Le bail à construction se caractérise par une liberté contractuelle qui se manifeste notamment à son extinction, les parties pouvant convenir du sort des constructions initiales et de celles édifiées par le preneur. Certaines particularités méritent d’être rappelées.
Extinction du bail à construction : aspects civils
Causes d’extinction du bail à construction
Le bail à construction s’éteint, en premier lieu, par l’arrivée du terme, celui-ci étant compris impérativement entre 18 et 99 ans (CCH art. L 251-1, al. 3).
Mais il peut également expirer dès avant le terme, par l’effet d’une résiliation judiciaire ou amiable. Dans ce dernier cas, une résiliation avant la dix-huitième année comporterait le risque d’une requalification du contrat en bail ordinaire. On rappellera d’ailleurs qu’il n’est pas possible, sans risquer de disqualifier la convention des parties, d’insérer une clause de résiliation unilatérale au profit du bailleur, par exemple pour permettre à ce dernier de vendre le terrain libre de toute occupation, ou bien une clause de résiliation triennale (en ce sens, J.-L. Tixier, Le bail à construction, de la théorie à la pratique, éd. Litec 2006 n° 158 et 160). Toutefois, la question reste débattue (voir J.-Cl. Constr.-Urb. fasc. 110 Bail à construction n° 50).
Enfin, le bail à construction peut s’éteindre par confusion, par la réunion des qualités de preneur et de bailleur sur la même tête (C. civ. art. 1349). Cette hypothèse se rencontre le plus fréquemment lors de la cession du terrain au preneur, ou de la cession des droits du bailleur et du preneur à un même tiers. De telles opérations emportent cependant de lourdes conséquences fiscales au regard des impôts directs, le Conseil d’État et l’administration fiscale niant l’analyse civiliste de la confusion et assimilant ces opérations à des résiliations amiables tacites du bail à construction (sur ce point, voir les aspects fiscaux ci-après).
Sort des constructions édifiées par le preneur
À la fin du bail à construction, les parties sont libres d’aménager le sort des constructions édifiées par le preneur (CCH art. L 251-2). Par exemple, il est possible de prévoir que les constructions deviendront la propriété du bailleur contre indemnité, celle-ci correspondant généralement à la valeur des constructions dans leur état au terme du bail ou au montant de la plus-value acquise par le terrain. L’on peut encore prévoir que le preneur deviendra, dans le cadre d’un bail à construction dit « à l’envers », propriétaire du terrain à l’expiration du bail et restera propriétaire des constructions qu’il y aura édifiées.
Plus rare encore en pratique est la possibilité pour les parties de prévoir la mise en place d’une copropriété entre bailleur ou preneur, ou même une dissociation définitive de la propriété du terrain et des constructions par la mise en place d’une volumétrie.
Il est même envisageable de prévoir une clause de nivellement, permettant au bailleur d’exiger du preneur la démolition des constructions réalisées et la remise en état du terrain à l’échéance du bail (Cass. 3e civ. 30-1-2008 n° 06-21.292 : Bull. civ. III n° 14) ; ceci afin de lui éviter d’avoir à supporter les coûts d’entretien ou de démantèlement de constructions dont il n’aurait aucune utilité.
À défaut de convention expresse, les dispositions supplétives du Code de la construction et de l’habitation s’appliqueront et le bailleur deviendra propriétaire « gratuitement » des constructions édifiées par le preneur en fin de bail et profitera des améliorations (CCH art. L 251-2, al. 2).
Sort des droits réels consentis par le preneur
La propriété des immeubles doit en principe revenir au bailleur libre de toutes charges, sauf convention contraire (CCH art. L 251-2). Ainsi, les sûretés nées du chef du preneur s’éteignent-elles à l’expiration du bail (CCH art. L 251-6, al. 1). Toutefois, en cas de résiliation judiciaire ou amiable, ces sûretés ne cesseront qu’au terme du bail initialement convenu (CCH art. L 251-6, al. 3).
S’agissant des servitudes, seules subsistent à l’issue du bail les servitudes passives indispensables à la réalisation des constructions prévues au bail (CCH art. L. 251-6, al. 1 et L 251-3, al. 4).
Sort des baux conclus par le preneur
Dans la mesure où le preneur ne peut consentir à des tiers plus de droits qu’il n’en a lui-même, les baux et autres titres d’occupations consentis par le preneur s’éteignent également à l’expiration du bail à construction, sans que leurs titulaires ne puissent se prévaloir d’un droit à indemnité ou à renouvellement ni d’un droit au maintien dans les lieux. Reprenant une solution dégagée par la jurisprudence en matière de bail emphytéotique (Cass. 3e civ. 2-6-2010 n° 08-17.731 FS-PBI : BPIM 4/10 inf. 333), la loi Alur a toutefois instauré une exception pour les baux de locaux d’habitation (CCH art. L 251-6, al. 1 modifié par loi 2014-366 du 24-3-2014 art. 113-I). Lorsque ces derniers relèvent de la loi du 6 juillet 1989, ils se poursuivent alors automatiquement avec le propriétaire de l’immeuble jusqu’au terme prévu par le contrat de location, toute clause contraire étant réputée non écrite (Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 10).
Extinction du bail à construction : aspects fiscaux
Si le bail à construction est en principe doté d’un régime fiscal de faveur lors de son extinction, plusieurs points d’attention méritent d’être rappelés, certaines situations pouvant emporter d’importantes conséquences fiscales au regard des impôts directs, notamment chez le bailleur.
Retour gratuit et régime fiscal de faveur
À l’expiration du bail, les constructions revenant gratuitement au bailleur sont en principe imposables à son nom en tant que revenu foncier (CGI art. 33 bis). Mais ce principe comporte plusieurs assouplissements. Aucune imposition n’est ainsi due lorsque la durée du bail est au moins égale à trente ans. Par ailleurs, lorsque la durée du bail est comprise entre dix-huit et trente ans, le revenu brut correspondant à la valeur des constructions remises en fin de bail est égal à leur prix de revient, déduction faite d’une décote égale à 8 % par année au-delà de la dix-huitième (CGI art. 33 ter, II et CGI ann. III art. 2 sexies). Enfin, le revenu foncier ainsi dégagé peut bénéficier de la règle dite du quinzième (CGI art. 33 ter, I). Il sera alors réparti, par fractions égales, sur l’année ou l’exercice de remise des biens et les quatorze années ou exercices suivants.
Prorogation
Afin de bénéficier de l’exonération ou de repousser son imposition, le bailleur pourrait être tenté de proroger le bail. La simple prorogation du bail a en principe pour effet de reporter au nouveau terme convenu la date à laquelle le bailleur devient propriétaire des constructions, et par suite l’imposition du revenu foncier en nature correspondant (CE 25-1-2006 n° 271523 : RJF 4/06 n° 388). Cependant, encore faut-il que n’interviennent pas, à cette occasion, de modifications substantielles du bail. Dans une telle hypothèse, l’administration fiscale pourrait arguer d’une novation du contrat de bail pour imposer le bailleur au terme initialement convenu (en ce sens, TA Toulouse 31-5-2005 n° 01-1696 : RJF 10/05 n° 1034).
Une exonération limitée au prix de revient
L’avantage du bail à construction au plan fiscal a toutefois été récemment limité par le Conseil d’État. Pour la Haute Juridiction, le bailleur ne peut prétendre au bénéfice de l’exonération que dans la limite du prix de revient. Si une comptabilisation à la valeur vénale ne fait pas obstacle au bénéfice de cette exonération, l’écart entre la valeur vénale et le prix de revient des constructions remises gratuitement doit alors être réintégré dans le bénéfice imposable du bailleur (CE 5-11-2014 n° 366231 : RJF 2/15 n° 93). La méthode de comptabilisation des constructions est déterminante. Le bailleur sera en effet soumis à une fiscalité différée lors de la cession ultérieure des constructions en cas d’inscription à leur prix de revient, ou à une imposition immédiate en cas d’inscription à la valeur vénale (voir A. Carpentier, Dr. Fisc. n° 14, 2-4-2015, 239).
Résiliation anticipée et opérations assimilées
Le régime fiscal de faveur du bail à construction exposé ci-avant s’applique également en cas de résiliation anticipée, pour peu que cette dernière intervienne au-delà de la dix-huitième année. À défaut, le bailleur serait imposable l’année de la résiliation dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire sur la valeur vénale des constructions. De façon contestable, et à l’inverse de la Cour de cassation (Cass. com. 12-6-2012 n° 11-18978), le Conseil d’État et l’administration fiscale assimilent les hypothèses d’extinction du bail par confusion (par exemple : cession ou apport du terrain au preneur, cession conjointe par le bailleur et le preneur de leurs droits à un tiers, absorption du bailleur par le preneur) à des résiliations amiables tacites, impliquant ainsi une remise des immeubles au bailleur et donc l’imposition de ce dernier à ce titre (CE 27-2-2013 n° 350663 : RJF 5/13 n° 464 ; CE 21-11-2011 n° 340777 : RJF 2/12 n° 144).
Hervé MANCIET
Directeur du Centre d’Etudes et de Recherche du Groupe Monassier
Paru dans Solution Notaire, Editions Francis Lefebvre, 3 septembre et 8 octobre 2020