Il est fréquent qu’un parent mette à disposition gratuite de l’un de ses enfants un logement.
Au moment de la succession dudit parent, il est tout aussi fréquent que les cohéritiers du bénéficiaire demandent à ce que le montant des loyers non versés soit réintégré dans la masse successorale, car constitutif d’un avantage indirect rapportable à la succession en application de l’article 843 du Code civil.
Cet article, destiné à préserver l’égalité successorale, prévoit en effet que tout héritier venant à une succession doit en principe rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement.
Amenée à se prononcer sur cette problématique, la jurisprudence a notablement évolué ces dernières années.
Ainsi, alors qu’elle considérait qu’un tel avantage indirect était rapportable à la succession même en l’absence d’intention libérale établie (Cass. Civ., 1ère, 8 nov. 2005, n° 03-13890), la Cour de cassation avait finalement opéré un revirement de jurisprudence, à l’occasion de plusieurs arrêts rendus le 18 janvier 2012 (Cass. Civ., 1ère, 18 janv. 2012, n° 09-72542, 10-25685, 10-27325 et 11-12863).
Elle estimait alors que l’avantage résultant de l’occupation gratuite d’un logement qui appartenait au défunt ne devait être rapporté à la succession de celui-ci qu’à condition de prouver l’existence d’une libéralité. A cet effet, les cohéritiers devaient donc établir, outre l’appauvrissement du défunt, l’intention libérale de ce dernier, c’est-à-dire son intention de gratifier le bénéficiaire de l’occupation gratuite.
Un important arrêt du 11 octobre dernier amène une nouvelle pierre à l’édifice.
Considérant que la mise à disposition sans contrepartie financière d’un logement par un père au profit de son fils relevait d’un prêt à usage, une Cour d’appel avait jugé qu’un tel contrat était incompatible avec la qualification d’avantage indirect rapportable à la succession du prêteur.
La Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond. En effet, pour la Haute juridiction, un prêt à usage (également appelé « commodat ») constitue un contrat de service gratuit, qui confère seulement à son bénéficiaire un droit à l’usage de la chose prêtée. Il n’opère aucun transfert d’un droit patrimonial au profit du propriétaire, notamment de propriété sur la chose ou ses fruits et revenus. Il n’en résulte donc aucun appauvrissement du prêteur.
Cass. 1ère civ., 11 oct. 2017, n° 16-21419