La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a été publiée au Journal Officiel du Samedi 24 novembre 2018.
Ce texte comporte plusieurs aménagements en matière de construction et d’urbanisme.
DES RÈGLES RENOUVELÉES EN MATIÈRE D’URBANISME
Périmètre de l’intervention de l’architecte des bâtiments de France
L’architecte des bâtiments de France est au centre de l’article 56 de la loi Élan. « Une fois encore, l’avis de l’architecte des bâtiments de France (ABF) « est sur la sellette » lors des instructions d’autorisations ». Le législateur constate la lourdeur de la procédure lorsque l’immeuble est situé dans le périmètre de l’architecte des bâtiments de France. La loi Élan tend à requérir de préférence un avis simple (une consultation) et pour certaines opérations à se dispenser d’un avis conforme (un véritable accord).
Les articles L. 621-32 et L. 632-1 du Code du patrimoine rendaient obligatoire l’avis de l’architecte des bâtiments de France lorsque l’opération projetée se situait dans le périmètre d’un monument historique, un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou encore un site patrimonial remarquable.
La loi Élan décide de supprimer l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France, le rendant simplement consultatif pour certaines opérations énumérées de manière exhaustive, à savoir :
- le déploiement des pylônes de téléphonie mobile ;
- les opérations de traitement de l’habitat indigne (les « bidonvilles » de l’article L. 522-1 du Code de la construction et de l’habitation, les immeubles insalubres de l’article L. 1331-28 du Code de la santé publique, ou encore les immeubles menaçant ruine frappés d’arrêté de péril que le maire a assorti d’une interdiction d’habiter ou d’une ordonnance de démolition.
Deux objectifs ont guidé le législateur : accélérer la mise en place des antennes de téléphonie mobile, et permettre une prompte intervention sur les immeubles insalubres ou dangereux, y compris lorsqu’ils présentent un intérêt patrimonial. Le législateur a choisi de privilégier les enjeux de sécurité. On notera que la commission des affaires économiques du Sénat a vivement débattu ces restrictions, se posant en défenseur de l’avis obligatoire de l’ABF au nom de la préservation du patrimoine.
Selon l’article L. 632-2 du Code du Patrimoine, en cas de silence de l’architecte des bâtiments de France, son accord est réputé donné.
Par ailleurs, le silence du préfet dans le cadre du mécanisme instauré au II de l’article L. 632-2 du Code de l’urbanisme pour remédier au désaccord entre la collectivité et l’ABF, équivaudra à un avis favorable.
Ces mesures s’appliquent à l’ensemble des demandes d’autorisation déposées à compter du lendemain de la publication de la loi Élan.
Les demandes d’autorisations d’urbanisme
Pluralité de demandes
L’article 58 de la loi Élan complète l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme par l’alinéa suivant : « la délivrance antérieure d’une autorisation d’urbanisme sur un terrain donné ne fait pas obstacle au dépôt par le même bénéficiaire de ladite autorisation d’une nouvelle demande d’autorisation visant le même terrain. » Cette disposition va permettre au pétitionnaire de réaliser l’économie d’une demande de retrait de l’autorisation précédemment délivrée. De plus, l’obtention d’une nouvelle autorisation n’emportera pas retrait implicite de la précédente.
Cet article devrait sonner le glas de l’arrêt « Vicqueneau » n° 156630 du Conseil d’État, en date du 31 mars 1999, selon lequel un nouveau permis de construire déposé sur le même terrain a implicitement mais nécessairement rapporté le premier. Cette jurisprudence était bien établie pour avoir été réitérée par l’arrêt « Société Call Invest ». Le second alinéa de l’article L. 424-5 issu de la loi Élan consacre la coexistence de deux permis sur une même assiette foncière. En outre, le Code de l’urbanisme énonce désormais expressément que toute nouvelle demande d’autorisation ne nécessite pas d’obtenir le retrait de l’autorisation précédente et n’emporte pas retrait implicite de cette dernière. Il devrait être définitivement mis un terme à l’arrêt « Vicqueneau » pour encourager les constructions et les promoteurs se réjouiront de son abandon.
L’instauration d’une téléprocédure
La loi Élan poursuit le long processus de dématérialisation des échanges avec les administrations, puisque l’article 62 prévoit une télétransmission des demandes nécessaires à l’instruction du permis de construire pour certaines communes au-delà d’un seuil de population fixé à 3 500 habitants. Les modalités de cette mise à disposition par voie de dématérialisation vont être précisées par décret.
Un article L. 423-3 est ajouté au Code de l’urbanisme par la loi Élan. En vertu de cet article « les communes dont le nombre total d’habitants est supérieur à 3 500 disposent d’une téléprocédure spécifique leur permettant de recevoir et d’instruire sous forme dématérialisée les demandes d’autorisation d’urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2022 ». Un système de mutualisation de la téléprocédure pourra être envisagé par le biais du service en charge de l’instruction des actes d’urbanisme.
Les collectivités peuvent déléguer au secteur privé et avoir recours à un prestataire. Ce dernier devra rester indépendant et impartial. Sa mission ne doit pas influencer la décision de délivrance des autorisations en elle-même et le travail de rédaction qui incombe au maire. Ce dernier conserve l’entière responsabilité de sa décision. L’article L. 423-1 du CCH précise que les missions confiées à ces prestataires privés ne doivent entraîner aucune charge financière pour les pétitionnaires.
Sécurisation des autorisations d’urbanisme
La limitation des recours abusifs
Un rapport remis au ministre de la cohésion des territoires le 11 janvier 2018, disponible sur le site du ministère, a mis en exergue la complexité des contentieux français du droit de l’urbanisme « qui freinent l’acte de bâtir ». Après trois mois de réflexion, le groupe de travail chapeauté par Madame Christine Maugüé a émis ses « propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace », préservant dans le même temps les droits des tiers.
Les propositions peuvent se synthétiser en quatre volets, à savoir :
- La réduction des délais de jugement des recours contre les autorisations d’urbanisme ;
- La consolidation des autorisations existantes ;
- Une plus grande stabilité juridique des constructions achevées ;
- L’amélioration de la sanction contre les recours abusifs.
Les dispositions les plus pertinentes ont été consacrées par la loi Elan, pour être introduites aux articles L. 600-1-2 et suivants du Code de l’urbanisme.
Il est possible de mentionner, notamment, la condition temporelle désormais imposée aux associations voulant former un recours contre une autorisation de construire. La recevabilité de son recours sera admise uniquement si elle peut justifier du dépôt de ses statuts en préfecture « au moins un an » avant l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. Dans l’état du droit antérieur à la loi Elan, le simple dépôt avant l’affichage suffisait pour caractériser son intérêt à agir.
Concernant les conditions de l’intérêt pour agir des particuliers, l’article L. 600-1-2 du Code de l’urbanisme disposait que « une personne n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation ». Le requérant devait démontrer son intérêt à agir : la décision doit lui porter directement préjudice. En d’autres termes, il fallait que « la construction, l’aménagement ou les travaux » soient de nature à « affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien » qu’il détient ou occupe.
La notion de « travaux » n’était pas suffisamment précise, puisque pour certains elle renvoyait simplement aux chantiers. La loi Elan procède à une clarification en substituant à cette notion de « travaux », celle de « projet autorisé ». L’action des particuliers pourra désormais concerner également les déclarations préalables.
Sur le plan de la procédure actuelle de référé-suspension, un tiers se sentant lésé pouvait saisir le juge des référés afin de suspendre l’exécution du permis de construire. L’article L. 521-1 du Code de justice administrative dispose à cet égard que lorsque « une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, […] lorsque l’urgence le justifie et qu’il [existe] un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
Trois conditions se dégagent :
- L’urgence : elle était satisfaite ispo facto en la matière, eu égard au caractère irréversible de certains travaux. La loi Elan vient expressément consacrer cette présomption d’urgence.
- Un doute sérieux
- Une limite temporelle : la loi Elan vient ajouter cette dernière condition. Elle enferme le référé-suspension dans un certain délai qui court « jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort ».
La consolidation des autorisations
Pour mémoire, l’article L. 600-5 du Code de l’urbanisme (C. urb.) offrait au juge la possibilité de prononcer une annulation partielle de l’autorisation, lorsqu’une partie seulement d’un projet était illégale.
Désormais, le nouvel article L. 600-5 fait de cette faculté une véritable obligation et impose au juge de limiter la portée de l’annulation. Dans le même temps, l’article L. 600-5-1 du C. urb prévoit que le juge administratif sursoit à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. L’annulation partielle et le sursis ne se situent pas dans un rapport d’exclusion, ils sont complémentaires l’un de l’autre. Le refus du juge de faire droit à une demande de sursis devra être motivé, tout comme son refus d’annulation partielle.
Concernant le permis modificatif, l’article L. 600 5 2 du CCH issu de la loi Élan empêche que ce dernier puisse être contesté indépendamment. Ceci pour en finir avec la pratique des recours en série qui font perdre un temps précieux au pétitionnaire. Désormais, si le permis modificatif est obtenu au cours de l’instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire initial et que cette décision a été communiquée aux parties, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance contre le permis initial. Il est à noter que les tiers, qui ne sont naturellement pas concernés par l’instance, pourront toujours contester indépendamment les mesures nouvelles.
Pour mémoire, l’annulation du permis entraîne, par voie de conséquence, l’annulation des permis modificatifs délivrés ultérieurement.
Par ailleurs, l’article L. 600-7 disposait que, lorsque la mise en œuvre abusive d’un recours pour excès de pouvoir, « dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant », avait provoqué un « préjudice excessif au bénéficiaire du permis », le pétitionnaire pouvait obtenir que lui soient alloués des dommages et intérêts. Pour ce faire, il devait produire un mémoire distinct. En pratique, l’action en dommages-intérêts de l’article L. 600-7 du CCH à l’encontre du requérant « abusif » était peu usitée. De plus, la modestie des sommes allouées la privait d’intérêt.
Depuis l’entrée en vigueur de cet article, les conclusions reconventionnelles à fin de dommages et intérêts présentées ont quasiment toutes été rejetées.
La loi Élan supprime la condition d’un préjudice excessif et supprime le dernier aliéna de l’article L. 600-7 qui posait une présomption de recours légitime des associations agréées. La loi Elan cherche à favoriser l’action de l’article L. 600-7 afin de dissuader les recours abusifs.
L’article L. 600-8 du Code de l’urbanisme met fin « au chantage » et, pour ce faire, prohibe les transactions conclues avec des associations lorsqu’elles ont en contrepartie le versement d’une somme d’argent. En effet, les transactions pécuniaires contre un désistement sont incompatibles avec l’objectif d’intérêt général de ces associations.
Rompre la corrélation existante entre les autorisations d’occupation du sol et les illégalités du PLU sans rapport avec les règles afférentes aux autorisations, tel était le souhait du législateur. A cet égard, un nouvel article L. 600-12-1 est inséré dans le Code de l’urbanisme, afin d’offrir une sécurisation renforcée des autorisations déjà accordées en cas d’annulation du document d’urbanisme sur lequel elles reposent. Cette relation était dénoncée par l’étude d’impact de la loi Elan qui regrettait « que le prononcé de l’annulation totale ou partielle du PLU pour un motif étranger aux règles applicables au projet, puisse avoir des répercussions sur les permis délivrés ». C’est pourtant ce qui se produisait en application de l’article L. 600-12 du Code de l’urbanisme. L’annulation d’un document d’urbanisme provoquait un retour au statu quo ante et le document d’urbanisme antérieur retrouvait à s’appliquer. Le nouvel article L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme a vocation à supprimer toute incidence de l’annulation sur les autorisations déjà accordées, si l’annulation porte sur des raisons étrangères aux règles d’urbanisme applicables au projet.
En dernier lieu, toujours dans une volonté de sécurisation de l’acte de construire, la loi Elan réduit les condamnations pénales contre les constructeurs qui se sont, certes, bien conformés aux prescriptions d’un permis de construire, tandis que ce dernier ne respectait pas lui-même les dispositions du PLU. A ce titre, l’article L. 610-1 du Code de l’urbanisme, qui dispose que « en cas d’infraction aux dispositions des plans locaux d’urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables », voit son champ d’application limité par la loi Élan. Ainsi, « le présent article n’est pas applicable lorsque le bénéficiaire d’une autorisation définitive relative à l’occupation ou l’utilisation du sol, délivrée selon les règles du présent code, exécute des travaux conformément à cette autorisation ». Une réserve est toutefois faite en cas de fraude.
Cahier des charges du lotissement
A titre liminaire, la loi Elan uniformise le délai de rétractation de l’article L. 442-8 du Code de l’urbanisme avec celui de l’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation. Désormais, pour la vente d’un terrain à bâtir situé dans un lotissement soumis à permis d’aménager, le délai est porté à 10 jours.
La loi Élan déconstruit certaines dispositions posées par la loi ALUR concernant le lotissement.
Caducité des clauses du cahier des charges
La loi Élan marque la fin de la procédure de caducité automatique des clauses du cahier des charges non approuvé d’un lotissement au 24 mars 2019. En effet, elle dispose que les trois derniers alinéas de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme sont supprimés. Rappelons que l’alinéa 5, écrit par la loi ALUR, précisait : « Toute disposition non réglementaire ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble, contenue dans un cahier des charges non-approuvé d’un lotissement, cesse de produire ses effets dans le délai de 5 ans à compter de la promulgation de la loi précitée si ce cahier des charges n’a pas fait l’objet, avant l’expiration de ce délai, d’une publication au bureau des hypothèque ou au livre foncier ». Il s’agissait d’une « mort programmée » de ces cahiers des charges non-approuvés. Déjà, lors de l’adoption de la loi Alur, le mécanisme avait donné lieu à un amendement ayant pour objet de supprimer ces 3 alinéas de l’article L. 442-9, qui portaient atteinte à la liberté contractuelle et au principe figurant désormais à l’article 1103 du Code civil sur le maintien des contrats légalement formés, en tant que loi des parties. L’amendement fut rejeté à l’époque. La loi Élan, 4 ans plus tard, réalise la suppression suggérée.
Modification des clauses du cahier des charges
Sur le plan de la modification du cahier des charges, la loi Élan prévoit la suppression du deuxième aliéna de l’article L. 442-10 du Code de la Construction et de l’habitation. Dès lors, l’affectation des parties communes, sera par la loi Élan, soumise à la double majorité, ce qui devrait permettre de bâtir des espaces verts communs plus aisément.
Faciliter la transformation des bureaux en logements
Le mécanisme envisagé résulte du constat selon lequel les opérations de transformation de bureaux en logements sont coûteuses et nuisent à la rentabilité, puisque l’immobilier d’entreprise est souvent privilégié par les investisseurs, par rapport au logement. En effet, même sans certitude d’être loué, un immeuble de bureau a un rendement en capital et peut permettre de faire une plus-value à la revente. Les commerces et les bureaux en centre-ville sont parfois obsolètes et vacants : ils constituent un gisement qui permettrait de répondre à des besoins d’urgence en proposant une nouvelle offre de logements.
Le chapitre III du titre 1er « Construire plus, mieux et moins cher » vise à favoriser la transformation de bureaux en logements, en prévoyant trois articles :
Article 28 – Accorder des bonus de construction pour faciliter la transformation de bureaux en logements en zone tendue
Un bonus de 30 % supplémentaires par rapport au gabarit de la construction existante (bureaux vacant) est accordé par le maire ou le président de l’EPCI, en cas de transformation de celle-ci en logements. Ab initio, le projet de loi prévoyait un bonus de 10 %. La loi entend modifier le champ de la dérogation actuellement accordée par l’autorité compétente en matière d’autorisation du droit des sols au titre du 3° de l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme. Cet article est relatif « aux règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement pour autoriser la transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant. »
En outre, la loi Élan réalise une extension du champ d’application de l’article L. 145-4 du Code de commerce. Le paragraphe II de l’article 28 permet une résiliation unilatérale du bail par le bailleur, à l’expiration de chaque période triennale, pour construire, reconstruire, surélever l’immeuble, ou y exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière. Cet alinéa de l’article 28 ne figurait pas dans le projet de loi ab initio, il a été introduit à la faveur d’un amendement, n° CE1309 présenté le 9 mai 2018 par Monsieur Lioger. Désormais, la dénonciation par le bailleur sera possible afin de « transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation ». Le congé doit être donné dans les formes et les délais de l’article L. 145-9 du même code, à l’issue de chaque période triennale.
Article 30 – Créer une catégorie d’immeuble de moyenne hauteur
Les normes de sécurité incendie dans les immeubles diffèrent selon que la construction est un immeuble de bureaux ou un immeuble d’habitation. Un immeuble sera qualifié de d’immeuble de grande hauteur (IGH) s’il atteint 50 mètres pour l’habitation, mais seulement dès 28 mètres pour les immeubles de bureaux. Il résulte de cette distinction un surcoût des changements de destination des bureaux, comme des créations ou travaux d’aménagement.
La loi Élan crée une nouvelle classe d’« immeuble de moyenne hauteur », soumise à des règles spécifiques déterminées par décret, en matière de sécurité. Ce faisant, elle réalise un compromis pour faciliter la réversibilité des bureaux tout en préservant la protection contre l’incendie. Un décret en Conseil d’État est attendu pour permettre l’entrée en vigueur et il conviendra d’être vigilant sur les règles de sécurité ainsi fixées.
Article 32 – Réquisition des locaux
Il existe des dispositifs d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile et les sans-abris. Ces dispositifs, notamment le recours aux nuitées d’hôtel, s’avèrent particulièrement dispendieux. La loi cherche à faciliter la réquisition de bureaux vacants pour y installer des centres d’hébergement d’urgence.
DE NOUVELLES NORMES SUR LES CONTRATS DE CONSTRUCTION
Adaptation du contrat de construction de maisons individuelles (CCMI)
Pour construire d’avantage, plus vite, et toujours avec moins de ressources, le législateur a souhaité encourager la préfabrication.
La préfabrication reçoit les honneurs d’une définition légale au nouvel article L. 111-1-1 et se définit comme le fait de « concevoir et réaliser un ouvrage à partir d’éléments préfabriqués assemblés, installés et mis en œuvre sur le chantier ». La loi Elan précise que « ces éléments préfabriqués font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos et de couvert de la construction et peuvent intégrer l’isolation et les réserves pour les réseaux divers. Ils sont produits sur un site qui peut être soit une usine ou un atelier, soit une installation temporaire jouxtant le chantier. »
La difficulté réside dans la grille d’appel de fonds du contrat de construction de maison individuelle (CCMI). Elle correspond à un avancement progressif du chantier (fondations, mise hors d’eau, puis mise hors d’air etc…). Au contraire, la filière de la préfabrication réalise le pavillon d’habitation hors du chantier ce qui permet de passer directement de l’achèvement des fondations à la mise hors d’air. Cela revient, dans la grille d’appel de fonds, à passer de la ligne des 25 % (achèvement des fondations) à la ligne des 75 % (mise hors d’air). Les dépenses ne se font pas au fil de la construction. En conséquence, les constructeurs de maisons préfabriquées rencontrent des problèmes de trésorerie.
Afin de développer le marché des maisons préfabriquées en France, la loi Élan, va permettre l’élaboration d’une nouvelle grille d’appels de fonds dédiée à ces constructions.
Le dispositif retenu vise à inclure dans la partie législative du Code de la construction et de l’habitation, le cadre permettant la création d’une nouvelle grille. Dans ce contexte, l’article 65 habilite le Gouvernement dans les conditions de l’article 38, à prendre des dispositions par voie d’ordonnance dans un délai de six mois après la publication de la loi. Les conditions de paiements versés au constructeur d’une maison préfabriquée seront adaptées, tout en garantissant un niveau de protection suffisant du maître d’ouvrage (activation des garanties de remboursement et concrétisation de la notion de propriété de l’élément préfabriqué).
Assouplissement de l’accessibilité des personnes handicapées
A titre liminaire, précisons que l’article 64 de la loi Elan a fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, le 23 octobre dernier, mais a été jugé conforme par une décision du 15 novembre 2018, n° 2018-772 DC.
L’article 64 de la loi est le premier article du titre I au Chapitre V intitulé « simplifier l’acte de construire ». La loi Élan part du constat que le régime actuel et ses exigences réglementaires « brident l’innovation et freinent de nombreux projets immobiliers. Il est donc apparu nécessaire de proposer des ajustements et de redonner une liberté de conception aux hommes de l’art ».
Aussi, la loi Élan vise à « assouplir les normes d’accessibilité ». Pour mémoire, le cadre juridique sur l’accessibilité en faveur des personnes handicapées a été élaboré par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975. Modifiée à plusieurs reprises, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances a ouvert le bénéfice de cette réglementation à toutes les formes de handicap, physiques mais également mentaux.
A l’exception du particulier construisant ou améliorant son logement pour lui-même, les installations (locaux d’habitation, ERP, lieux de travail) doivent être accessibles à tous et le pétitionnaire d’un permis de construire doit se conformer aux dispositions de l’article L. 111-7 du CCH.
L’ancien article L. 111-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) disposait ainsi : « les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d’habitation, qu’ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap […] » .
La loi Élan modifie l’article L. 111-7-1 du CCH et offre la possibilité aux promoteurs de construire des « logements évolutifs », notion qui sera définie ultérieurement par un décret visant à l’intégrer au Code de la construction et de l’habitation, et à préciser les caractéristiques de ces types de logements. Il ne s’agit pas d’une obligation, mais d’une faculté offerte aux constructeurs.
Précisons d’ores et déjà que la notion de logement « évolutif » signifie que ces logements sont accessibles en grande partie et devenir totalement accessibles, par de « simples travaux ».
L’article L. 111-7-1 du CCH issu de la loi Élan est modifié pour porter à 20 % le nombre de logements d’habitation collectifs qui doivent être accessibles. Les autres logements sont évolutifs.
L’obligation d’accessibilité totale était le principe, sous le régime antérieur à la loi Élan.
Les 60 parlementaires de l’opposition se sont indignés que l’article 64 modifiait l’objectif de 100 % de logements accessibles dans le neuf prévu en 2005 en un quota de 8 %. Le faible pourcentage avancé par les 60 députés est obtenu en partant du taux légal de 20 % issu de la loi Élan qui ne concerne que 40 % des logements, soit uniquement les bâtiments dits R+4. En retenant 20 % des 40 %, la loi Élan réduit sensiblement les normes d’accessibilité des personnes handicapées. Ce faisant, il y aurait une atteinte au principe d’accessibilité ce qui provoque une discrimination et une rupture d’égalité.
Ces inégalités seraient renforcées par la consécration de logements évolutifs. La notion de « simples travaux » est jugée trop peu précise et risque de conduire le bailleur à sélectionner les locataires non porteurs de handicaps, afin de ne pas avoir à accomplir lesdits travaux.
Le conseil Constitutionnel n’a pas suivi cet argumentaire et n’a pas censuré ces dispositions.
Pour connaître ces nouvelles normes d’accessibilité, il convient d’attendre le décret en Conseil d’État.
Droit de la construction
Vente de terrain à bâtir : nouveau diagnostic géotechnique
Une nouvelle étude géotechnique est à fournir par le vendeur d’un terrain à bâtir, en vertu de l’article 68 de la loi Elan. Elle vise à conférer une meilleure protection à l’acquéreur d’un terrain à bâtir, comme une meilleure information sur la nature des sols du terrain constructible.
Charge de l’obligation : la loi Élan introduit au livre 1er du Code de la construction et de l’habitation une nouvelle charge qui pèse sur les épaules du vendeur lequel doit établir l’étude géothermique devant figurer en annexe de la promesse de vente ou à défaut de la vente. Pour les ventes publiques, le diagnostic sera porté au cahier des charges.
Champ d’application : de prime abord, rappelons que les ventes publiques, n’échappent pas à cette obligation. Ce diagnostic se limite aux zones exposées au retrait-gonflement d’argile. Aux termes de l’article L. 112-20 du CCH, « la présente sous-section s’applique dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. Ces zones seront définies par arrêté des ministres chargés de la construction et de la prévention des risques majeurs » afin de restreindre le périmètre.
Il est en effet inutile de poser l’obligation au niveau national, alors que de nombreuses zones du territoire ne présentent pas de risque particulier. Il est prévisible que ces zones correspondent notamment à celles des plans de prévention des risques naturels prévisibles « retrait-gonflements des sols argileux », mais il n’existe encore aucune certitude.
Bien concerné : l’obligation posée par le nouvel article L. 112-21 du CCH s’impose aux seules ventes de terrains non bâtis destinés à la construction, dans des secteurs où les dispositions d’urbanisme applicables permettent la réalisation de maisons individuelles.
Ainsi, la division d’une parcelle, puis la vente de plusieurs lots en vue de bâtir, impose au lotisseur de délivrer cette étude préalable. Le caractère constructible du terrain est apprécié au regard des seules règles d’urbanisme, peu importe la véritable intention de construire, ou non, de l’acquéreur.
Ratio legis : cette étude géotechnique vise à préciser la nature du sol sur lequel reposera la construction. Elle est amenée à servir, par la suite, lors de l’édification d’une maison individuelle. Pour ce faire, elle doit être transmise au constructeur afin que ce dernier opte pour la meilleure solution en cas de difficulté révélée : argile, remblais, cavité ou nappe phréatique.
Sanction-efficacité : aucune sanction n’a été prévue en cas de manquement du vendeur à cette règle, toutefois l’absence de fourniture du diagnostic requis ne sera pas dénuée de toute conséquence : en pratique, le notaire pourra parfaitement s’abstenir d’instrumenter l’acte illicite.
Pour l’effectivité de ce dispositif, il convient d’attendre le décret pris en Conseil d’État.
De la VEFA à la VEFI
Issu d’une loi du 6 janvier 1967, et de la parfaite observation des notaires, le régime juridique de la VEFA célébrait, il y a peu, ses 50 ans. Globalement satisfaisante, il est aujourd’hui souhaitable de la moderniser quelque peu, et d’en proposer une formule « light » : la VEFI
Le perfectionnement de la VEFA par l’amélioration de la garantie financière d’achèvement (GFA)
Le nouvel article 75 de la loi Elan modifie le titre VI du livre II du Code de la construction et de l’habitation pour palier la défaillance du promoteur. Il clarifie la mise en œuvre de la GFA en précisant exactement les hypothèses dans lesquelles cette garantie va pouvoir être mise en œuvre :
L’article L. 261-10-1 du code précité est complété pour préciser que « la garantie financière d’achèvement peut être mise en œuvre par l’acquéreur en cas de défaillance financière du vendeur, caractérisée par une absence de disposition des fonds nécessaires à l’achèvement de l’immeuble ». Pour la première fois, la défaillance du vendeur reçoit les honneurs d’une définition légale.
Ce nouvel aliéna confirme l’analyse prétorienne selon laquelle la GFA s’applique en cas de défaillance financière du vendeur.
L’article L 261-10-1 issu de la loi Elan énonce encore que « le garant financier de l’achèvement (lors de la mise en œuvre de la garantie extrinsèque d’achèvement) de l’immeuble peut faire désigner un administrateur ad hoc par ordonnance sur requête. L’administrateur ad hoc, qui dispose des pouvoirs du maître de l’ouvrage, a pour mission de faire réaliser les travaux nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. Il peut réaliser toutes les opérations qui y concourent et procéder à la réception de l’ouvrage, au sens de l’article 1792-6 du code civil. Il est réputé constructeur au sens de l’article 1792-1 du même code et dispose, à ce titre, d’une assurance de responsabilité en application de l’article L. 241-2 du Code des assurances ».
L’apport majeur de la réforme réside dans cette faculté accordée au garant de faire désigner un administrateur ad hoc. Précision étant ici faite que la charge financière repose sur le garant lui-même.
En parallèle, la garantie financière d’achèvement souscrite par le vendeur d’immeuble à rénover se voit appliquer le même régime puisque l’article L. 262-7 qui la concerne est complété ainsi : « La garantie d’achèvement est mise en œuvre dans les conditions prévues aux deuxième à avant-dernier alinéas de l’article L. 261-10-1 ».
La vente en l’état futur d’inachèvement (VEFI)
Au stade de la signature du contrat préliminaire, il sera désormais possible pour l’acquéreur d’effectuer par ses soins les finitions ou certains travaux d’installation d’équipement : il pourra les réaliser par lui-même et post-livraison. Emerge ainsi, en secteur protégé, une version moins contraignante et plus sommaire de la VEFA, variante qui octroie une plus grande liberté à l’acquéreur.
Pour ce faire, l’article L. 261-11 du CCH est complété : « la description des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution lorsque la vente est précédée d’un contrat préliminaire comportant la clause prévue au II de l’article L. 261-15 et dès lors que l’acquéreur n’a pas demandé au vendeur d’exécuter ou de faire exécuter les travaux dont il s’est réservé l’exécution. » ;
Concernant l’information à prévoir dans l’acte : « Le contrat comporte alors une clause en caractères très apparents stipulant que l’acquéreur accepte la charge, le coût et les responsabilités qui résultent de ces travaux, qu’il réalise après la livraison de l’immeuble ».
En outre, le contrat préliminaire précise :
- Le prix du local réservé décomposé comme suit :
- Le prix de vente convenu ;
- Le coût des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution, décrits et chiffrés ;
- Le coût total de l’immeuble égal à la somme du prix convenu et du coût des travaux mentionnés ;
- Le délai dans lequel l’acquéreur peut revenir sur sa décision de se réserver l’exécution des travaux = une faculté de rétractation est prévue.
Dès lors, si l’acquéreur exerce la faculté de rétractation prévue au 2°, le vendeur est tenu d’exécuter ou de faire exécuter les travaux aux prix et conditions mentionnés au contrat préliminaire. Cette renonciation de l’acquéreur équivaut à retransformer la VEFI en une VEFA classique.
Il convient d’attendre la parution du décret en Conseil d’État pour préciser les conditions d’application et notamment la nature des travaux qu’il sera possible de réserver. Les incidences sur notre pratique notariale seront fonction de l’ampleur de ces travaux.
Analyse : hors contexte juridique, sur le plan économique, l’idée est appréciable. D’une part pour que les acquéreurs les plus aisés puissent mettre l’immeuble vendu directement à leur goût : inutile de payer doublement un premier élément déjà prévu comme modèle de base, devoir l’ôter et le remplacer par l’équipement désiré. D’autre part, pour permettre aux accédants les moins fortunés de limiter le coût d’acquisition du bien en réalisant eux-mêmes certains travaux. La fédération des promoteurs immobiliers (FPI) avait d’ailleurs émis le souhait de conférer davantage de liberté dans les finitions et la loi Élan va en ce sens. Il est aussi judicieux de conserver une protection suffisante en décomposant le prix et en permettant une rétractation, pour que l’acquéreur qui regrette ou ne se sent plus capable, puisse faire encore appel au promoteur.
Juridiquement cette perspective soulève quelques interrogations qui ne sont pas des moindres : dans les VEFA en secteur protégé, compte tenu de l’exigence légale qui pèse sur le vendeur de fournir une garantie financière d’achèvement, les seuls travaux qu’il paraît possible, dans l’état actuel des textes, de laisser à la charge de l’acquéreur, ne peuvent être que des petits travaux de finition, à l’exclusion de tous travaux nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. De même, des conséquences seront nécessairement à tirer en matière d’assurances.
GRANDS PROJETS EN DROIT PUBLIC
Pour concevoir au mieux de nouveaux projets urbains, de nombreux outils sont mis à disposition par la loi Elan. En effet, le gouvernement souhaite favoriser la réalisation de grandes opérations d’aménagement car elles permettent la création de nombreux logements, l’accueil des activités, des commerces, et la construction d’équipements publics. Il s’agit d’opérations d’ampleur sur le marché local du logement.
Opérations d’aménagement
L’étude d’impact de la loi Élan met en exergue l’alternative dont la première branche consiste à faire intervenir seulement une collectivité et la seconde branche consiste à créer une opération d’intérêt national.
Pour soutenir la production de logements et « dynamiser » les opérations d’aménagement deux nouveaux outils sont créés. Le premier est le projet partenarial d’aménagement qui permet de réunir des partenaires opérationnels et financiers autour d’un même contrat. Le second, la grande opération d’urbanisme, permet de maîtriser la qualité urbaine et environnementale des projets.
Parallèlement, le projet de loi précise et modernise les mécanismes existants tels que les opérations d’intérêt national.
Le projet partenarial d’aménagement (PPA)
Pour accélérer les projets urbains et doter les acteurs locaux d’outils performants en vue de soutenir la production de logements, la loi Élan crée deux nouveaux mécanismes : les grandes opérations d’urbanisme (GOU) et les contrats de projet partenarial d’aménagement (PPA).
Le PPA repose sur une logique contractuelle. Il s’agit d’une convention conclue avec l’État. L’absence de précision apportée au contenu des PPA laisse une grande place à la créativité juridique.
L’article premier de la loi rétablit le chapitre II « Projet partenarial d’aménagement et grande opération d’urbanisme » du titre 1er du livre III du Code de l’urbanisme. L’article L. 312-1 du Code de l’urbanisme prévoit un contrat de projet partenarial d’aménagement qui peut être signé entre l’État et un, ou plusieurs établissements publics ou collectivités territoriales dans la liste suivante :
- Un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
- Un établissement public territorial au sens de l’article L. 5219-2 du Code général des collectivités territoriales ;
- La collectivité « Ville de Paris » ;
- La métropole de Lyon ;
- Une ou plusieurs communes membres de l’établissement public ou de la collectivité territoriale signataire du contrat de projet partenarial d’aménagement. Leur signature est de droit si elles en font la demande.
L’article L. 312-2 (C. urb.) insiste sur la place accordée aux communes concernées au cours de l’élaboration du contrat de projet partenarial d’aménagement.
En outre, des sociétés publiques locales ou des acteurs privés implantés dans son périmètre territorial pourront contresigner le contrat de PPA, à la demande des collectivités territoriales et établissements publics signataires. Ces opérateurs ne peuvent être mis en situation de conflit d’intérêts.
Un contrat de projet partenarial d’aménagement peut prévoir une opération d’aménagement susceptible d’être qualifiée de grande opération d’urbanisme au sens de l’article L. 312-3. Il doit alors en préciser les dimensions et les caractéristiques.
La grande opération d’urbanisme
Une opération d’aménagement peut être qualifiée de grande opération d’urbanisme si elle remplit deux conditions indiquées dans l’article L. 312-3 du Code de l’urbanisme issu de la loi Élan.
- D’une part être prévue par un PPA
- D’autre part, si au regard de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public signataire du PPA.
La GOU sera créée par délibération de l’intercommunalité, en référence à la nature supra-locale des enjeux du territoire, soit par la dimension, soit par les caractéristiques particulières des opérations, après avis conforme des communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération et avec l’accord du représentant de l’État dans le ou les départements concernés.
Les effets attachés à la qualification de GOU sont nombreux (C. urb., art. L. 312-5), notamment :
- La compétence pour l’instruction et la délivrance des autorisations d’urbanisme est transférée au président de l’EPCI, le maire de Paris ou le président de la métropole de Lyon.
- L’établissement public de coopération intercommunale ou la collectivité territoriale est compétent pendant toute la durée de la grande opération d’urbanisme pour la réalisation, la construction, l’adaptation ou la gestion d’équipements publics relevant de la compétence de la commune d’implantation, nécessaires à la grande opération d’urbanisme, et identifiés et localisés dans l’acte de qualification mentionné au même article L. 312-4. Cet établissement ou cette collectivité assure alors la maîtrise d’ouvrage de ces équipements.
Par ailleurs, l’acte décidant la qualification de GOU peut délimiter, sur tout ou partie du périmètre de celle-ci, une zone d’aménagement différé (ZAD) en vertu de l’article L. 312-6 (C. urb.). Dans ce cas, cet acte désigne le titulaire du droit de préemption afférent. Par dérogation au premier alinéa de l’article L. 212-2 qui prévoit une période de six ans renouvelables, le droit de préemption peut être exercé pendant une période de dix ans, renouvelable une fois.
Opération d’intérêt national
La loi Élan reprend certains instruments juridiques existants afin de les préciser et de les moderniser. Il en est ainsi de la procédure d’opération d’intérêt national (OIN) qui reçoit les honneurs d’une définition légale à l’article L. 102-12 (C. urb.), et qui se voit conférer des effets plus forts tout en lui donnant plus de souplesse : à titre d’exemple, la loi Élan prévoit la possibilité de définir des secteurs dans lesquels la compétence pour délivrer les autorisations d’urbanisme s’exerce dans les conditions de droit commun. Ainsi, l’État ne sera pas nécessairement l’autorité compétente. Le législateur escompte décharger les services de l’État concernés puisque, sur une partie du territoire de l’OIN, l’instruction des autorisations ne sera plus assurée par les services centraux, mais par ceux de la collectivité.
Les opérations d’intérêt national figurent en cette qualité sur une liste établie par décret en Conseil d’État.
Il est possible de présenter une synthèse des constantes et des changements des OIN.
Pour rappel, conformément au régime antérieur, à l’intérieur du périmètre d’une OIN :
- Les droits de préemption et de priorité respectivement prévus aux articles L. 213-1 et L. 240-1 ne peuvent pas être exercés ;
- Les ZAC sont créées par l’État ;
- L’État est compétent pour instruire et délivrer les autorisations d’urbanisme ;
- Le sursis à statuer peut être opposé lorsque des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreuse la réalisation d’une opération d’aménagement […] ;
- Il peut être dérogé aux règles applicables aux projets dans les conditions prévues au II de l’article 88 de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine ;
- Lorsque le coût des équipements a été mis à la charge des constructeurs ou des aménageurs, les constructions et aménagements sont exonérés de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement, en application de l’article L. 331-7 ;
- La conclusion des conventions de PUP relève de la compétence de l’État, et non de l’autorité compétente en matière de PLU.
Par ailleurs, deux innovations sont à noter :
- Par dérogation à l’article L. 111-3 (C. urb.), les constructions et installations nécessaires à la réalisation de l’opération peuvent être autorisées en dehors des parties urbanisées de la commune ;
- Alors qu’en matière d’autorisation d’urbanisme la compétence relève du préfet, le maire peut rester compétent dans des secteurs particuliers de l’OIN lorsque le stade de réalisation de l’aménagement ou de la zone concernée ne justifient pas l’intervention de l’État.
Parallèlement, le projet de loi modernise également l’une des plus importantes procédures d’urbanisme opérationnel : le régime juridique des zones d’aménagement concerté (ZAC).
Zone d’aménagement concerté
La lourdeur du mécanisme de la zone d’aménagement concerté (ZAC) est constamment décriée. Cet instrument ne permettrait pas de répondre à la problématique urgente de construire davantage. Cette zone, qui existe depuis 1967, semble à l’heure actuelle désuète, pourtant les personnes publiques continuent d’y recourir. La loi Élan vient simplifier l’instrument de la ZAC.
Cette réforme de la procédure de ZAC constitue le volet le plus important de la partie « urbanisme opérationnel » de la loi Élan. Il était initialement prévu que le gouvernement soit autorisé à modifier la procédure de ZAC par ordonnance. Les principales dispositions ayant été intégrées dans le projet de loi lui-même, l’habilitation législative n’a finalement pas été retenue. Les modifications de la ZAC ne constituent pas une refonte de la procédure, mais, à quelques exceptions près, des correctifs issus des observations des praticiens.
Une première clarification est apportée à l’article L.123-2 du Code de l’environnement qui traite du champ d’application de l’enquête publique. Selon cet article dans sa rédaction antérieure à la loi Élan, les projets de « création d’une zone d’aménagement concerté » sont exemptés d’enquête publique.
Le terme « création » prêtait à confusion : faisait-il référence uniquement à l’acte de création de la ZAC défini à l’article L. 311-1 du Code de l’urbanisme, ou pouvait-on retenir un sens plus global et l’appliquer à tout le mécanisme, autrement dit aux deux étapes qui sont la création et la réalisation de la ZAC ? Pour éviter de soumettre la ZAC à deux régimes différents de mise à disposition du public, l’un par mise à disposition par voie électronique pour la création, l’autre par enquête publique pour la réalisation, la loi Élan a souhaité harmoniser et soumettre les deux phases, création et réalisation, à une même procédure. Pour ce faire, la loi supprime les mots « création d’une », dispensant ainsi de l’enquête publique l’intégralité du processus de la ZAC.
Par ailleurs, la participation des constructeurs est modifiée. L’article 9 de la loi Élan modifie le régime de participation des constructeurs n’ayant pas acquis leur terrain auprès de l’aménageur, dans le cas d’une ZAC « à maîtrise foncière partielle ».
Pour rappel, c’est la loi SRU qui a légalisé la demande de participations financières aux constructeurs n’ayant pas acquis leur terrain de l’aménageur. La loi SRU du 13 décembre 2000 a prévu la signature obligatoire d’une « convention de participation » entre le constructeur et la collectivité pour préciser les conditions dans lesquelles il devra contribuer aux coûts d’équipement de la ZAC.
Dans l’aménagement traditionnel, les coûts sont inclus dans les charges foncières que le constructeur verse à l’aménageur de la ZAC.
La loi Élan autorise expressément ces constructeurs n’ayant pas acquis leur terrain auprès de l’aménageur, à verser directement à ce dernier la participation correspondant aux coûts d’équipement de la zone, à la condition toutefois qu’une convention conclue entre la commune ou l’EPCI et les constructeurs le prévoit.
L’article L. 311-4 (C. urb) est modifié en ce sens et précise que « La participation aux coûts d’équipement de la zone peut être versée directement à l’aménageur ».
Cette précision apportée constitue une validation de la pratique découlant de la loi SRU précitée.
Dans le même temps, la loi Élan précise l’autorité publique qui a compétence pour signer la convention de participation. Dorénavant, l’article L. 311-4 (C. urb.) mentionne qu’il s’agit de la commune ou l’établissement public « compétent pour créer la zone d’aménagement concerté », reprenant la circulaire du 27 juillet 2001.
L’article L. 311-4 (C. urb) prévoit expressément que la convention doit être établie entre :
- d’une part, le demandeur d’une autorisation de lotir ou d’un permis de construire ;
- d’autre part, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunal compétent en matière de ZAC.
PÉRIODE TRANSITOIRE ET ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA LOI ELAN
La loi n° 2018-1021 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « ÉLAN », a été adoptée définitivement le 16 octobre 2018, puis promulguée le 23 novembre dernier et publiée le 24 novembre 2018. Dès lors, la majorité des mesures sont applicables depuis le lendemain de sa publication au journal officiel. Néanmoins, elle nécessitera des décrets d’application, ces derniers sont déjà en cours d’écriture.
A cet égard, force est de constater que la légistique actuelle se traduit par de nombreux renvois à nombre d’ordonnances et de décrets conditionnant l’effectivité de la loi. Il en est ainsi du secteur de l’urbanisme, plus particulièrement objet de la présente étude, ou encore de la copropriété. Sur ce point précisément, le Gouvernement avait pourtant été habilité pour réformer et codifier la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 par voie d’ordonnance. Toutefois, c’est sans attendre que certaines dispositions importantes afférentes au droit de la copropriété ont été introduites (composition du lot de copropriété, définition du lot transitoire né de la pratique professionnelle). C’est l’absence de coordination volontaire de la part du Sénat, refusant la double habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance prévue ab initio dans le projet de loi, qui est à l’origine de ces quelques dispositions entrées instamment en vigueur, ignorant ainsi la réforme globalisante à venir.
Du reste, il convient d’attendre les décrets pour que l’intégralité de la loi Élan puisse recevoir application.
Dans de multiples domaines, le gouvernement est habilité à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la réforme.
Dans certaines hypothèses la loi fixe elle-même une date d’entrée en vigueur dérogatoire.
Ces réserves sont énoncées ci-dessous.
Pour une entrée en vigueur le 1er jour du 2e mois suivant sa promulgation
- L’article L. 421-9, 5°, du Code de l’urbanisme relatif à la prescription décennale selon lequel « Lorsqu’une construction est achevée depuis plus de 10 ans, le refus de permis de construire ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme » sauf lorsque la construction a été réalisée sans « qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis ».
- Les modifications afin de dissuader les recours abusifs (art. 80), notamment l’impossibilité pour une association d’agir si le dépôt des statuts de l’association n’est pas antérieur d’un an à l’affichage en mairie.
- L’article L. 442-14 C. urb. relatif à l’annulation, totale ou partielle, ou la déclaration d’illégalité d’un SCOT, d’un PLU, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale pour un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au lotissement.
Pour une entrée en vigueur au 1er mars 2019
- Réforme de la procédure de surendettement des particuliers (art. 118) emportant modification de l’article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Pour une entrée en vigueur au 1er jour du 6e mois suivant la publication au JO
- Les articles 185 et suivants sur la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil.
Pour une entrée en vigueur progressive dans le secteur de l’habitat social
- L’article 81 qui prévoit la restructuration des tissus des organismes sociaux et une obligation de regroupement va entrer en vigueur étape par étape.
- L’article L 423-2 du CCH fixe un seuil minimal d’autonomie des organismes de 12 000 logements ce qui semble important pour les bailleurs n’ayant pas anticipé et procédé, dès avant la loi, à des rachats de patrimoine. Ce seuil est cependant abaissé par rapport au chiffre initialement annoncé dans le projet du 4 avril dernier, qui était de 15 000 logements. Ce regroupement forcé sera impératif au 1er janvier 2021.
- L’article L. 481-1-2 qui est une disposition analogue à la précédente pour les sociétés d’économie mixte, entre aussi en vigueur le 1er janvier 2021.
- Les articles L. 423-1-1 à L. 423-1-3, relatifs aux sociétés anonymes, dans leur rédaction antérieure restent applicables aux sociétés agréées à la date d’entrée en vigueur de la loi.
NB : A noter qu’une circulaire du 21 décembre 2018 (NOR : LOGL1835604C) identifie les dispositions d’applications immédiates et celles qui nécessitent un texte d’application et dont l’entrée en vigueur est donc différée.
CONCLUSION
Notre quotidien est également impacté par deux autres dispositions primordiales qui méritent d’être précisées.
En premier lieu, l’article 78 de la loi Élan instaure une obligation d’intégrer aux actes de vente, une clause en caractères lisibles et rédigée de manière compréhensible, pour informer des modalités d’exercice du droit de rétractation ou de réflexion (article L. 271-1 CCH). Tout manquement à cette obligation est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Elle est prononcée dans les conditions prévues par le Code de la consommation en matière de sanction administrative.
En second lieu, la loi Elan apporte certaines modifications sur le plan de la préemption. L’article L. 211-1 du Code de l’urbanisme est modifié, le préfet conserve son droit de préempter, lorsque la commune d’implantation est carencée, dans les parties actuellement urbanisées des communes couvertes par un plan d’occupation des sols devenu caduc.
En outre, le droit de préemption institué par l’article L. 211-1 du code précité, pourra désormais être exercé :
- en vue de la relocalisation d’activités industrielles, commerciales, artisanales ou de services ;
- pour le relogement d’occupants définitivement évincés d’un bien à usage d’habitation ou mixte en raison de la réalisation de travaux nécessaires à des opérations spécifiées.
Clotilde BOIDÉ
Consultante au Centre d’Etudes et de Recherche du Groupe Monassier