Suite de la télénovela de l’administration fiscale sur l’assiette de la TVA relativement aux opérations de lotissement : une réponse ministérielle (Rép. Vogel : Sénat 17 mai 2018, n° 4171) remet en cause sa doctrine. Une inflexion qui ne règle pas tout.
En effet, l’administration fiscale a, depuis l’année 2016, des difficultés à prendre position en la matière. Préalablement, il convient de rappeler que la TVA immobilière, par suite de la revente par le lotisseur « professionnel », est soit :
- sur le prix, si le lotisseur a eu un droit à déduction de TVA lors de l’acquisition du terrain conformément à l’article 266, 2 du CGI ;
- sur la marge réalisée par le lotisseur dans le cas contraire ; cette dernière hypothèse se présente notamment quand l’acquisition du terrain n’a pas été soumise à la TVA.
En toute hypothèse, le redevable de la taxe est le vendeur-lotisseur.
Toutefois, la difficulté réside dans l’application de la TVA sur marge à la revente et dans la notion d’identité juridique et physique du bien vendu.
Reprenons le contexte et les soubresauts de l’administration à ce sujet.
L’administration fiscale a publié quatre réponses ministérielles (Rép. de La Raudière n° 94061, JOAN 30 Août 2016 ; Rép. Carré n° 91143 JOAN 30 août 2016, Rép. Bussereau n° 96679 JOAN 20 Septembre 2016, et Rép. Savary n° 94538, JOAN 20 septembre 2016) précisant, pour des considérations de contrôle de l’assiette de la TVA, que l’application de la TVA sur marge suppose une identité physique et juridique entre les biens acquis et revendus.
Ainsi, en cas de division parcellaire intervenue entre l’acquisition initiale et la cession ayant entraîné un changement de qualification ou un changement physique telle une modification des superficies vendues par rapport à l’acte d’acquisition, la taxation doit se faire sur le prix de vente total. En revanche, l’administration admet l’application de la TVA sur marge dès lors que la division est antérieure à l’acte d’acquisition initial et qu’un document d’arpentage a été établi ou un permis d’aménager obtenu préalablement à la cession.
Désavouant cette position, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que l’administration ne saurait exiger la préexistence d’une division parcellaire et d’une ventilation du prix d’achat au stade de l’acquisition initiale pour refuser l’application de la TVA sur marge (TA Grenoble 14-11-2016 n° 1403397 : RJF 4/17n° 314).
Ne tenant pas compte de ce jugement, l’administration a confirmé sa position (Rép. Giudicelli : Sén. 7-9-2017 n° 904).
Ainsi, dans l’hypothèse où cette position de l’administration serait confirmée par les juges, la TVA sur marge ne serait jamais applicable aux ventes et autres livraisons de terrain à bâtir effectuées par des lotisseurs et autres aménageurs dont l’activité ne se cantonne pas à l’achat-revente en l’état. En effet, et par suite de la viabilisation et confection des parties communes et voiries du lotissement, il n’y aurait pas d’identité physique du terrain.
Dans ce contexte d’incertitudes juridiques et fiscales, le sénateur de la Sarthe Jean-Pierre Vogel, expert-comptable de formation, a demandé de nouvelles précisions à l’administration fiscale.
La réponse du ministre de l’économie et des finances infléchit la position de l’administration fiscale à ce sujet. L’exigence d’une identité physique entre le bien acquis et le bien revendu n’est plus une condition, dès lors que la condition d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu est respectée.
Désormais, l’acquisition d’un terrain en vue de sa division et sa revente en lots permettra au lotisseur de bénéficier du régime de la TVA sur la marge sans qu’il lui soit nécessaire de procéder à une division préalable. De plus, des modifications quant à l’opération pourront être effectuées par le lotisseur sans risque fiscal. Cette solution est d’application immédiate pour les opérations futures mais également pour celles en cours. Cette doctrine permettra également au lotisseur d’éviter d’encourir des redressements fiscaux au titre des opérations déjà réalisées, jusqu’au prochain rebondissement.
Cette réponse ne règle pourtant pas tout. En effet, l’administration n’abandonne que le critère d’identité physique mais le critère juridique a toujours vocation à s’appliquer alors même que l’article 268 du Code Général des Impôts n’exige aucun de ces deux critères.
Ainsi, il est ici rappelé au praticien que, dans l’hypothèse où l’acquisition porte sur un immeuble bâti comportant de futurs terrains à bâtir non encore définis, la revente des terrains à bâtir issus de la division demeure soumise à la TVA sur le prix, sauf si une division préalable ou un permis d’aménager a été obtenue permettant ainsi de matérialiser les lots de terrain à bâtir.
Ces rebondissements et séries d’interrogations nous incitent à rester vigilants sur la question et à surveiller régulièrement les éventuelles évolutions afin d’éviter les risques de contentieux et de redressements.
Frédéric DESSON
Notaire à Bourges, Office Séraucourt
Article paru dans Solution Notaire le 6 sept. 2018