Dans un arrêt du 27 avril 2023, le Conseil d’Etat précise les conséquences du changement de régime matrimonial sur l’imposition des plus-values en report.
Un contribuable échange des titres contre des actions et réalise une plus-value qu’il place sous le régime du report d’imposition prévu par l’article 92 B II du CGI, alors en vigueur. Aux termes d’un changement de régime matrimonial, il adopte ensuite le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté au conjoint survivant. Après le décès de son mari, l’épouse survivante cède les actions. La veuve conteste l’imposition de la plus-value, soutenant que la plus-value en report avait été définitivement purgée par le décès.
Selon le Conseil d’Etat : « Aux termes de l’article 92 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : « (…) II. 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l’impôt sur les sociétés, l’imposition de la plus-value réalisée en cas d’échange de titres résultant d’une opération d’offre publique (…) peut être reportée au moment où s’opérera la cession, le rachat, le remboursement ou l’annulation des titres reçus lors de l’échange. / (…) ». Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que les cessions mentionnées au II de cet article 92 B qui mettent fin au report d’imposition sont les cessions à titre onéreux et que lorsque le contribuable procède à une cession à titre gratuit des titres dont la plus-value a bénéficié du report d’imposition, cette dernière est définitivement exonérée d’imposition. Il s’ensuit qu’en jugeant qu’en cas de transmission à titre gratuit de titres dont la plus-value a été placée en report d’imposition, l’imposition est due par leur nouveau détenteur, la cour administrative d’appel de Nantes a commis une erreur de droit. »
Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat rappelle que, en application des articles 1525 et suivants du Code civil, la clause d’attribution intégrale de la communauté étant qualifiée d’avantage matrimonial et non de donation, elle ne saurait s’analyser en une cession à titre gratuit pour l’application de l’article 92 B II du CGI.
Et d’en conclure : « ni l’adoption par les époux B… du régime de la communauté universelle le 30 juin 2000, ni la mise en œuvre, à la suite du décès de M. B… le 28 avril 2011, de la clause d’attribution intégrale au conjoint survivant figurant dans le contrat de mariage des époux n’ont entraîné de cession, que ce soit à titre gratuit ou onéreux, au profit de Mme B…, des valeurs mobilières détenues antérieurement par son époux à la suite du décès de son père. Il s’ensuit que, à la vente des actions …à laquelle elle a procédé en 2013, Mme B… était devenue, du fait des avantages matrimoniaux dont elle avait bénéficié, la redevable de l’imposition de la plus-value résultant de l’opération d’échange de titres réalisée par son mari en octobre 1999 et que cette cession à titre onéreux a mis fin au report d’imposition de cette plus-value sous le régime duquel elle avait été placée. »
CE, 27 mars 2023, n° 456550