Au terme d’un périple judiciaire, la Cour de cassation valide le dispositif de l’article L. 631-7 du CCH, applicable notamment à Paris, en matière de location meublée touristique de courte durée.
La Cour de cassation vient de juger que les articles L. 631-7, alinéa 6, et L.631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation sont conformes à la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur et valide la réglementation mise en place par la mairie de Paris en matière de location meublée touristique de courte durée.
En l’espèce, les propriétaires d’un studio situé à Paris l’avait proposé à la location sur un site Internet sans autorisation préalable des autorités locales et de manière répétée, de locations de courte durée à l’usage d’une clientèle de passage. Ils furent poursuivis par la ville de Paris pour défaut de respect de la législation sur le changement d’usage.
Sur le fondement de l’article L.631-7 du CCH, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris puis, par la suite, la cour d’appel de Paris ont condamné les propriétaires au paiement d’une amende et ordonné le retour des biens en cause à leur usage d’habitation.
Pour mémoire, les articles L.631-7 du CCH et suivants disposent que, notamment dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans celles de trois départements limitrophes de Paris, le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable et que le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un tel changement d’usage. Cette autorisation, délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l’immeuble, peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage.
Dans le cadre de pourvois formés par les propriétaires à l’encontre de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 15 nov. 2018, n° 17-26.156) a saisi la CJUE à titre préjudiciel afin de pouvoir se prononcer sur la compatibilité de la réglementation nationale en cause avec la directive 2006/123 du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36) et a sursis à statuer dans l’attente de la décision de cette juridiction.
Par un arrêt du 22 septembre 2020 (C-724/18 et C-727/18), la CJUE s’est prononcée sur la conformité des articles L. 631-7, alinéa 6, et L.631-7-1 du Code de la construction et de l’habitation à la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur. Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la CJUE ne tranche pas le litige national. Par conséquent, il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.
Ainsi, la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 18 fév. 2021, n° 17-26156) a pu retenir :
- Que l’article L.631-7, alinéa 6, du CCH, est justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionné à l’objectif poursuivi en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.
- Qu’une location de courte durée devait s’entendre de toute location « inférieure à un an ». Elle en a déduit que ce texte est suffisamment précis, en ce qu’il concerne la location à plus d’une reprise au cours d’une même année d’un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989.
- Qu’ainsi le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 constitue un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable.
- Que les pouvoirs conférés au Maire de la commune de situation de l’immeuble de délivrer l’autorisation préalable de changement d’usage et au conseil municipal de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations éventuelles, sont justifiés par une raison d’intérêt général, qui satisfont aux exigences de clarté, de non-ambiguïté, d’objectivité, de publicité, de transparence et d’accessibilité de la directive et qui, tels que mis en œuvre par la Ville de Paris dont le règlement municipal prévoit une obligation de compensation, sont conformes au principe de proportionnalité.
- Que ne sont pas soumis à la réglementation relevant du changement d’usage, les cas de location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois, de conclusion d’un bail mobilité d’une durée d’un à dix mois et de la location du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois.
En pratique, cet arrêt va permettre de débloquer toutes les procédures engagées par la Ville de Paris à l’encontre de propriétaires loueurs auxquels elle réclame des amendes. Cette solution s’imposera également à toutes les villes ayant mis en place leur propre régime de régulation des locations touristiques, telles que Lyon, Bordeaux, Nice, Marseille, Lille, Nantes, Strasbourg, Toulouse.
Enfin, outre cet arrêt, la Cour de cassation a rendu le même jour deux autres arrêts confirmant sa position à l’égard des locations touristiques de courte durée :
- Par un premier arrêt (Cass. 3e civ., 18 février 2021, n° 19-13191), elle retient que constitue un changement d’usage soumis à déclaration préalable le fait pour un bailleur de donner en location, à deux reprises au cours de la même année, un appartement meublé à usage d’habitation, pour des durées respectives de quatre et six mois, à deux sociétés pour y loger la même personne en qualité de salarié, donc inférieures à un an ou à neuf mois. Par conséquent, dès lors que le bail est inférieur à une année, et qu’il n’est constitutif ni d’un bail étudiant, ni d’un bail mobilité, il sera soumis à déclaration préalable.
- Le second arrêt (Cass. 3e civ., 18 février 2021, n° 19-11462) vient confirmer une position jurisprudentielle récente à l’encontre de la Ville de Paris (Cass. 3e civ., 28 nov. 2019, n° 18-23.769 et Cass. 3e civ., 28 mai 2020, n° 18-26366) selon laquelle le formulaire H2 (document qui permet de recenser les constructions nouvelles et d’établir leur valeur cadastrale) rempli par le propriétaire d’un local postérieurement au 1er janvier 1970 ne permet pas d’établir la preuve de l’usage d’habitation du bien à cette date.
Cass. 3e civ., 18 févr 2021, n° 19-13191 et n° 19-11462 et n° 17-26156