La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, dite loi Pinel, renforce les droits des exploitants en leur conférant, notamment, un droit de priorité sur l’acquisition de leur outil de travail. Ce droit de priorité prend la forme d’un droit de préemption, codifié à l’article L.145-46-1 du Code de commerce. Il est calqué sur le régime existant à propos des locataires à usage d’habitation.
Pratiquement, deux aspects retiendront notre attention. Le premier est que le seul fait de conclure un bail commercial n’est pas déterminant de l’existence du droit de préemption. Le second est que les modalités de purge de ce droit sont décalées du droit des affaires.
Le premier aspect relève de la question du champ d’application de ce nouveau droit. Cette réforme ayant pour objectif de renforcer le secteur de l’artisanat et du commerce, seul les baux, soumis au statut impératif des baux commerciaux, et portant sur un local dans lequel le locataire exerce une activité commerciale ou artisanale sont concernés.
Quant au locataire, il doit pouvoir justifier de l’existence, à son profit, d’un contrat de location opposable au propriétaire de l’immeuble. Le bail doit être en cours au jour de la cession.
Est également soumis au nouveau droit de préemption le bail mixte à usage d’habitation et commercial, puisque le bail est considéré comme commercial pour le tout.
Seules les ventes, envisagées par le propriétaire, sont concernées par le droit de préemption.
Une fois le principe affirmé, nous devons envisager ses exceptions. Le droit de préemption est exclu lorsque la cession a lieu au profit du conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint. Il est également exclu s’il s’agit d’une cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial ou encore de locaux commerciaux distincts, d’une cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial ou d’une cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux.
De même, lorsque l’exploitant peut bénéficier de ce droit de préemption, ce ne peut être que dans des conditions qui restent éloignées du droit des affaires. Ceci s’explique par le fait que le législateur a calqué les modalités de purge sur celles existantes pour des locaux à usage d’habitation.
Ces modalités ne sont donc pas adaptées à la situation particulière d’une exploitation commerciale ou artisanale.
En effet, l’article L.145-46-1 du Code de commerce impose que l’acquisition par l’exploitant se réalise en son nom personnel. Toutefois, en pratique, les exploitants se portent acquéreurs des murs de leur fonds de commerce ou artisanal par le biais d’une société, indépendante de l’activité d’exploitation, et dans laquelle ils sont associés.
Or, en l’état actuel du droit, rien n’oblige un propriétaire bailleur à accepter la possibilité d’une telle substitution.
Concrètement, on peut ainsi légitimement s’interroger sur le choix du législateur quant au régime de ce droit de préemption.
Ce dispositif d’ordre public oublie également qu’un droit de priorité a pu être librement négocié entre le bailleur et le preneur, dans le cadre du bail commercial, sous la forme d’un pacte de préférence.
Marie-Hélène Péro-Augereau-Hue
Notaire à Chevreuse
Article publié dans Les Echos Patrimoine le 24 mars 2017
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