Le testament fait partie de ces institutions juridiques connues de tous. Pour autant, il n’est pas toujours évident d’identifier toutes les possibilités qu’il offre, ni les limites qu’il connaît. Catherine Savoye, de l’Office AINAY Notaires de LYON, membre du groupe Monassier, fait le point sur le sujet.
Que peut-on faire par testament ?
Tout ! ou presque. Le testament est l’acte juridique par lequel une personne, le testateur, exprime ses dernières volontés et dispose de ses biens pour le temps qui suivra sa mort. Ces dispositions peuvent prendre plusieurs aspects.
En premier lieu, le testateur peut vouloir avantager telle ou telle personne, qu’elle soit ou non son héritière, voire telle ou telle association ou œuvre de bienfaisance, en lui consentant un legs. Ce legs peut être universel, c’est-à-dire porter sur l’ensemble des biens successoraux (le légataire est alors traité comme un héritier à part entière), à titre universel, c’est-à-dire porter sur une portion déterminée de la succession (le quart, la moitié, etc.) ou un type des biens (les immeubles, les meubles), ou enfin, à titre particulier, c’est-à-dire porter sur tel ou tel bien déterminé. Le notaire peut aider le testateur à affiner son souhait : veut-il avantager en pleine propriété ? en usufruit seulement ? Veut-il que le legs s’accompagne d’une charge, comme le paiement de certains frais ? veut-il prévoir le sort du bien au décès de son légataire ? Plus les volontés seront précises et subtiles, plus le conseil du notaire est recommandé, afin de s’assurer qu’elles soient correctement exprimées et efficacement exécutées.
En second lieu, le testament peut être motivé par le souhait de protéger. Il est ainsi fréquemment conseillé à l’occasion de la conclusion d’un PACS, celui-ci étant insuffisant à rendre les partenaires héritiers l’un de l’autre. L’acquisition d’un bien immobilier par des partenaires de PACS ou des concubins est également l’occasion de prévoir le sort du bien au décès du premier d’entre eux, afin d’éviter que le survivant ne se retrouve en indivision avec les héritiers du prémourant. Un legs peut ainsi permettre d’offrir au survivant soit la pleine propriété du bien, soit un usufruit, ou encore un droit d’usage et d’habitation, pour qu’il puisse y demeurer après le décès.
Le testament peut également être un instrument de répartition : on parle alors de testament-partage. Il s’agit pour le testateur de répartir les biens entre ses héritiers, en formant des lots pour chacun d’eux. Dans ce cas, l’héritier est contraint par le lot qui lui est offert : soit il l’accepte, soit il le refuse, mais alors c’est à la succession dans son entier qu’il renonce.
Si le PACS ou l’acquisition d’une résidence sont souvent les motifs qui conduisent à la rédaction du testament, il est recommandé de profiter de cette occasion pour régler les autres difficultés liées au prédécès. Ainsi peut-on prévoir le sort des autres biens, des comptes bancaires, la part revenant aux enfants, au conjoint, mais aussi désigner les bénéficiaires d’un contrat d’assurance-vie, etc.
Le notaire est alors l’interlocuteur privilégier du testateur, qu’il aide à identifier les points importants et à formuler au mieux ses volontés. Il peut à ce titre recommander la désignation d’un exécuteur testamentaire, à qui sera confié la bonne exécution du testament. D’autres points peuvent être abordés, à première vue anecdotiques mais qui permettent souvent un règlement plus simple et apaisé de la succession : le sort des animaux de compagnie, les souhaits du testateur quant à ses comptes de réseaux sociaux, les mots de passe desdits comptes, etc.
Enfin, le testament, parce qu’il est le support des dernières volontés du défunt, contient parfois des messages personnels, des adieux, des consignes morales, des vœux. On quitte alors le champ du droit pour celui de l’intime.
Que ne peut-on pas faire par testament ?
Quoique laissant une grande liberté au testateur, le testament connaît toutefois quelques limites. Certaines résultent de la loi, qui empêche expressément telle ou telle pratique, d’autres résultent des circonstances pratiques de leur ouverture, qui conduisent parfois à rendre inefficaces certaines dispositions.
Au titre des limites légales, on relèvera en premier lieu les règles relatives à la réserve héréditaire, c’est-à-dire à la part de la succession que la loi réserve à certains héritiers (les enfants s’il y en a, ou à défaut, le conjoint s’il y en a). Si le legs porte atteinte à la réserve des héritiers, il pourra toujours être exécuté mais l’héritier réservataire disposera d’une action afin de percevoir une indemnité compensatrice appelée indemnité de réduction.
La loi proscrit également les testaments « conjonctifs » c’est-à-dire le testament qui serait établi conjointement par deux personnes (on pense notamment à un couple) et contiendrait leurs vœux communs. La loi française considère le testament comme un acte éminemment personnel et n’autorise en conséquence que les testament individuels.
Enfin, on notera que la loi connait des incapacités de recevoir : certaines personnes ne peuvent pas recevoir de legs en raison de leurs liens avec le défunt. C’est le cas, par exemple, des personnels soignants qui lui ont prodigué des soins pendant la maladie dont il est décédé. L’idée est de protéger les malades vulnérables contre les personnes qui seraient en mesure de leur « forcer la main ». A ce sujet, on notera que le Conseil constitutionnel a très récemment déclaré inconstitutionnelle l’incapacité de recevoir qui frappait les aides à domicile, laissant planer un doute sur l’avenir des autres incapacités de recevoir.
Le testament connait également des limites « pratiques » qui résultent de ce qu’il est souvent ouvert plusieurs jours après le décès de la personne, le temps qu’il soit retrouvé, ou que les héritiers décident d’ouvrir la succession chez un notaire.
C’est ainsi que l’on retrouve parfois dans les testament des consignes relatives aux obsèques que le défunt aurait souhaitées, plusieurs semaines après qu’elles ont eu lieu. On conseillera, à ce sujet, d’évoquer le sujet de son vivant avec ses héritiers afin de s’assurer que les consignes soient connues d’eux au moment de l’organisation des funérailles.
Un autre sujet sensible concerne les directives de fin de vie, qui sont parfois maladroitement rédigées dans le testament. Celui-ci n’étant ouvert qu’après la mort du testateur, ces directives ne seront donc connues que bien trop tard. Le testament n’est donc pas du tout l’outil idoine. Il existe en revanche d’autres moyens de les faire connaitre, par exemple en les faisant enregistrer dans votre « dossier médical partagé », auquel les professionnels de santé peuvent avoir accès (pour plus d’informations : service-public.fr).
Quelles démarches faut-il accomplir ?
Le droit des successions admet trois formes de testaments, de la plus simple à la plus solennelle.
Le plus commun est sans doute le testament olographe : il est intégralement écrit, daté, et signé de la main du testateur. Cela implique, notamment, qu’il ne peut être dactylographié, ou conservé sur support électronique. On conseillera, à ce titre, de l’écrire simplement à la main sur une feuille de papier. Le risque de ce type de testament est qu’il ne soit pas retrouvé au moment du décès, soit que le défunt l’ait dissimulé, soit qu’il ait été détruit, soit qu’un héritier mal intentionné en ait caché l’existence. Aussi, on ne peut que recommander de le remettre à un notaire. Celui-ci le conservera au coffre de son Etude et l’enregistrera au fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV). Ainsi, tout notaire chargé du règlement de la succession interrogera ce fichier et pourra prendre connaissance du testament. Souvent, le passage par le notaire permet également une relecture des dispositions pour s’assurer de leur bonne rédaction et quelques conseils juridiques bienvenus.
A côté du testament olographe existe, moins fréquent, le testament mystique. Ici, le testateur rédige seul son testament, qui doit ensuite être clos, cacheté, et scellé, et remis au notaire, devant deux témoins. Le notaire est ensuite chargé de sa conservation. Son contenu ne sera dévoilé qu’après le décès du testament, lorsque le testament sera décacheté.
La troisième forme de testament connue est le testament authentique. C’est celui qui offre le plus de garanties : le testateur dicte ses dispositions de dernières volontés au notaire, qui les retranscrit mot à mot, devant deux témoins ou un second notaire. Le notaire lit alors les dispositions qu’il a recueillies, puis signe l’acte, avec le testateur, et les témoins ou le second notaire. Ce testament présente ainsi d’importantes garanties de validité. Il permet par ailleurs aux non-voyants ou aux personnes ne sachant ni lire ni écrire de tester. Enfin, il est parfois prescrit par la loi comme la seule forme de testament valide pour certaines opérations : c’est ainsi qu’un époux est forcé d’y recourir s’il souhaite priver son conjoint de son droit viager au logement. Enfin, il bénéficie d’un conseil préalable approfondi du notaire qui permet de s’assurer que ses dispositions sont véritablement en accord avec la volonté réelle du testateur.
Enfin, il faut mentionner une dernière forme de testament : le testament international. Instauré par la Convention de Washington du 26 octobre 1973, il s’agit d’un testament écrit par le testateur ou un tiers, qui peut être dactylographié, et reçu, en France, par un notaire devant deux témoins. Il présente l’avantage d’être considéré comme valable dans tous les pays signataires de la convention.
En dernier lieu, on soulignera que le testament, quelle que soit sa forme, reste révocable jusqu’au dernier souffle du testateur. Dans le plus grand des secrets, il peut le retirer, le modifier, et même laisser un testament verbal, qui pourra être appliqué s’il est connu et non remis en cause par les héritiers… La liberté de tester demeure ainsi un droit fondamental garantissant l’application des dernières volontés du testateur.
Catherine SAVOYE
AINAY Notaires de Lyon