Le droit de préférence du locataire commercial prévu à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est encore entouré de nombreuses incertitudes. Parmi elles, se pose notamment la question de son application lors de la vente d’un local à usage de bureaux.
A titre liminaire, il faut rappeler qu’il résulte des termes mêmes de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce que ce droit ne s’applique que lorsque le propriétaire à l’intention de vendre un local à usage commercial ou artisanal.
Il est admis que cette notion d’usage vise en réalité la destination contractuelle des lieux, c’est-à-dire l’activité autorisée aux termes du bail, la destination contractuelle prévalant sur l’usage effectif que le locataire ferait des biens loués. (voir en ce sens : F. Roussel, B. Saintourens, P. Viudes, « Le droit de préférence du preneur à bail commercial : le nouvel article L. 145-46-1 du code de commerce », D&P n° 243, 1ER janv. 2015 ; J. Lafond, J.-Cl. Not. Form., V° Préemption – Fasc. 480 : Préemption. – Droit de préemption du locataire à usage commercial ou artisanal (C. com., art. L. 145-46-1). – Champ d’application, § n°33 et s., spéc. n°35 ).
Partant de ce postulat, et s’appuyant également sur les travaux parlementaires, une grande partie des auteurs estiment que les locaux à usage exclusif de bureau devraient dès lors être exclus du champ d’application du droit de préférence de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce (en ce sens, F. Roussel, B. Saintourens, P. Viudes, « Le droit de préférence du preneur à bail commercial : le nouvel article L. 145-46-1 du Code de commerce », précité ; Flash Cridon de Paris, 27 novembre 2014).
Cette position n’est toutefois pas partagée par l’ensemble de la doctrine, certains auteurs préférant une position plus nuancée, fonction de la nature précise de l’activité autorisée aux termes du bail.
Ainsi, pour certains, il faudrait distinguer :
- Les locaux de bureaux pour l’exercice d’une profession libérale, pour lesquels le droit de préférence ne s’appliquerait pas ;
- Les locaux à usage exclusif de bureaux au sens de l’article R. 145-11 du Code de commerce, lesquels peuvent abriter une activité commerciale comme par exemple une agence de voyage ou une agence immobilière, pour lesquels le droit de préférence aurait vocation à s’appliquer ;
- Les locaux à usage exclusivement administratifs, sans aucune réception de clientèle ni réalisation d’actes de commerce, lesquels ne seraient pas concernés de prime abord par le droit de préférence (Voir notamment B.-H. Dumortier, « Le domaine du droit de préemption du locataire commercial », AJDI 2015, p. 759). Dans cette dernière hypothèse, il faudrait cependant réserver l’hypothèse d’un local pouvant être qualifié d’accessoire au regard de l’article L. 145-1, I, 1er du Code de commerce. Pour rappel, est considéré au regard de cet article comme étant un local accessoire, soumis au statut des baux commerciaux, le local dont la privation est de nature à compromettre l’exploitation du fonds et qui appartient au propriétaire du local ou de l’immeuble où est situé l’établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, le local accessoire doit avoir été loué au vu et au su du bailleur en vue de l’utilisation jointe.
A défaut de jurisprudence tranchant cette difficulté, et compte-tenu des risques encourus au regard de ce droit d’ordre public, la prudence recommande de retenir cette dernière position plus nuancée.