Les héritiers du quasi-usufruitier sont débiteurs de la restitution à l’égard de la succession du nu-propriétaire décédé avant l’usufruitier.
Le quasi-usufruit est un usufruit d’un genre particulier : en principe, l’usufruitier a le droit de jouir de la chose pendant toute la durée de l’usufruit, à charge de la conserver et de la restituer à l’extinction de son droit ; par exception, lorsque les biens objets de l’usufruit sont « consomptibles », c’est-à-dire lorsqu’ils disparaissent par l’usage qu’on en fait (c’est le cas des liquidités), l’usufruitier peut aliéner la chose et restituer sa contre-valeur en argent. Il se trouve ainsi « quasi-propriétaire » de la chose, et débiteur à l’égard du nu-propriétaire d’une créance de restitution de la valeur de la chose.
Le plus souvent, le terme du quasi-usufruit est constitué par la mort de l’usufruitier. C’est alors sa succession qui doit rembourser le nu-propriétaire. La Cour de cassation a récemment eu à juger d’un cas particulier, puisque le nu-propriétaire était décédé avant l’usufruitier.
La solution retenue, rendue en matière de comptes bancaires, n’a rien d’étonnant, mais elle a le mérite de la clarté. La Cour précise en effet deux éléments :
- D’une part, que dès avant le décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire a vocation à la pleine propriété des comptes objets du quasi-usufruit, quoiqu’il n’en soit pas encore titulaire ni n’en ait la jouissance (cette « vocation » se manifestant par sa qualité de créancier de la restitution) ;
- D’autre part, qu’au décès de l’usufruitier, l’usufruit avant « rejoint » la nue-propriété échue entre-temps à la succession du nu-propriétaire, de sorte que ses légataires universels (on peut étendre la solution à tous ses héritiers ayant une vocation universelle) sont tenus de lui restituer la valeur des comptes bancaires.
La solution peut être encore plus évidemment exprimée :
- Les héritiers du nu-propriétaire créancier de la restitution deviennent eux-mêmes, à son décès, créanciers de la restitution ;
- Les héritiers du quasi-usufruitier débiteur de la restitution deviennent eux-mêmes, à son décès, débiteurs de la restitution.
La solution est de pure logique juridique. On regrettera simplement que la Cour reprenne à son compte la rédaction de la cour d’appel qui évoque que l’usufruit a « rejoint » la nue-propriété, alors qu’il s’est en réalité éteint par suite du décès de son titulaire.
Cass. Com. 4 nov. 2020, n° 19-14.421