Pour protéger contre les dangers des malfaçons le propriétaire d’un immeuble édifié depuis moins de 10 ans ainsi que l’acquéreur de ce même immeuble, le législateur a instauré une obligation d’assurance couvrant la responsabilité des différents participants aux travaux de construction. Jean-Jacques Perez, Notaire à Montpellier, répond à vos questions sur le sujet.
Quelles sont les assurances existantes en matière de construction ?
Les assurances construction obligatoires regroupent deux types de contrat :
- D’une part, l’assurance de dommages souscrite par le propriétaire (maître d’ouvrage) : « l’assurance dommages-ouvrage » (art. L. 242-1 Code des assurances).
Elle permet l’indemnisation rapide, sans franchise, des travaux nécessaires pour remédier aux désordres de construction, sans avoir à rechercher préalablement la responsabilité des entreprises ayant participé à la construction. A cet égard, on soulignera que la loi du 4 janvier 1978 dite « Spinetta » a instauré ce mécanisme d’assurance construction obligatoire dit « à double détente » qui impose la souscription de cette assurance « de choses » avec pour vocation de permettre un préfinancement rapide des travaux de reprise du bien. Par la suite, c’est l’assureur dommages-ouvrage qui exercera un recours subrogatoire contre le(s) constructeur(s) responsable(s) au titre de l’assurance de responsabilité civile décennale.
Cette assurance commence à courir 1 an après la réception des travaux, à l’expiration de la garantie de parfait achèvement.
Elle peut être mise en jeu par celui qui est propriétaire de l’immeuble assuré au jour du constat du désordre. Ainsi, l’acquéreur d’un bien construit depuis moins de 10 ans en bénéficie aussi, alors même qu’il n’a pas souscrit personnellement l’assurance concernée.
- D’autre part, l’assurance de responsabilité souscrite par le constructeur : « l’assurance de responsabilité civile décennale » (art. L. 241-1 Code des assurances).
Elle assure le participant à l’acte de construire dont la responsabilité aura été préalablement retenue au titre du désordre intervenu.
L’assurance de dommages-ouvrage et celle de responsabilité civile décennale visent à couvrir le propriétaire du bien assuré contre les vices qui affectent la solidité ou la destination de la construction (construction neuve ou rénovation) et qui se révèlent dans les 10 ans suivant la réception des travaux.
L’atteinte à la solidité de l’immeuble désigne les désordres ou dommages qui affectent sa pérennité.
L’impropriété à destination signifie qu’il ne peut être utilisé aux fins auxquelles il était prévu (habitation, commerce, local professionnel).
Ces deux assurances construction obligatoires ne portent pas sur les non-façons ou travaux inexécutés, les défauts de conformité qui n’affectent pas la solidité ou la destination de l’ouvrage (notamment ceux purement esthétiques) ou encore sur les dommages aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.
A côté de ces assurances obligatoires, diverses assurances facultatives existent, au titre desquelles on peut citer notamment :
- L’assurance tous risques chantier (« TRC »), souscrite par le maître d’ouvrage pour un chantier et qui couvre les dommages accidentels et matériels se produisant en cours de travaux, avant la réception des travaux (vol, vandalisme, incendie, dégât des eaux, …).
- Pour la période post-réception, l’assurance couvrant la garantie de bon fonctionnement, couvrant pendant 2 ans après la réception des travaux les éléments d’équipement dissociables du gros œuvre et destinés à fonctionner (volets électriques, radiateurs, …).
Qui est tenu de s’assurer ?
L’assurance dommages-ouvrage doit être souscrite, par toute personne physique ou morale qui, « agissant en qualité de propriétaire de l’ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l’ouvrage », fait réaliser des travaux de construction.
L’obligation de souscrire l’assurance de responsabilité civile décennale incombe à tous les constructeurs. On peut citer notamment, au titre des personnes réputées constructeurs par l’art. 1792-1 du Code civil :
- l’architecte, l’entrepreneur, le maître d’œuvre,
- toute personne qui vend un immeuble qu’elle a construit, fait construire ou rénover (maitre d’ouvrage),
- le constructeur de maisons individuelles (dans le cadre d’un contrat de construction de maison individuelle – CCMI),
- ou encore le vendeur d’immeubles à construire (lors d’une vente en l’état futur d’achèvement – VEFA).
En revanche, les sous-traitants ne sont pas tenus de souscrire une assurance construction.
La souscription de ces assurances doit intervenir avant le commencement de l’acte de construire, c’est-à-dire avant l’ouverture du chantier.
Des sanctions pénales (6 mois d’emprisonnement et 75 000 € d’amende ou l’une de ces deux peines seulement) sont prévues en cas de non-respect de l’obligation de souscrire une assurance construction (art. L. 243-3 Code des assurances).
Toutefois, ces sanctions pénales ne s’appliquent pas aux personnes construisant un logement pour l’habiter elles-mêmes ou y loger leur famille.
Dans un tel cas, à défaut d’assurance, leur responsabilité civile demeurera. En cas de désordres constatés sur les constructions réalisées, ces personnes resteront tenues, vis-à-vis des potentiels acquéreurs successifs, de les réparer pendant une durée de dix ans à compter de la réception des travaux (et ce même si les entreprises intervenues sur le chantier ont souscrit de leur côté une assurance civile de responsabilité décennale).
Parce qu’il est parfois difficile, lorsqu’on est un particulier qui fait construire, de souscrire une assurance obligatoire construction, il est possible pour celui qui s’est vu opposer un refus par une compagnie d’assurance d’exercer un recours auprès du Bureau Central de Tarification www.bureaucentraldetarification.com.fr). Le rôle de ce dernier est de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l’entreprise d’assurance sollicitée sera tenue de proposer une assurance obligatoire (art. L. 212-1 Code des assurances).
Comment vérifier que les travaux de construction sont bien couverts par une assurance ?
La justification de souscription d’une assurance obligatoire de construction résulte d’une attestation délivrée par la compagnie d’assurance, dont le modèle type a été fixé par le Code des assurances (art. A 243-3).
L’attestation peut être générale, comme portant sur toutes les opérations de l’entrepreneur couvertes par l’assurance souscrite, ou spécifique à une construction particulière.
Dans tous les cas, il sera important de se procurer ce justificatif, et ce dès avant l’ouverture du chantier. Dans un souci de rigueur et de sécurité, on vérifiera notamment la date d’ouverture des chantiers couverts par l’assurance et la nature des travaux concernés.
En cas de vente de l’immeuble construit, intervenant avant l’expiration du délai de 10 ans, mention doit être faite dans le corps de l’acte notarié de vente (ou en annexe) de l’existence ou de l’absence des assurances obligatoires en matière de construction.
En conséquence, le vendeur devra, pour corroborer ses dires, fournir au notaire rédacteur les attestations d’assurances qui devront être annexées à l’acte (art. L. 243-2 Code des assurances).
Jean-Jacques PEREZ,
Notaire à Montpellier – Office Antigone