Pour mieux appréhender le phénomène naturel de l’érosion côtière, l’information des acquéreurs et locataires de biens immobiliers a été renforcée et deux nouveaux instruments ont été créés : un nouveau droit de préemption et un nouveau bail réel.
Le littoral est passé d’un territoire vide, à un lieu de vie attractif qui concentre nombre d’activités et de populations. Or le risque d’érosion côtière ne cesse de croître avec les modifications climatiques actuelles.
Pour mémoire, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « Climat et Résilience » comprenait un Chapitre V intitulé « Adapter les territoires aux effets du dérèglement climatique ». Les articles 236 et suivants de la loi Climat et résilience prévoient ainsi des outils juridiques pour s’adapter à l’évolution du trait de côte[1] dû au dérèglement climatique. Pour mieux appréhender ce phénomène naturel, l’information des acquéreurs et locataires a été renforcée et deux nouveaux instruments ont été créés : un nouveau droit de préemption et un nouveau bail réel.
Le renforcement de l’information dans les zones exposées au recul du trait de côte.
L’identification de deux zones
A cet égard, l’article 242 de la loi Climat et résilience a modifié le Code de l’urbanisme[2]. Il en résulte que le document graphique du règlement du PLU (ou la carte communale) délimite le territoire des communes concernées en deux zones :
- d’une part, la zone exposée au recul du trait de côte à un proche horizon (moins de trente ans) ;
- d’autre part, la zone exposée au recul du trait de côte à un horizon plus lointain (entre 30 et 100 ans).
Ces zones supportent plus ou moins de contraintes urbanistiques en vertu des nouveaux articles L. 121-22-4 et L. 121-22-5 du Code de l’urbanisme et différentes obligations sont relatives à chaque zone.
Ainsi, premièrement, dans les zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans, seuls certains travaux de réfection ou d’adaptation des constructions existantes à la date d’entrée en vigueur du PLU délimitant les zones d’exposition pourront être autorisés, ainsi que des constructions nouvelles démontables nécessaires à des services publics ou activités économiques exigeant la proximité de l’eau, sous réserve de ne pas augmenter la capacité d’habitation.
Deuxièmement, dans les zones exposées au recul du trait de côte à l’horizon de 30 à 100 ans, la démolition de toute construction nouvelle et des extensions de construction existant à la date d’entrée en vigueur du PLU sera obligatoire, lorsque le recul du trait de côte sera tel que la sécurité des personnes ne sera pas garantie au-delà d’une durée de trois années. On soulignera que le Code de l’urbanisme[3] prévoit, dans l’hypothèse où le projet nécessite une autorisation d’urbanisme, de conditionner sa mise en œuvre à la consignation d’une somme à la Caisse des dépôts, incombant au propriétaire et correspondant au coût prévisionnel des travaux de démolition.
Pour mieux appréhender ces évolutions, il fallait également intégrer le recul du trait de côte dans la planification de l’urbanisme. L’adaptation obligatoire des PLU est prévue à l’article L. 121-22-3 du Code de l’urbanisme. Le but est d’imposer aux communes exposées au risque d’érosion côtière, de faire évoluer leur PLU ou PLUI. Cela induit à l’évidence d’adapter le document graphique du règlement, le rapport de présentation mais aussi de prendre en compte le recul du trait de côte dans les OAP et le PADD. Les collectivités, dans un laps de temps de 4 années, vont devoir cartographier les zones qui seront impactées d’ici à 30 ans et celles qui seront impactées dans 30 à 100 ans.
L’information des acquéreurs et locataires
Tout d’abord, il faut relever qu’une première obligation légale d’information des acquéreurs et locataires figure à l’article L 121-22-5 du Code de l’urbanisme. Ainsi, à peine de nullité, toute promesse de vente, tout contrat de vente ou de location ou tout contrat constitutif de droits réels portant sur des constructions soumises aux obligations prévues audit article L. 121-22-5, exposées ci-avant de manière synthétique, doit mentionner celles-ci.
Par ailleurs, pour toute commune située sur un périmètre concerné par l’érosion côtière, la loi « Climat et résilience » (article 236) a modifié l’article L. 125-5 du Code de l’environnement afin de généraliser le dispositif d’information des acquéreurs et locataires. Ainsi, l’article L. 125-5 du Code de l’environnement vient inclure dans l’état des risques naturels et technologiques l’information sur les zones concernées par le risque de recul du trait de côte. Il existe donc un droit à l’information du propriétaire ou du locataire, sur les risques, qui repose sur un état des risques naturels et technologiques applicable sur ces zones susceptibles d’être concernées par le trait de côte. Cette mesure entrera en vigueur à compter de la publication de son décret d’application, et au plus tard le 1er janvier 2023. Les conséquences de cette nouvelle information sont importantes et se répercutent tout au long du processus de vente d’un bien situé dans une zone de recul du trait de côte. Ainsi, toutes les annonces relatives à la vente d’un bien immobilier devront inclure une mention précisant le moyen d’accéder aux informations relatives aux risques affectant le bien.
Par ailleurs, on notera que la transmission de l’information aura lieu au plus tôt dans le processus de commercialisation. Dès la première visite de l’immeuble par les futurs acquéreurs, il est ainsi prévu que l’état des risques soit remis au potentiel acquéreur par le vendeur. De la même manière, dans les zones mentionnées au I de l’article L. 125-5 du Code de l’environnement, le bailleur fournit au candidat locataire l’état des risques prévu au même article L. 125-5, lors de la première visite de l’immeuble, si une telle visite a lieu. L’état des risques continue donc à devoir être intégré au dossier de diagnostic technique (DDT). Il est également précisé que lorsque la vente porte sur un immeuble non bâti, il doit être annexé à la promesse ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente. L’état des risques doit aussi être annexé à l’acte authentique de vente et le cas échéant au contrat préliminaire (en cas de vente en l’état futur d’achèvement). Par ailleurs, les conséquences d’un défaut de communication de l’état des risques sont précisées[4] :
- Si l’état des risques n’est pas remis à l’acquéreur au plus tard à la date de la signature de la promesse de vente ou du contrat préliminaire, le délai de rétractation de l’article L. 271-1 du CCH ne court qu’à compter du lendemain de la communication de ce document à l’acquéreur ;
- Si l’acte authentique n’a pas été précédé d’une promesse de vente ou d’un contrat préliminaire et que l’état des risques n’est pas joint à l’acte authentique de vente, le délai de réflexion de l’article L. 271-1 du CCH ne court qu’à compter du lendemain de la communication de ce document à l’acquéreur.
Pour compléter la loi Climat et résilience, une ordonnance du 6 avril 2022[5] relative à l’aménagement des territoires exposés au recul du trait de côte a été publiée au JORF du 7 avril. Elle détaille le régime juridique de deux nouveaux instruments dédiés au recul du trait de côte.
La mise en place de deux nouveaux outils dans les zones exposées au recul du trait de côte
Pour rappel, la loi Climat et résilience avait prévu dans les communes mentionnées à l’article L. 121-22-1 du Code de l’urbanisme, d’instituer un droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte[6]. L’ordonnance vient apporter quelques modifications de détail et préciser le dispositif relatif à la préemption, puis elle vient créer un nouvel outil d’accompagnement du recul du trait de côte : le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière dit « BRAEC ».
Le nouveau droit de préemption dans les zones exposées au recul du trait de côte
Depuis la loi Climat et résilience, les communes et les intercommunalités se sont vu octroyer un nouveau droit de préemption : le droit de préemption « pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte » dont le régime est spécifié aux articles L. 219-1 à L. 219-13 du Code de l’urbanisme.
Le périmètre. Il concerne en premier lieu et de manière impérative, les zones exposées au recul du trait de côte dans une zone exposée à un horizon de 30 ans. En second lieu, la commune (ou l’établissement public de coopération intercommunale) peut également, de manière facultative, instaurer ce droit de préemption, par délibération, sur tout ou partie de la zone définie au 2° dudit article L. 121-22-2, autrement dit sur tout ou partie de la zone de recul du trait de côte à un horizon plus lointain, entre 30 et 100 ans.
Le champ d’application. L’article L. 219-2 du Code de l’urbanisme distingue les opérations soumises et non soumises au nouveau droit de préemption.
Sont soumis à ce nouveau droit de préemption :
- Les immeubles ou ensembles de droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble, bâti ou non bâti, lorsqu’ils sont aliénés, à titre onéreux, sous quelque forme que ce soit, à l’exception de ceux qui sont compris dans un plan de cession arrêté en application des articles L. 631-22 ou L. 642-1 à L. 642-7 du Code de commerce ;
- Les cessions de droits indivis portant sur un immeuble ou une partie d’immeuble, bâti ou non bâti, sauf lorsqu’elles sont consenties à l’un des co-indivisaires, et les cessions de tantièmes contre remise de locaux à construire ;
- Les cessions de la majorité des parts d’une société civile immobilière ou les cessions conduisant un acquéreur à détenir la majorité des parts de ladite société, lorsque le patrimoine de cette société est constitué par une unité foncière, bâtie ou non bâtie, dont la cession serait soumise au droit de préemption, sauf s’il s’agit d’une société immobilière constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré inclus ;
- Les immeubles construits ou acquis par les organismes HLM et qui sont leur propriété, (sous réserve des droits des locataires définis à l’article L. 443-11 du même code).
Par ailleurs, en vertu de l’article L. 219-4 du Code de l’urbanisme, sont également soumis au droit de préemption les immeubles ou ensembles de droits sociaux mentionnés au 1° du I de l’article L. 219-2 lorsqu’ils constituent un apport en nature au sein d’une société civile immobilière. La déclaration d’intention d’aliéner est alors accompagnée d’un état de la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière.
Cependant, des exceptions sont à noter : l’article L. 219-2 vient exclure du périmètre de ce nouveau droit de préemption, notamment, les immeubles qui font l’objet d’une mise en demeure d’acquérir[7], ou encore, les transferts en pleine propriété des immeubles appartenant à l’Etat ou à ses établissements publics, réalisés en application de l’article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006. Un dernier cas d’exclusion concerne les acquisitions par un établissement public foncier de l’Etat (L. 321-4 du Code de l’urbanisme) ou les établissements publics fonciers locaux (L. 324-1 du Code de l’urbanisme).
Remarquons que, conformément à l’article L. 219-3 du Code de l’urbanisme, ce droit de préemption peut également jouer en cas de donation entre vifs d’immeubles ou ensembles de droits sociaux donnant vocation à l’attribution en propriété ou en jouissance d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble, bâti ou non bâti, sauf lorsque cette donation est réalisée dans un cadre intra-familial[8].
La procédure de préemption. La procédure de préemption est définie aux article L. 219-6 à L. 219-10 du Code de l’urbanisme. A peine de nullité des aliénations, l’article L. 219-6 précité impose « [l’envoi d’] une déclaration préalable, adressée par le propriétaire à la commune où est situé le bien. Le propriétaire en transmet une copie au directeur départemental ou régional des finances publiques. Cette déclaration comporte obligatoirement, sauf en cas de donation entre vifs, l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix. Lorsque la contrepartie de l’aliénation fait l’objet d’un paiement en nature, la déclaration doit mentionner le prix d’estimation de cette contrepartie ».
La méthode d’évaluation. L’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 vient fournir une définition de la méthode d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte.
Cette définition servira non seulement dans le cadre du nouveau droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte, mais aussi dans le cadre de la procédure d’expropriation[9].
En vertu de l’article L. 219-7 du Code de l’urbanisme, à défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, en tenant compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte. Ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire[10]. Le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles prévues en matière d’expropriation publique sous réserve des dispositions de la présente section.
Le prix d’un bien immobilier situé dans une zone exposée au recul du trait de côte délimitée à horizon de 30 ans, est fixé en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification et avec un niveau d’exposition similaire situés dans cette même zone[11].
Autrement dit, « la valeur d’un bien immobilier est fixée en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification et avec un niveau d’exposition similaire situés dans cette même zone » .
Selon l’article L. 219-7 précité, lorsque les références ne sont pas suffisantes, le prix du bien est fixé en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification situés hors de la zone exposée au recul du trait de côte dans laquelle il se situe. Dans ce cas, pour tenir compte de la durée limitée restant à courir avant la disparition du bien, un abattement est pratiqué sur la valeur de ces références. Cet abattement peut, notamment, être déterminé par application d’une décote calculée en fonction du temps écoulé depuis la première délimitation, en application de l’article L. 121-22-2, de la zone dans laquelle se situe le bien, rapporté à la durée totale prévisionnelle avant la disparition du bien à compter de cette première délimitation.
Les conditions d’annulation de la préemption. On peut imaginer qu’après le transfert de propriété, la décision de préemption puisse in fine être annulée[12]. Que doit alors faire le titulaire du droit de préemption ? Ce dernier va devoir, aux termes de l’article L. 219-11-1 du Code de l’urbanisme, proposer aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause l’acquisition du bien en priorité. Le prix indiqué vise à rétablir, sans enrichissement injustifié, les conditions de la transaction à laquelle l’exercice du droit de préemption avait précédemment fait obstacle. A défaut d’accord amiable, le prix est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, conformément aux règles mentionnées à l’article L. 219-7. A défaut d’acceptation dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision juridictionnelle devenue définitive, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause sont réputés avoir renoncé à l’acquisition.
Dans le cas où les anciens propriétaires ou leurs ayants cause ont renoncé expressément ou tacitement à l’acquisition dans les conditions mentionnées aux trois premiers alinéas du présent article, le titulaire du droit de préemption propose également le bien à l’acquéreur pressenti, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration préalable. Il est donc utile en pratique de spécifier le nom du potentiel acquéreur dans la déclaration préalable.
Selon l’article L. 219-19, l’action en nullité prévue au premier alinéa de l’article L. 219-6 se prescrit par cinq ans à compter de la publication de l’acte portant transfert de propriété.
La hiérarchie des droits de préemption. Conformément à l’article L. 219-1, alinéa 6 du Code de l’urbanisme, à l’intérieur des zones de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte, les droits de préemption définis aux articles L. 211-1 et L. 212-2, ainsi qu’à l’article L. 214-1 pour les aliénations à titre onéreux de terrains, ne s’appliquent pas[13].
Par ailleurs, on soulignera que le droit de préemption dédié aux zones exposées au recul du trait de côte peut s’exercer en coopération[14] avec la SAFER[15] sur les biens immobiliers non bâtis à usage ou à vocation agricole ainsi que les bâtiments d’exploitation agricole et n’exclut jamais le droit de préemption des espaces naturels sensibles[16][17].
En clair, « à l’intérieur des futures zones, le DPU, le droit de préemption relatif aux ZAD et le droit de préemption commercial cesseront de s’appliquer. Seul le droit de préemption dont disposent les départements dans les périmètres ENS primera sur le droit de préemption dédié au recul du trait de côte. »[18]
La gestion du bien préempté. Une fois acquis, la gestion du bien est assurée par la personne publique, en ayant toujours le souci de l’évolution prévisible du trait de côte. Elle peut éventuellement en confier la gestion à une personne publique ou privée. Les biens peuvent faire l’objet, de façon transitoire, avant leur renaturation, d’une convention ou d’un bail en vue d’occuper, d’exploiter, d’aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages ou bâtiments, mais là encore en tenant compte de l’évolution prévisible du trait de côte[19].
Le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière dit « BRAEC »
L’article 5 de l’ordonnance met en place le bail réel d’adaptation à l’érosion côtière.
Définition et objet. Ce nouveau bail réel, défini à l’article L. 321-18 du Code de l’environnement, pourra être conclu par l’Etat, une commune ou un groupement de communes, un établissement public y ayant vocation ou le concessionnaire d’une opération d’aménagement, dans les zones exposées au recul du trait de côte, pour une durée comprise entre 12 et 99 ans. La durée du bail est variable en fonction de l’espérance de durée de vie du terrain d’assiette, et compte tenu des évolutions prévisibles du trait de côte.
L’objet de ce bail est de permettre la réalisation de constructions sur les terrains donnés à bail à charge pour le preneur de réaliser des travaux de démolition et de renaturation lorsque les immeubles deviennent trop exposés. Le bail précise les conditions dans lesquelles le bien doit être libéré à son terme[20]. A l’échéance du bail, le terrain d’assiette du bien fait l’objet d’une renaturation comprenant, en tant que de besoin, la démolition de l’ensemble des installations, des constructions ou des aménagements, y compris ceux réalisés par le preneur, et les actions ou opérations de dépollution nécessaires.
La durée. Le preneur bénéficie de droits réels immobiliers en vue d’occuper lui-même ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions ou des aménagements. Mais il existe dans le bail un mécanisme de résiliation anticipée, en fonction de l’évolution de l’érosion, pour faire cesser notamment la mise à disposition des biens concernés si la sécurité était compromise. C’est bien, selon nous, ce mécanisme de résiliation anticipé qui distingue le « BRAEC » des autres baux de droit réel puisque ce dispositif permet de prendre en compte la situation d’un bail dont l’assiette est amenée à disparaitre.
Ainsi, dans une durée du bail comprise entre 12 et 99 ans, le terme du bail est fixé conventionnellement, en fonction de l’état des connaissances à la date de conclusion du bail quant à l’évolution prévisible du recul du trait de côte[21]. Le bail ne peut pas faire l’objet d’une reconduction tacite. En revanche, il peut être prorogé si la situation du bien, notamment au regard de l’évolution prévisible du recul du trait de côte, permet de maintenir la destination, l’occupation et l’usage des installations, des constructions et des aménagements donnés à bail, sans que cette prorogation puisse avoir pour effet de porter sa durée totale à plus de 99 ans[22].
Les obligations réciproques et droits des parties : s’agissant du bailleur. Si ce dernier a l’intention de proposer la conclusion d’un bail réel d’adaptation à l’érosion côtière, il doit en premier lieu réaliser une publicité préalable[23]. Par la suite, une fois le bail conclu, le bailleur devra autoriser tout changement de destination des lieux ou des activités[24]. Les constructions et améliorations réalisées par le preneur deviendront in fine la propriété du bailleur[25]. Celui-ci (le bailleur) doit alors procéder aux opérations de renaturation du terrain. On perçoit bien, principalement en raison de la liste à caractère exhaustif dressée par l’article L. 321-18 précité, mais aussi au regard des obligations mises à la charge du bailleur, que ce dernier est nécessairement une personne morale de droit public ou privé, laquelle sera amenée à jouer un rôle clé dans l’aménagement des territoires exposés[26].
Les obligations réciproques et droits des parties : s’agissant du preneur. Le preneur est tenu aux obligations de paiement d’une somme d’argent à la signature du bail, et le cas échéant, d’une redevance[27] ; de réalisation de travaux d’entretien et de réparation nécessaires à la conservation des biens prévus dans le bail ; d’information du bailleur en cas de contrat de bail ou d’occupation du bien passé par lui[28]. En contrepartie, le preneur a un véritable droit de propriété sur les constructions et améliorations pendant la durée du bail[29]. Il a aussi la jouissance des droits réels immobiliers et des constructions qu’il occupe, exploite ou réalise et la possibilité de passer des baux et contrats d’occupation dès lors qu’ils ne confèrent pas de droits réels sur les biens et ne permettent pas de cession du contrat ni de sous-location du bien[30]. En cas de résiliation anticipée du bail par le preneur, le bailleur aura droit à une indemnisation. On constate ainsi qu’une analogie est permise avec les baux emphytéotiques ou les baux à construction, puisque le bail d’adaptation à l’érosion côtière confère au preneur un droit réel sur le terrain et les constructions. L’ordonnance prévoit les modalités selon lesquels ces droits réels immobiliers peuvent être cédés[31], en respectant, notamment, un encadrement du prix de cession. En définitive, rappelons que les baux conclus en méconnaissance des dispositions des articles L. 321-27 à L. 321-30 du Code de l’environnement ci-dessus analysés sont frappés de nullité. Il en est de même des contrats de cession des droits réels résultant du bail[32].
Article rédigé par Clotilde Boidé, Consultante au Centre d’études et de recherche du Groupe Monassier
Notes
[1] Le trait de côte est « la limite des plus hautes eaux » ; Defrénois n°16, 21 avril 2022, actualités
[2] L. 121-22-2, L. 121-22-3, L. 121-22-6 et L. 121-22-7 du Code de l’urbanisme
[3] L. 121-22-8 et L. 121-22-9 du Code de l’urbanisme
[4] (V) ZALEWSKI-SICARD, Loi « Climat et résilience » et pratique notariale, JCPN n° 30, 30 Juillet 2021, act. 764
[5] Ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022
[6] L. 219-1 à L 219-13 du Code de l’urbanisme
[7] En application des articles L. 152-2, L. 311-2 ou L. 424-1 du code de l’urbanisme, ou des articles L. 241-1 et L. 241-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique
[8] Entre ascendants et descendants, entre collatéraux jusqu’au sixième degré, entre époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité, entre une personne et les descendants de son conjoint ou de son partenaire de pacte civil de solidarité, ou entre ces descendants.
[9] Art. L. 322-6-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique « Lorsqu’il s’agit de l’expropriation d’un bien situé dans une zone exposée au recul du trait de côte à l’horizon de trente ans, délimitée en application du 1° de l’article L. 121-22-2 du code de l’urbanisme, l’indemnité d’expropriation est fixée selon les modalités prévues aux II et III de l’article L. 219-7 du même code ».
[10] , notamment de l’indemnité de réemploi
[11] « Erosion du littoral : mesures relatives aux cessions, aux baux et à l’urbanisme ». Defrénois, 2022, n° 16
[12] Ou déclarée illégale par la juridiction administrative
[13] Sont ici visés le droit de préemption urbain, le droit de préemption dans les ZAD, et le droit de préemption des communes sur les terrains faisant l’objet de projets d’aménagement commercial
[14] Selon les travaux parlementaires, l’objectif serait d’associer les SAFER en amont des projets locaux pour coordonner au mieux leur action avec celle des autres acteurs.
[15] L 219-1 du Code de l’urbanisme
[16] L 215-1 et suivants du Code de l’urbanisme
[17] (C) BOUIRAT, loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, Defrénois n°44, 28 oct. 2021 p. 29 et 30
[18] Dictionnaire permanent, constr. urb. Ed. Francis Lefebvre, oct. 2021, p17
[19] L. 219-11 du Code de l’urbanisme
[20] L. 321-25 du Code de l’environnement
[21] L. 321-19 du Code de l’environnement
[22] L. 321-19 du Code de l’environnement
[23] L. 321-18 du Code de l’environnement
[24] L. 321-22 du Code de l’environnement
[25] L 321-22, al. 5 du code de l’environnement
[26] Etat, commune, groupements, établissements publics fonciers
[27] L. 321-21 du Code de l’environnement
[28] L. 321-24 du Code de l’environnement
[29] L. 321-22 du Code de l’environnement
[30] L. 321-24 du Code de l’environnement.
[31] L. 321-27 à L. 321-30 du code de l’environnement
[32] L. 321-31 du Code de l’environnement
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