Selon la Chancellerie, le mécanisme correctif des droits de mutation en cas d’usufruit successif n’est pas applicable lorsque c’est le donateur qui a payé les droits de mutation.
Il est fréquent qu’à l’occasion d’une donation de biens en nue-propriété seulement, des usufruits successifs soient constitués.
Ces usufruits successifs s’ouvrent à la fin de l’usufruit réservé à l’occasion de la donation, augmentant alors la durée que devra patienter le nu-propriétaire avant de devenir plein propriétaire. C’est notamment la technique qui est mise en œuvre pour réaliser des « réversions d’usufruit », c’est-à-dire permettre au conjoint du donateur d’être usufruitier après que l’usufruit réservé par le donateur s’est éteint par suite de son décès.
Cette technique civile fait l’objet d’un traitement fiscal spécifique : les droits de donation sont calculés sur la valeur de la nue-propriété, évaluée en fonction du barème fixé à l’article 669 du Code général des impôts. Or, cet article ne tient compte, pour l’évaluation de la nue-propriété, que des seuls usufruits ouverts au jour de la donation. Autrement dit, il ne permet pas de déduire de la valeur donnée le montant de l’usufruit successif, alors même qu’en réalité, la nue-propriété sera grevée de l’usufruit actuel et de l’usufruit successif.
Pour remédier à cette difficulté, l’article 1965 B du Code général des impôts prévoit un mécanisme de correction : A l’ouverture de l’usufruit succession, le nu-propriétaire a droit à la restitution d’une somme égale à ce qu’il aurait payé en moins si le droit acquitté par lui avait été calculé d’après l’âge de l’usufruitier éventuel.
La question s’est alors posée de savoir si cet article, qui visait « le droit acquitté par lui [le nu-propriétaire] » devait s’appliquer dans l’hypothèse très fréquente où les droits de mutations sont acquittés par le donateur (usufruitier).
La Chancellerie a répondu par la négative à cette interrogation, en considérant que « ce droit à restitution n’est toutefois accordé que si le nu-propriétaire a acquitté les droits de mutation à titre gratuit. La restitution n’est en effet justifiée que si le nu-propriétaire a souffert d’une surtaxation, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il n’a pas acquitté les droits de mutation. La succession du donateur décédé ne peut pas non plus bénéficier de cette restitution. La lettre du texte l’en empêche : seul le nu-propriétaire a droit à la restitution d’après l’article 1965 B CGI. »
Une réponse malheureuse à deux titres.
Sur la forme d’une part : La question avait été posée à Bercy, mais c’est la Chancellerie qui y a répondu, sous réserve expresse de l’avis de la DGFIP. La réponse ne lie donc pas l’administration fiscale, qui reste libre de prendre une position différente.
Sur le fond, d’autre part : L’article 1965 B du CGI est un mécanisme correctif d’une surtaxation. En en réservant le bénéfice à la seule hypothèse où le donataire a payé les droits, il empêche que la surtaxation ne soit corrigée. Elle reste donc définitivement acquise au Trésor au détriment du contribuable.
Rép. min. n° 26892, JOAN 2 juin 2020