Il convient de se déterminer uniquement au regard des nouvelles destinations et sous-destinations pour la procédure de contrôle des changements de destination. Toutefois les anciennes destinations et les règles d’urbanisme qui y sont attachées dans les « PLU non-alurisés » restent opposables aux projets.
Pour mémoire, le décret de recodification n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 a réformé la nomenclature des destinations de construction à l’occasion de la recodification du Code de l’urbanisme. Il a réduit les destinations au nombre de 5, alors que l’ancien article R. 123-9 du Code de l’urbanisme en prévoyait 9, tout en les subdivisant en 20 sous-destinations, puis 21 sous-destinations à la suite du décret n°2020-78 du 31 janvier 2020. Les 5 destinations figurent à l’article R. 151-27 du Code de l’urbanisme et les 21 sous-destination à l’article R. 151-28 du même code.
Au 1er janvier 2016, la réforme est entrée en vigueur, mais sans incidence sur le maintien des anciennes règles des articles R. 123-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Ainsi, coexistent désormais deux sortes de plan locaux d’urbanismes (PLU) : les anciens et les nouveaux. Autrement dit, ceux qui ont été élaborés ou révisés par une procédure prescrite après le 1er janvier 2016, et inversement, ceux dont l’élaboration ou la révision sont antérieures à cette date. Ces derniers sont désignés comme des « PLU non-alurisés » et pour ceux-ci l’article R. 123-9 reste en application comme le prévoit l’article 12 du décret du 28 septembre 2015 précité. S’agissant des communes couvertes par un « PLU non-alurisé », le champ d’application des autorisations d’urbanisme doit-il être apprécié par référence aux anciennes destinations de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme, ou par référence aux nouvelles destinations et sous-destinations des articles R. 151-27 et R 151-28 du même code ?
Un arrêt du Conseil d’État du 7 juillet 2022 (CE, 1ère et 4ème ch. réunies, 7 juil. 2022, n°454789) est venu confirmer un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 20 mai 2021 (CAA Paris, 20 mai 2021, n°19PA00986) qui apporte la précision tant attendue. Les deux arrêts sont unanimes : les nouvelles destinations et sous-destinations sont bien opposables lors de la procédure administrative de changement de destination, même dans le cadre d’un PLU non-alurisé ! Cette solution, somme toute logique, mérite quelques explications.
Depuis 2016, le passage à seulement 5 destinations et leur subdivision en 21 sous-destinations s’est traduit par une modification du périmètre des autorisations d’urbanisme. La nécessité d’une autorisation d’urbanisme et sa nature (permis de construire ou déclaration préalable) dépendent des travaux envisagés et du changement projeté. Si des travaux sont réalisés et s’ils modifient la façade ou les structures porteuses du bâtiment existant, alors un permis de construire est exigé tant pour le changement de destination, que pour le changement de sous-destination, en vertu de l’article R. 421-14 du Code de l’urbanisme. Autrement, par principe une déclaration préalable doit être déposée comme en dispose l’article R. 421‑17, b du Code de l’urbanisme, même sans travaux réalisés. Toutefois il existe une exception en cas de changement de sous-destination au sein d’une même destination : le changement de destination n’est alors soumis à aucune autorisation d’urbanisme.
L’entrée en vigueur immédiate des nouvelles destinations et sous-destinations avait toute son importance en l’espèce puisque l’opération projetée était de transformer une boucherie en une supérette. La nouvelle sous-destination « artisanat et commerce de détail » regroupait en son sein à la fois la boucherie et la supérette : il n’y avait donc, au regard des nouvelles règles, plus aucun changement ni de destination, ni de sous-destination. Seule une déclaration préalable était nécessaire, puisque la transformation du commerce de boucherie en supérette nécessitait une modification des façades. A l’inverse, si l’on se fiait aux anciennes destinations antérieurement prévues à l’article R 123-9 du Code de l’urbanisme, la transformation d’un local occupé par une Boucherie en une supérette accompagnée d’une modification des façades s’analysait comme un changement de destination, ce qui aurait nécessité un permis de construire. Sur ce fondement, la simple déclaration préalable de travaux qui avait été présentée par la société avait été alors rejetée. Pourtant, la Cour administrative d’appel de Paris, ne suivant pas la municipalité dans son raisonnement, avait considéré que « si l’article 12 du décret 28 décembre 2015 susvisé prévoit que les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l’urbanisme dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux d’urbanisme dont l’élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été engagée avant le 1er janvier 2016, […], cet article, […] ne concerne que le maintien des règles relatives à l’élaboration et au contenu des plans locaux d’urbanisme, et non le maintien en vigueur des dispositions de l’article R. 421-14 relatives aux autorisations d’urbanisme, dans leur rédaction antérieure au 1er janvier 2016 ».
Ainsi, les articles R. 421-14 (et R. 421-17) du Code de l’urbanisme relatifs au permis de construire et à la déclaration préalable visent désormais depuis 2016 les nouvelles destinations et sous-destinations des articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme, sans se préoccuper de savoir si le PLU en vigueur est un ancien ou un nouveau PLU. Il n’était donc pas cohérent que les services de l’urbanisme continuent à contrôler les autorisations délivrées au regard des anciennes destinations et sous-destinations de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme. A rebours de cette pratique, la doctrine avait émis une interprétation contraire, plaidant pour une application sans délai des nouvelles destinations et sous-destinations sans considération de la date des PLU. A cet égard, Jean-Philippe Meng énonçait « L’absence de dispositions transitoires et la lecture littérale des articles R. 421-14 et R. 421-17 nous semble autoriser une entrée en vigueur immédiate des dispositions nouvelles, y compris dans les communes couvertes par un PLU avant recodification ». [(J-P) MENG, La recodification et le nouveau contenu du PLU, Defrénois 15 juin 2016, n° 123r3, p. 616]. Cette position avait par le passé déjà été reprise par des juridictions du fond (voir en ce sens : TA Melun, 7e ch., 18 mai 2020, n° 1706867).
Il résulte de ce qui précède que la ville de Paris, ne pouvait pas se fonder sur les dispositions de l’article R. 421-14 dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015, lesquelles renvoyaient à l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme qui distinguait autrefois les activités de commerce de celles d’artisanat, même si son plan local d’urbanisme avait été mis en révision avant le 1er janvier 2016.
En conséquence, « la modification projetée d’une boucherie en commerce ne relevait plus, contrairement à ce qu’il en était dans l’état du droit antérieur au 1er janvier 2016, d’un changement de destination, les articles R. 151-27 et R. 151-28 regroupant désormais au sein d’une même destination le commerce et l’artisanat ». Dès lors, suivant le raisonnement des juges du fonds et rejetant le pourvoi de la ville de Paris, le Conseil d’Etat a confirmé que le maire de Paris ne pouvait légalement s’opposer à la déclaration préalable au motif que les travaux projetés nécessitaient un permis de construire.
Il ressort très clairement de l’arrêt du 7 juillet analysé que le régime des nouvelles destinations et sous-destinations des articles R 151-27 et R 151-28 s’applique sans attendre, s’agissant de la procédure administrative de contrôle des changements de destination et sous destination, ceci indépendamment de la révision des PLU et des anciennes règles de fond qui peuvent encore s’y trouver.
CE, 7 juillet 2022, n°454789
L’ensemble des informations accessibles via ce site sont fournies en l’état et ne peuvent se substituer au conseil personnalisé de votre notaire. Le Groupe Monassier ne donne aucune garantie, explicite ou implicite, et n’assume aucune responsabilité relative à l’utilisation de ces informations.