L’autorité compétente peut-elle surseoir à statuer lors de l’élaboration d’un PLU sur une demande d’autorisation portant sur un projet soumis à la législation sur les IPCE ?
Rappelons que le mécanisme du sursis à statuer prévu l’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme permet à l’autorité compétente en matière d’urbanisme de surseoir à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme concernant des constructions, installations ou opérations de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur PLU.
En l’espèce, une société dépose en préfecture un dossier d’autorisation unique pour l’implantation et l’exploitation d’un parc éolien composé de six aérogénérateurs et deux postes de livraison.
L’autorisation unique vaut autorisation d’exploiter au titre de la législation relative aux installations classées (article L. 512-1 du Code de l’environnement) et, le cas échéant, permis de construire en vertu de l’article L. 421-1 du Code de l’urbanisme. La demande est dans un premier temps implicitement rejeté. Mais dans un second temps, le préfet retire cette décision et sursoit à statuer au regard du PLU en cours d’élaboration, en application de l’article L. 153-11 du Code de l’urbanisme susvisé.
La Cour administrative d’appel sursis à statuer sur la requête de la société tendant à l’annulation du sursis et transmet le dossier au Conseil d’Etat en soumettant à son examen la question suivante : l’autorité compétente peut-elle surseoir à statuer lors de l’élaboration d’un PLU sur une demande d’autorisation portant sur un projet soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ?
Aux visas des articles L. 153-11 et L. 424-1 du Code de l’urbanisme, le CE déclare que le sursis à statuer ne peut être opposé, en cas d’élaboration d’un plan local d’urbanisme, qu’aux demandes d’autorisations relevant du livre IV du Code de l’urbanisme, auxquelles renvoie expressément l’article L. 153-11 du même code. Il n’est, par suite, pas possible d’opposer un sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 153-11 à une demande d’autorisation environnementale, laquelle n’est pas régie par le livre IV du Code de l’urbanisme. En revanche, si la réalisation de l’activité autorisée par cette autorisation suppose également la délivrance d’un permis de construire, l’autorité compétente pourra, sur le fondement de l’article L. 153-11, opposer un sursis à statuer sur la demande de permis de construire lorsque le projet objet de la demande est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan local d’urbanisme.
Le Conseil d’État était également interrogé sur les projets d’éoliennes terrestres.
S’agissant des projets autorisés depuis l’ordonnance du 26 janvier 2017, ils sont soumis à autorisation environnementale mais dispensés de permis de construire en vertu de l’article R. 425-29-2 du Code de l’urbanisme. Si cette réglementation n’a ni pour objet ni pour effet de dispenser ces projets du respect des règles d’urbanisme qui leur sont applicables, elle ne permet pas pour autant à l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation environnementale, faute de disposition particulière en ce sens, d’opposer un sursis à statuer en raison de l’élaboration d’un document d’urbanisme.
Il précise que les projets relatifs à des éoliennes terrestres qui ont été autorisés sur le fondement de l’ordonnance du 20 mars 2014 valaient permis de construire. Ces autorisations étaient néanmoins soumises à une liste limitative de dispositions du code de l’urbanisme énumérées à l’article 4 de l’ordonnance, parmi lesquelles ne figuraient pas les dispositions permettant d’opposer un sursis à statuer. Dès lors, même si ces autorisations étaient tenues, en application de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme, de respecter les règles du plan local d’urbanisme, il n’était pas possible, au stade de la demande d’autorisation environnementale unique, d’opposer un sursis à statuer en raison de l’élaboration d’un plan local d’urbanisme.
Enfin, le CE estime que lorsqu’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou une commune a arrêté un projet de plan local d’urbanisme, la cohérence entre le projet d’éoliennes et le document d’urbanisme en cours d’élaboration pourra toutefois être assurée par l’obligation, posée à l’article L. 515-47 du Code de l’environnement, de recueillir l’avis favorable de l’organe délibérant de l’EPCI compétent en matière de plan local d’urbanisme ou du conseil municipal de la commune concernée, avant toute implantation d’éoliennes qui apparaîtrait incompatible avec le voisinage des zones habitées.
Avis CE, 9 juillet 2021, n° 450859