Le Conseil d’Etat apporte des précisions dans un avis du 2 octobre 2020 sur la notion de vice étranger aux règles d’urbanisme applicables au permis de construire.
Saisie d’une demande en annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté de permis de construire en raison de l’annulation du document d’urbanisme (PLUi), et d’une autorisation devenue également illégale au regard des dispositions du POS remis en vigueur, la cour administrative d’appel décide de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d’Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) Quels sont les motifs d’illégalité d’un des documents d’urbanisme visés aux articles L. 600-12 et L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme qui doivent être considérés comme étrangers aux règles d’urbanisme applicables au projet ? En particulier, l’illégalité externe dont est entaché un tel document doit-elle invariablement être regardée comme étrangère aux règles d’urbanisme applicables au projet ?
2°) Dans le cas où le document d’urbanisme a été totalement annulé ou déclaré illégal pour plusieurs motifs et où le seul motif qui n’est pas étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet n’affecte que certaines dispositions divisibles de ce document, faut-il en déduire qu’il appartient au juge d’examiner la légalité de la décision en litige en appréciant sa conformité, d’une part, aux dispositions du document d’urbanisme immédiatement antérieur, équivalentes à celles annulées ou déclarées illégales pour un motif qui n’est pas étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet, et, d’autre part, et pour le surplus, aux dispositions du document d’urbanisme annulées ou déclarées illégales mais pour un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet ?
Au préalable, le Conseil d’État rappelle les termes des articles L. 600-12 et L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme. Le premier article pose le principe de la remise en vigueur du document d’urbanisme immédiatement antérieur en cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité d’un SCOT, d’un PLU ou d’une carte communale. Le second article prévoit que les annulations ou les déclarations d’illégalité de l’un de ces documents sont par elles-mêmes sans incidence sur les autorisations d’urbanisme délivrées antérieurement à leur prononcé, dès lors que ces annulations ou déclarations d’illégalité reposent sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet.
Le Conseil d’État suit les conclusions du rapporteur public en déclarant que « l’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un document local d’urbanisme n’entraine pas l’illégalité des autorisations d’urbanisme délivrées lorsque cette annulation ou déclaration d’illégalité repose sur un motif étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet en cause ».
Il ajoute qu’« il appartient au juge, saisi d’un moyen tiré de l’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours contre une autorisation d’urbanisme, de vérifier d’abord si l’un au moins des motifs d’illégalité du document local d’urbanisme est en rapport direct avec les règles applicables à l’autorisation d’urbanisme ».
Enfin, il énonce qu’« un vice de légalité externe est étranger à ces règles, sauf s’il a été de nature à exercer une influence directe sur des règles d’urbanisme applicables au projet. En revanche, sauf s’il concerne des règles qui ne sont pas applicables au projet, un vice de légalité interne ne leur est pas étranger ».
Le commissaire du gouvernement Olivier Fuchs cite, à titre d’exemple, « l’insuffisance de l’évaluation environnementale qui peut avoir eu une incidence sur le classement de certaines parcelles ou des modifications irrégulièrement intervenues postérieurement à l’enquête publique qui peuvent être susceptibles d’affecter les règles de fond concernées ».
Puis, la Haute juridiction en déduit les conséquences suivantes.
En cas d’annulation ou de déclaration d’illégalité du document local d’urbanisme sous l’empire duquel a été délivrée l’autorisation contestée, pour un ou plusieurs motifs non étrangers aux règles applicables au projet en cause, la détermination du document d’urbanisme au regard duquel doit être appréciée la légalité de cette autorisation obéit à trois règles :
« si ce ou ces motifs affectent la légalité de la totalité du document d’urbanisme, la légalité de l’autorisation contestée doit être appréciée au regard de l’ensemble du document immédiatement antérieur ainsi remis en vigueur ;
lorsque ce ou ces motifs affectent seulement une partie divisible du territoire que couvre le document local d’urbanisme, ce sont les dispositions du document immédiatement antérieur relatives à cette zone géographique qui sont remises en vigueur ;
si ce ou ces motifs n’affectent que certaines règles divisibles du document d’urbanisme, la légalité de l’autorisation contestée n’est appréciée au regard du document immédiatement antérieur que pour les seules règles équivalentes nécessaires pour assurer le caractère complet et cohérent du document ».
Le Conseil d’État énonce, enfin, que « lorsqu’un motif d’illégalité non étranger aux règles d’urbanisme applicables au projet est susceptible de conduire à remettre en vigueur tout ou partie du document local d’urbanisme immédiatement antérieur, le moyen tiré de l’exception d’illégalité du document local d’urbanisme à l’appui d’un recours en annulation d’une autorisation d’urbanisme ne peut être utilement soulevé que si le requérant soutient également que cette autorisation méconnaît les dispositions pertinentes ainsi remises en vigueur ».
Le présent avis du Conseil d’État vient préciser l’articulation des articles L. 600-12 et L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme. Les vices de légalité externe (cas d’un vice dans la procédure d’élaboration du document) entachant un document d’urbanisme sont étrangers aux règles d’urbanisme applicables à un projet, sauf s’ils ont exercé une influence directe sur les règles applicables.
Le Conseil d’État a affirmé à plusieurs reprises sa volonté de limiter la portée des illégalités externes des documents d’urbanisme (CE, 23 déc. 2011, n° 335033). L’avis commenté s’inscrit dans cette lignée tout en adaptant la solution au regard des nouvelles dispositions législatives inscrites à l’article L. 600-12-1 du Code de l’urbanisme.
CE, avis, 2 oct. 2020, n° 436934