Les plus-values nettes réalisées par les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) lors de la cession de locaux à usage de bureaux ou à usage commercial en vue de leur transformation en logement sont, sous certaines conditions, imposées au taux réduit de 19 %, conformément à l’article 210 F du CGI.
Ce régime de faveur ne s’appliquait toutefois, dans sa version résultant de la loi n°2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificatives pour 2013, qu’aux cessions réalisées au profit de certains cessionnaires : certaines sociétés immobilières spécialisées, certains organismes en charge du logement social et, enfin, les personnes morales soumises à l’IS dans les conditions de droit commun.
Le bénéfice, par le cédant, du régime de faveur de l’article 210 F du CGI, dépendait donc essentiellement du régime fiscal du cessionnaire.
Cette limitation a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité sur laquelle le Conseil constitutionnel vient de se prononcer.
Ce dernier relève tout d’abord qu’en instituant un taux réduit d’imposition des plus-values de cession de locaux professionnels en vue de leur transformation en locaux à usage d’habitation, le législateur a entendu favoriser la création de logements, mais constate par ailleurs qu’il n’existe aucun lien entre le régime fiscal du cessionnaire et sa capacité à respecter son engagement de transformer en logement les locaux cédés.
Par conséquent, le Conseil constitutionnel estime qu’en réservant l’application de l’avantage fiscal aux plus-values de cessions réalisées au profit d’une personne morale soumise à l’IS dans les conditions de droit commun, excluant ainsi d’autres personnes morales tout autant susceptibles de transformer les locaux cédés en locaux à usage d’habitation, en particulier les sociétés civiles de construction-vente (SCCV), le législateur ne s’est pas fondé sur un critère objectif et rationnel en fonction du but de création de logements qu’il s’est proposé.
La limitation du bénéfice de l’article 210 F du CGI aux cessions réalisées au profit de sociétés soumises à l’IS dans les conditions de droit commun uniquement a donc été déclarée contraire à la Constitution.
Toutefois, cette déclaration d’inconstitutionnalité ne s’appliquera que pour le passé, dans la mesure où elle a été limitée à toutes les affaires non jugées définitivement à la date de publication de la décision (i.e. le 1er août 2020).
Sans doute, le Conseil constitutionnel a-t-il pris en compte le fait que le régime de faveur de l’article 210 F du CGI a été étendu depuis, par l’article 25 de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, aux sociétés relevant de l’article 239 ter du CGI, et donc aux sociétés civiles de construction vente (SCCV).
Celui-ci avait en effet constaté que l’application du taux réduit d’imposition était exclue lorsque la cession était réalisée au profit d’une personne morale non soumise de plein droit à l’IS et qui n’est pas non plus autorisée à opter en faveur de son assujettissement à cet impôt, tel le cas des SCCV régies par les articles 239 et 239 ter du CGI.
Toujours est-il que restent encore aujourd’hui exclues du dispositif de faveur les cessions réalisées au profit de sociétés relevant du régime des sociétés de personnes, telles les sociétés en nom collectif ou en commandite simple, alors que les cessions réalisées au profit d’un cessionnaire de même forme sociale mais ayant opté pour son assujettissement à l’IS ouvriront droit au bénéfice du taux réduit d’imposition. Situation que le Conseil constitutionnel avait pourtant relevée dans sa décision, au même titre que celle des SCCV.
Décision n° 2020-854 QPC du 31 juillet 2020