, notamment dans le contrat de mariage, et simplement constatée au moment du divorce.
Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 19-25.903