La cour administrative d’appel de Lyon juge qu’un assujetti qui procède à la cession isolée d’un immeuble inscrit en stock peut bénéficier du régime de dispense de TVA de l’article 257 bis.
Une SARL, qui exerce une activité de marchand de biens et de négociation, gestion et administration d’immeubles, a acquis un terrain à bâtir sur lequel elle a fait construire deux bâtiments A et B. Ces bâtiments ont été achevés le 3 février 2006. La société a déduit la taxe sur la valeur ajoutée relative à cette opération immobilière. Par deux contrats en date des 1er août 2007 et 25 janvier 2008, elle a donné en location ces bâtiments, tous deux à usage d’entrepôt et de bureaux. Le 26 juin 2013 elle a vendu le bâtiment B ainsi que des parkings, à une SCI et le 13 février 2014 le bâtiment A et des parkings, à une autre SCI.
A l’issue de la vérification de comptabilité dont la société a fait l’objet, par une proposition de rectification du 15 décembre 2015, l’administration a estimé, d’une part, que la SARL aurait dû, en application de l’article 207-III-1-1° de l’annexe II au CGI, régulariser par vingtième, lors des cessions des bâtiments A et B, la taxe déduite en amont et afférente à l’opération de construction et, d’autre part, que la TVA grevant les dépenses engagées en vue de commercialiser le bâtiment A, directement et exclusivement affectées à l’opération de cession, ne pouvait ouvrir droit à déduction.
Le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SARL de prononcer la décharge des rappels de TVA mis à sa charge. Le ministre a relevé appel de ce jugement.
Sur le fondement de l’article 257bis du CGI, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que la dispense de TVA était applicable à la vente d’un immeuble donné en location avec TVA lorsque l’acheteur continue l’activité locative soumise à la taxe même si le vendeur avait comptabilisé l’immeuble en stock.
En effet, elle rappelle, tout d’abord, que la SARL utilisait les immeubles A et B dont elle était propriétaire pour exercer une activité de location et qu’elle a cédé ces biens immobiliers respectivement à deux SCI en vue de poursuivre une telle activité de location.
Que l’intention des cessionnaires de poursuivre l’activité de location ressort des mentions de l’acte de vente du 26 juin 2013 pour le bâtiment B, et, en ce qui concerne le bâtiment A des faits exposés par la SARL et non contestés par l’administration selon lesquels le jour de la cession, soit le 13 février 2014, un nouveau bail a été signé par le cessionnaire avec le locataire en place.
Puis, la CAA en déduit que « Ces contrats de cession avaient ainsi notamment pour objet de permettre la transmission du cédant aux cessionnaires de l’exploitation des locaux et devait, par conséquent, être regardés chacun comme procédant au transfert d’une partie autonome de l’entreprise au sens de l’article 257 bis du CGI permettant la poursuite d’une activité économique. Dans ces conditions, et alors même que la SARL n’a constaté aucune livraison à soi-même des immeubles litigieux qu’elle a construits, qu’elle a inscrit ces biens en stock et que le bâtiment A a été vendu libre de location, la cession de ces immeubles doit être regardée comme s’inscrivant dans le cadre d’une transmission à titre onéreux d’une universalité de biens au sens de l’article 257 bis du CGI, dispensée de taxe sur la valeur ajoutée, et non ainsi que le prétend l’administration comme la simple vente de biens réalisée dans le cadre de l’activité de négociant de cette société. »
La CAA prend ici le contrepied de la position de l’administration fiscale et du Conseil d’Etat qui refusent l’application de la dispense dans une telle hypothèse : un assujetti qui procède à la cession isolée d’un immeuble inscrit en stock ne peut pas bénéficier du régime de dispense de TVA de l’article 257 bis du CGI au motif que l’inscription en stock constitue un élément objectif permettant de révéler l’intention de l’opérateur de ne pas affecter durablement l’immeuble à une activité locative.
CAA Lyon 1er avril 2021, n° 19LY00379