Selon la Cour de cassation, il ne suffit pas pour le conjoint survivant de rester dans les lieux pour bénéficier du droit viager au logement.
Le mariage offre une importante sécurité au conjoint survivant en lui permettant, dans de nombreux cas, le maintien de son cadre de vie. En effet, le Code civil lui offre deux droits.
Un premier, temporaire, lui permet de faire face aux premiers mois qui suivent le décès, en lui octroyant la jouissance gratuite du logement qu’il occupait à titre d’habitation principale pendant un an ;
Un second, viager, lui offre une protection de plus long terme, en lui octroyant un droit d’usage et d’habitation sur son habitation principale, pourvu qu’elle dépende de la succession, pour toute sa vie.
Le droit temporaire est automatique, ce qui se comprend puisqu’il vise à préserver le cadre de vie du conjoint dans l’urgence des jours qui suivent le décès : aucun formalisme n’est donc nécessaire pour pouvoir en profiter.
Le droit viager de son côté, n’est pas automatique : le conjoint n’en disposera que s’il manifeste sa volonté d’en bénéficier dans un délai d’un an après le décès. Aucune règle de forme n’est exigée par la loi, aussi, s’est posée la question de savoir si cette volonté pouvait s’exprimer tacitement. La Cour de cassation l’avait déjà admis à plusieurs reprises dans des arrêts où, en plus de s’être maintenu dans les lieux, le conjoint avait manifesté cette volonté dans des déclarations fiscales, des actes judiciaires, ou même dans des projets d’actes de notoriété.
Dans un récent arrêt, la Cour de cassation a toutefois fixé une borne à l’admission d’une volonté tacite : cette volonté, précise-t-elle, « ne peut résulter du seul maintien dans les lieux ». Cette solution se comprend aisément s’agissant d’un maintien dans les lieux dans l’année qui suit le décès : il ne s’agit alors, pour le conjoint, que de profiter de son droit temporaire d’une année. Si, maintenant, le conjoint s’y maintient au-delà de ce délai, cela ne peut plus être au titre de son droit temporaire, pour autant il ne faut pas y voir, pour la Cour, une manifestation tacite de la volonté du conjoint de profiter du droit viager au logement.
En pratique, il faudra être précautionneux et anticiper la situation, notamment car c’est souvent la signature de la déclaration de succession, au plus tard six mois après le décès, qui est perçue comme la « clôture » du dossier de succession dans l’esprit des héritiers. Les conseils du notaire seront alors précieux, soit pour demander au conjoint de manifester sa volonté en début de dossier, soit pour l’interroger sur ses intentions à l’expiration du délai d’un an pendant lequel il aura bénéficié de son droit temporaire.
Cass. 1re civ., 2 mars 2022, n° 20-16.674
L’ensemble des informations accessibles via ce site sont fournies en l’état et ne peuvent se substituer au conseil personnalisé de votre notaire. Le Groupe Monassier ne donne aucune garantie, explicite ou implicite, et n’assume aucune responsabilité relative à l’utilisation de ces informations.