Permettre l’acquisition de leur logement par tous les ménages français est, depuis longtemps, un objectif constant des pouvoirs publics. Être propriétaire de son logement, c’est s’assurer d’un toit pour vivre, mais c’est également disposer d’un bien sur lequel une garantie hypothécaire peut être prise lorsque l’on veut emprunter. Or, la capacité des ménages à emprunter est le signe d’une société « en bonne santé » et d’une économie qui fonctionne. Pouvoir emprunter permet aussi à des familles aux revenus moyens, voire faibles, d’améliorer leur quotidien.
Si le contexte économique a été favorable à la poursuite de cet objectif au cours des Trente Glorieuses, la machine s’est enrayée à la fin des années 70, les Français faisant face depuis à des difficultés croissantes pour accéder à la propriété immobilière. Le législateur et les praticiens ont depuis de nombreuses années mis en place des dispositifs d’accession aidée à la propriété, qu’elle soit sociale ou non. Ces multiples mécanismes se révélant toutefois imparfaits, il a été créé, entre 2014 et 2016, deux nouveaux outils, venant compléter une palette déjà bien fournie : le bail réel immobilier et le bail réel solidaire.
Les praticiens, et en particulier les notaires, sont à l’origine de ces deux innovations, dont l’objectif est le maintien durable et pérenne d’un parc de logements accessibles à tous les ménages, que ceux-ci aient des revenus modestes voire très modestes, comme des revenus « intermédiaires ». Fondés sur une dissociation du foncier et du bâti, ces dispositifs sont inspirés des montages traditionnels (bail emphytéotique, bail à construction) mais également, par certains aspects, des pratiques étrangères.
L’objet de ce dossier est de présenter dans le détail le régime de ces deux dispositifs, après en avoir rappelé la genèse. Destinée aux praticiens, une formule de bail réel solidaire sera proposée. L’organisme de foncier solidaire fera aussi l’objet de développements, afin de mieux connaître ce nouvel acteur de la politique de logements en France. Les avantages et intérêts que peuvent retirer les collectivités locales et les promoteurs de la conclusion de tels actes seront soulignés, car ils fondent le succès ou la faillite de ces nouveaux mécanismes. Enfin, différentes déclinaisons de ce concept singulier qu’est l’accession partiellement différée seront détaillées à travers les Pass foncier et le Coop foncier.
Au moment où nous rédigeons ce propos, et à notre connaissance, aucun bail réel immobilier ni aucun bail réel solidaire n’a encore été conclu, les dispositifs n’étant opérationnels que depuis peu. Mais déjà, des OFS ont été ou sont en train d’être constitués. Des projets immobiliers sont aussi en cours et devraient rapidement voir le jour par la signature d’actes devant notaire. Pour autant, les rédacteurs du présent dossier (notaires, professeur, maître de conférences et juristes) espèrent avoir réussi à traiter ces deux nouveaux outils de la manière la plus complète et pratique possible, compte tenu du peu de recul existant à ce jour sur ces innovations.
Le notaire sera au cœur de ces nouveaux mécanismes, tant par son rôle de rédacteur évidemment que par l’accompagnement qu’il devra à ses nouveaux clients particuliers, lesquels n’auraient peut-être jamais franchi la porte d’un office sans l’aide de ces dispositifs d’accession à la propriété. Il s’agit pour le notariat de démontrer son utilité dans le parcours résidentiel des Français. Aux praticiens donc de se saisir de ces nouveaux mécanismes, d’en appréhender toutes les possibilités afin de relever le défi de l’accession à la propriété pour le plus grand nombre !
Frédéric Roussel, Notaire à Lille, Sophie Brange, Notaire à Treillières et Virginie Deshayes, Notaire à Rennes ainsi que Gaëlle Le Dû, Consultante au centre d’études et de recherche du Groupe Monassier
Dossier paru dans la revue Actes pratiques et ingénierie immobilière (Lexis-Nexis) – Juillet-Août-Septembre 2017