De manière inédite, le Conseil d’Etat vient de refuser l’application du forfait de 15 % pour travaux en majoration du prix d’acquisition, en l’absence de travaux réalisés par le vendeur lors de la vente d’un terrain à bâtir comprenant une construction destinée à la démolition.
La vente d’un bien immobilier ou de parts de sociétés immobilières peut donner lieu à l’imposition d’une fraction de la plus-value.
La plus-value est égale à la différence entre le prix de cession minoré des frais de cession, et le prix d’acquisition du bien augmenté, lui, d’un certain nombre de dépenses exposées par le vendeur. Dans certaines conditions, le prix d’acquisition peut-être notamment majoré, sur justificatifs, des dépenses de construction, de reconstruction, d’agrandissement ou d’amélioration, supportées par le vendeur et réalisées par une entreprise depuis l’achèvement de l’immeuble ou son acquisition si elle est postérieure.
Deux solutions : soit les travaux sont justifiés sur factures, soit ils sont retenus à hauteur de 15 % du prix d’acquisition si la vente intervient plus de cinq ans après.
En l’espèce, une SCI a cédé le 18 mai 2012 un terrain à bâtir sur lequel était édifié un chalet pour un prix de 11 549 304 €. La société avait acquis le chalet, alors achevé depuis plus de cinq ans, en janvier 1992 pour un prix de 381 123 € et lui avait adjoint une parcelle acquise le 15 mai 2002 pour un prix de 85 981 €. La SCI à l’occasion de la cession de cet ensemble immobilier a réalisé une plus-value, de 7 526 200 €. La SCI soutenait, entre autres choses, qu’en application de l’article 150 VB-II-4° du CGI, elle était en droit de bénéficier d’une majoration pour travaux égale à 15 % du prix d’acquisition du chalet acquis en 1992.
Sur le fondement de l’article 150 VB-II-4° du CGI, la Cour administrative d’appel de Lyon a refusé à la SCI l’application du forfait de 15 % en se fondant sur les éléments suivants :
- Le chalet était destiné à la démolition et à la reconstruction : dans l’acte de cession du 18 mai 2012, la SCI vendeur déclarait avoir obtenu un permis de démolir le tènement existant et un permis de construire délivré le 29 décembre 2010 dont elle a demandé le transfert au nouvel acquéreur qui se chargera des travaux de démolition.
- Dans l’acte de cession, le vendeur précisait également qu’il n’avait pas effectué sur le bien vendu de travaux nécessitant la délivrance d’un permis de construire ou une déclaration préalable de travaux nécessitant la souscription d’une assurance dommage-ouvrage.
La SCI requérante se pourvoit devant le Conseil d’Etat sur le fondement, notamment, d’une dénaturation par les juges du fond de la doctrine administrative, en vertu des dispositions de l’article L. 80 A du Code de procédure civile (« Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l’administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l’impôt et aux pénalités fiscales. »)
Elle soulève, en effet, une certaine brèche laissée par la doctrine selon laquelle « le forfait de 15 % est une simple faculté pour les contribuables propriétaires de leur bien depuis plus de cinq ans. Dès lors que la condition afférente à la durée de détention est remplie, le cédant peut bénéficier du forfait de 15 % sans avoir à établir la réalité des travaux, le montant des travaux effectivement réalisés ou son impossibilité à fournir des justificatifs. Enfin, il n’y a pas lieu de rechercher si les dépenses de travaux ont déjà été prises en compte pour l’assiette de l’impôt sur le revenu ». (BOI-RFPI-PVI-20-10-20-20-20131220 n° 350 et suivants)
Le Conseil d’Etat retient que ce moyen n’est pas de nature à justifier l’admission du pourvoi. Il en ressort ainsi que la doctrine administrative ne comporte aucune interprétation différente de l’article 150 VB-II-4° du CGI. Il convient alors de retenir de cette jurisprudence que la doctrine n’implique pas que le contribuable ait droit à la majoration du prix d’acquisition par application du forfait de 15 % dans le cas où il serait établi qu’il n’a réalisé aucun travaux. Elle ne fait qu’expliciter la loi selon laquelle la majoration forfaitaire peut être appliquée sans qu’il soit nécessaire de justifier de ces travaux.
CE, 25 mars 2019, n° 422943