« Comment dois-je faire pour acheter un appartement alors que je suis en instance de divorce ? Je souhaite acheter avec mon nouveau compagnon, mon conjoint doit-il vraiment intervenir à l’acte d’achat ? »
Les époux mariés sous le régime de la séparation de biens n’ont pas à se poser ces questions ni les époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts. Seuls les couples mariés sous un régime communautaire sont concernés. En effet, tous les biens acquis au cours du mariage sont des acquêts de communauté et formeront les biens communs qui devront être partagés lors de la dissolution du régime matrimonial.
Le sort des biens acquis en cours d’instance va dépendre de l’état d’avancement de la procédure de divorce. Toutes les précautions qui pourront être prises n’auront d’effet que si le divorce est prononcé et devenu définitif.
La question essentielle à se poser est la date des effets du divorce entre les époux quant à leurs biens : avant cette date le bien acquis sera commun, après cette date le bien sera personnel.
Pour le divorce par consentement mutuel, la date à retenir est la date de l’homologation de la convention de divorce, par le juge sauf si celui-ci en dispose autrement. Les époux peuvent conventionnellement fixer une date antérieure.
Pour les divorces contentieux, c’est la date de l’ordonnance de non-conciliation qui doit être retenue (Art. 262-1 cciv). Il est toutefois possible de convenir d’une autre date en recourant au report de la date des effets du divorce. Ce report peut être conventionnel, et acté aux termes d’une convention de divorce en cours d’instance soumise à l’homologation du juge (Art. 265-2 et 268 cciv), ou judiciaire. Dans ce dernier cas, une seule date peut être retenue : celle de la cessation de la collaboration et de la cohabitation entre les époux. La preuve de cette date doit être apportée par le conjoint qui souhaite s’en prévaloir. Par contre, une incertitude demeure quant à l’acceptation de celle-ci par le juge.
L’intervention du conjoint aux termes de l’acte d’achat ne suffit pas à faire sortir le bien acquis de la communauté. S’il ne s’oppose pas à l’acquisition, il est préférable de lui faire régulariser une convention de divorce aux termes de laquelle les parties reporteront librement la date des effets du divorce.
Cependant, lorsque le conjoint acquéreur recourt à un emprunt, l’intervention de l’autre pourra être demandée par la banque. En effet, l’époux emprunteur n’engage que ses biens propres et ses revenus. La banque pourra souhaiter engager l’ensemble du patrimoine commun par l’intervention du conjoint non acquéreur. Son intervention sera obligatoire dans le cas où une hypothèque est prise en garantie du prêt, ce qui ne sera pas le cas si un privilège de prêteur de deniers est prévu.
Les salaires versés postérieurement à la date des effets du divorce seront personnels dès le prononcé du divorce. Ainsi, aucune récompense ne sera due par l’époux acquéreur qui a remboursé le prêt au moyen de ses salaires. Par contre, les salaires et revenus de biens propres déjà versés et non employés à ladite date sont des biens communs. Il y aura lieu d’éviter d’user de ces fonds car ils deviendront indivis : dès le prononcé du divorce la communauté disparaîtra et laissera la place à l’indivision post-communautaire.
Jessica Dupouy
Notaire à St-Martin-de-Seignanx et Tarnos,
Article paru dans Les Echos, le 11 mars 2016
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