Le Conseil d’Etat vient trancher la controverse existant autour de l’assiette du permis de construire dans le cadre d’une division primaire.
La division primaire se définit comme une « division en propriété ou en jouissance effectuée par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d’aménager portant sur la création d’un groupe de bâtiments ou d’un immeuble autre qu’une maison individuelle au sens de l’article L. 231-1 du code de la construction et de l’habitation » (article R. 442-1 du Code de l’urbanisme).
Ledit article L 231- 1 du code de la construction et de l’habitation définit la notion de « maison individuelle » comme un « immeuble à usage d’habitation ou un immeuble à usage professionnel et d’habitation ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage ».
Elle constitue l’une des hypothèses dans laquelle le détachement d’un terrain destiné à être bâti d’un plus grand tènement, intervient en franchise de la réglementation du lotissement. Ce cas d’exclusion se justifie par le contrôle préalable, réputé suffisant, de l’opération envisagée sur le terrain détaché, dans le cadre de l’instruction et de la délivrance d’un permis de construire ou d’un permis d’aménager, afin d’éviter une succession superflue d’autorisations.
Jusqu’alors, en l’absence d’une décision tranchée du Conseil d’État, la problématique de l’assiette de la demande de permis de construire se posait puisque la division du terrain n’était pas encore réalisée au jour de la demande de permis portant division primaire.
Rappelons de manière succincte, que d’un côté, la CAA de Versailles (CAA Versailles, 2e ch., 29 mars 2007, n° 06VE01147) retenait que l’assiette de la demande était obligatoirement constituée par l’unité foncière, c’est-à-dire l’ensemble des parcelles cadastrales d’un seul tenant appartenant à ce propriétaire. Il semble cependant que la CAA de Versailles soit revenue sur sa position (CAA Versailles, 2e ch., 19 juin 2014, n° 12VE00927). Position confirmée par une réponse ministérielle (Rép. min. n° 65630 : JOAN Q, 6 juill. 2010, p. 7649) justifiée par l’absence de division existant au jour du dépôt du permis de construire
D’un autre côté, la CAA de Lyon a jugé, au contraire, que la demande de permis de construire ne devait porter que sur la superficie du terrain divisé, et non sur la totalité de la parcelle puisque le bénéficiaire de la cession ne devait devenir propriétaire que d’une partie de la parcelle (CAA Lyon, 1re ch., 12 nov. 2013, n° 13LY00584).
En l’espèce, le requérant avait obtenu un permis de construire tacite pour le projet de construction de deux immeubles à usage d’habitation et la réhabilitation et le changement de destination d’un immeuble à usage de bureaux sur une fraction d’un terrain ; il a indiqué au service instructeur que le terrain fera l’objet d’une division ultérieure. Un recours en annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire et de la décision implicite rejetant le recours gracieux a été déposé pour non-respect des dispositions du PLU relatives à l’emprise au sol, au nombre de places de stationnement et au traitement des espaces libres.
Par un arrêt de cassation, le Conseil d’Etat vient trancher la controverse existant autour de l’assiette du permis de construire dans le cadre d’une division primaire de manière complète puisqu’elle répond à deux questions successives.
- Sur l’assiette du permis de construire déposé antérieurement à la division du terrain :
« Eu égard à l’objet de ce procédé permettant de combiner, pour les projets portant sur un groupe de bâtiments ou un immeuble autre qu’une maison individuelle destinés à occuper une partie de l’unité foncière existante, l’obtention de l’autorisation d’urbanisme nécessaire au projet et la division de l’unité foncière existante, le respect des règles d’urbanisme doit être apprécié au regard de l’ensemble de l’unité foncière existant à la date à laquelle l’administration statue sur la demande, bien que cette dernière soit informée de la division à venir. »
- Sur l’assiette du permis de construire modificatif déposé postérieurement à la division :
« Dans l’hypothèse où, postérieurement à la division du terrain mais avant l’achèvement des travaux, le pétitionnaire dépose une demande de permis modificatif, il y a lieu d’apprécier la légalité de cette demande sans tenir compte des effets, sur le terrain d’assiette, de la division intervenue. »
Dès lors, en adoptant la position de la doctrine administrative, le Conseil d’Etat considère que le service instructeur doit strictement prendre en considération la chronologie imposée entre l’instruction du permis et la division. Il n’a alors d’autre choix que d’instruire la demande de permis au regard de l’unité foncière telle qu’elle existe à la date du permis, abstraction faite de sa division future, sans prendre en compte un éventuel risque de sur-densification.
Par souci de cohérence, cette position est étendue aux demandes de permis de construire modificatives.
CE, 12 novembre 2020, n° 421590