La procédure d’abus de droit fiscal peut être employée pour refuser à un contribuable le bénéfice d’un avantage prévu par une convention fiscale bilatérale.
Un contribuable, alors résident fiscal français, s’est porté acquéreur d’un ensemble immobilier situé en Haute-Savoie, le 30 décembre 2003. Il s’est substitué une société luxembourgeoise, constituée entre temps, dont il était l’associé majoritaire, pour la réalisation de l’acquisition immobilière en octobre 2004. Un an plus tard, la société luxembourgeoise a procédé à la revente de cet ensemble immobilier à une société créée en France, exerçant l’activité de marchand de biens et ayant pour gérante et unique associée l’ancienne épouse de l’acquéreur initial.
La plus-value immobilière réalisée à l’occasion de cette cession a bénéficié d’une imposition exclusive au Luxembourg, en application de la convention fiscale du 1er avril 1958 dans sa rédaction alors en vigueur.
A la suite d’un contrôle, l’administration fiscale française estime que, par la substitution artificielle de la société luxembourgeoise, l’intéressé n’aurait eu d’autre but que de faire échapper la plus-value à toute imposition en France et, particulièrement aux dispositions de l’article 244 bis A du CGI.
En conséquence, sur le fondement de l’article L. 64 du Livre de procédures fiscales (LPF), l’administration fiscale a écarté l’interposition de la société luxembourgeoise comme ne lui étant pas opposable et a assujetti l’opération au prélèvement de l’article 244 bis A.
Les ayants droit à la succession de leur défunt père ont demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de ce rappel de prélèvement ou, à titre subsidiaire, la réduction au taux de celui-ci de 33,33 % à 16 %, par application des stipulations de l’article 15 de la convention fiscale franco-suisse de 1966. Le tribunal administratif fait droit aux seules conclusions subsidiaires, position confirmée par la cour administrative d’appel de Versailles.
Le Conseil d’Etat est finalement saisi de ce litige. Il rappelle, les dispositions de l’article L. 64 du LPF desquelles il résulte que lorsque l’administration use de la faculté qu’elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu’elle établit que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis pas leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé aurait dû normalement supporter. Il en va ainsi lorsque la norme dont le contribuable recherche le bénéfice procède d’une convention fiscale bilatérale ayant pour objet la répartition du pouvoir d’imposer en vue d’éliminer les doubles impositions et que cette convention ne prévoit pas explicitement l’hypothèse de la fraude à la loi.
En conséquence, le Conseil d’Etat valide la position de la CAA, laquelle a pu juger que l’opération litigieuse était constitutive d’un abus de droit, rejetant le pourvoi formé par les ayants droit du défunt.
Cette décision est à rapprocher des avis rendus par le Comité de l’abus de droit fiscal sur ce montage (notamment l’avis du Comité de l’abus de droit fiscal du 19 janvier 2017, aff. n° 2016-53).
CE plén., 25 oct. 2017, n° 396954