Estelle Debaussart, responsable du pôle droit public de l’office Monassier & Associés, membre du Groupe Monassier, dresse un état des lieux du secteur du logement social en 2021.
Le contexte particulier de 2020 entraine-t-il un report de l’obligation de regroupement prévue par la loi Elan ?
La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) a notamment prévu l’obligation pour tous les organismes de logement social, soit d’atteindre une taille leur permettant d’assurer l’ensemble des fonctions stratégique de manière autonome, soit de se regrouper au 1er janvier 2021. Ce seuil a été fixé à 12 000 logements. Des exclusions ont été prévues. Ne sont pas concernés :
- les organismes dont l’activité principale est l’accession sociale à la propriété ;
- les organismes ayant leur siège dans un département dans lequel n’existe aucun autre organisme ou SEM appartenant à un groupe ni aucun groupe ;
- les organismes ayant leur siège social en Corse ou dans l’un des départements d’outre-mer.
L’article L423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit deux formes de groupe de sociétés d’HLM. Il peut s’agir :
- Soit d’un ensemble d’organismes et de sociétés dans lequel l’un d’entre eux ou une autre société contrôle directement ou indirectement les autres, que ce contrôle soit exercé seul ou conjointement
- Soit un ensemble constitué d’une société de coordination (article L423-1-2 du Code de la construction et de l’habitation) et des détenteurs de son capital.
Faute d’atteindre le seuil de 12 000 logements ou d’appartenir à un groupe de logement social à compter du 1er janvier 2021, l’organisme de logement social devait pouvoir être mis en demeure par le ministre en charge du logement de céder tout ou partie de son patrimoine locatif social (ou logements locatifs conventionnés pour les SEM agréées) ou tout ou partie de son capital à un ou plusieurs organismes de logement social nommément désignés, ou de souscrire au moins une part sociale d’une société de coordination.
Si la dynamique est apparue positive en début d’année, la crise sanitaire et le report des municipales ont pu retarder les décisions nécessaires à ces regroupements. Alors que seulement vingt sociétés de coordination ont été agréées en 2020, et au regard de ce contexte particulier, une circulaire du 16 novembre 2020 précise la position de l’Etat sur l’éventuel non-respect de l’échéance. Cette circulaire distingue trois hypothèses (projet presque finalisé, projet « crédible en cours d’étude », projet inconnu ou non viable) et met en place un pilotage resserré plus précis et plus qualitatif. Ainsi, même si la loi Elan a prévu des mesures permettant d’imposer à une société disposant d’un patrimoine de moins de 12 000 logements d’entrer dans un groupe capitalistique ou une société de coordination, à la lecture de la circulaire, il est peu probable que des sanctions soient prononcées rapidement sur ce fondement. De fait, depuis janvier 2021, quatorze arrêtés portant agrément de sociétés anonyme de coordination ont été publiés.
On regrettera que la circulaire de novembre n’ait pas fait un point à date des regroupements réalisés et notamment la création de groupe capitalistique.
Quelles mesures seront déployées pour permettre la création du choc de l’offre ?
Alors que la loi ELAN visait à développer l’offre de logement, l’année 2020 s’est soldée par une réduction de 17 % du nombre de logements sociaux agréés en métropole par rapport à l’année 2019, représentant 80 % de l’objectif fixé (soit 87 500 logements financés pour un objectif de 110 000).
Le protocole commun d’engagement signé le 19 mars dernier entre les principaux acteurs du logement social et le ministère du logement prévoit de produire 250 000 logements sociaux sur 2 ans, en 2021 et 2022. Afin de permettre l’atteinte de cet objectif ambitieux, la loi de finances avait déjà prévu une hausse des crédits destinés au logement.
Action Logement Service a prévu de mobiliser 7,4 Mds€ pour le financement du logement social en 2021 et 2022, dont 2,8 Mds€ en subventions. Il a notamment été prévu que les subventions puissent être accordées automatiquement sous réserve de contreparties locatives, négociées avec les bailleurs et un barème par région, zone et type de financement est défini.
Logements sociaux financés en PLAI
Logements sociaux financés en PLUS
En complément, le montant prévisionnel total des concours financiers accordés par la Banque des Territoires aux bailleurs sociaux sur les années 2021 et 2022 sera d’environ 24 milliards d’euros.
Pour permettre l’atteinte de cet objectif, l’Etat s’est par ailleurs engagé à mobiliser les établissements publics fonciers et les établissements publics d’aménagement et à poursuivre la simplification du processus de financement et d’agrément des logements locatifs sociaux. Ainsi, l’avant-projet de loi 4D prévoit une expérimentation qui confierait aux villes et aux métropoles l’intégralité des outils en matière de logement, comme les aides à la pierre ou à la rénovation énergétique.
Quelles sont les autres évolutions en matière de financement mises en œuvre en 2021 ?
En premier lieu, la réforme « des APL en temps réel », entrée en vigueur en janvier 2021, devrait avoir une incidence sur la solvabilisation des locataires. Depuis le 1er janvier, les aides personnelles au logement sont calculées chaque trimestre en fonction des revenus des douze derniers mois. Auparavant, elles étaient réévaluées chaque année par rapport aux revenus perçus deux ans plus tôt. Avec cette réforme, une baisse de revenus se traduit par une augmentation de l’allocation sous les trois mois. A contrario, des revenus plus élevés génèrent une diminution de l’aide.
La moitié des 6,6 millions bénéficiaires des APL devrait voir leur prestation évoluer, selon le gouvernement, qui a estimé que cette modification devrait entraîner une baisse des APL entre 500 et 700 millions d’euros. La première baisse des APL avait donné lieu à la réduction de loyer de solidarité supportée par les bailleurs. La contribution des bailleurs sociaux au financement de l’aide au logement est évaluée à 1,3 milliard d’euros en 2021.
En second lieu, la méthode de contrôle de la surcompensation définie par l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS) et validée en 2020 par le Conseil d’Etat (CE, 5e – 6e chambres réunies, 29/06/2020, 429078), sera mise en œuvre. L’objectif est de vérifier que les aides publiques versées aux bailleurs sociaux ne sont pas supérieures à ce qui leur est nécessaire pour assumer leurs missions d’intérêt économique général. La délibération du 23 janvier 2019 du Conseil d’administration de l’ANCOLS a prévu que les éventuelles surcompensations soient identifiées à partir de la situation financière globale d’un organisme, et non plus opération par opération.
Enfin, en 2021, sera mise en œuvre la réforme du droit de réservation prévue par la loi Elan pour les conventions conclues avant le 24 novembre 2018. Le système de réservation, indispensable pour assurer le financement des opérations, sera géré pour l’ensemble des logements sociaux en flux (au travers de la fixation d’un nombre ou d’un pourcentage annuel de logements mis à disposition du réservataire) et non plus en stock (par une identification physique des logements qui, lorsqu’ils sont livrés ou libérés sont remis à la disposition du réservataire).
Estelle DEBAUSSART
Responsable du pôle droit public de l’office Monassier & Associés, notaires à Paris et membre du Groupe Monassier