L’étalement de l’augmentation du loyer déplafonné s’opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l’année précédente.
Le loyer du bail renouvelé est en principe fixé à la valeur locative (C. com., art. L. 145-33).
Par exception, les baux conclus pour une durée de 9 ans sont soumis à la règle du plafonnement énoncée à l’article L. 145-34 du Code de commerce, laquelle prévoit la fixation du loyer renouvelé en fonction de la stricte évolution de l’indice choisi par les parties au cours du bail.
Cette règle du plafonnement n’est toutefois pas applicable aux baux de terrains nus, de locaux monovalents ou à usage exclusif de bureaux (C. com., L. 145-36 et R. 145-9 et s.), ou lorsque les parties y dérogent, ou lorsque la valeur locative est inférieure au montant du loyer, ou lorsque le renouvellement intervient au moins 3 années après l’expiration du bail initial (soit une période de 12 ans), ou encore en cas de modification notable des éléments déterminant la valeur locative du local donné à bail mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du Code de commerce.
Lorsque la règle du plafonnement est écartée, le loyer renouvelé est alors fixé à la valeur locative.
Les augmentations de loyer résultant de ce déplafonnement ont cependant été limitées par la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite loi « Pinel ».
Le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce dispose ainsi qu’ « en cas de modification notable des éléments déterminant la valeur locative du local donné à bail mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du Code de commerce, ou lorsqu’il est fait exception aux règles du plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne pourra pas conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».
C’est au sujet de ces dernières dispositions que la Cour de cassation a été saisie pour avis par le TGI de Dieppe.
Les juges du fond souhaitaient en effet savoir si les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce :
- donnent uniquement compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail, les parties s’accordant ensuite librement pour définir les modalités d’application du taux d’augmentation d’une année sur l’autre, laquelle peut ne pas être de 10 % chaque année (l’article L. 145-34 du Code de commerce évoquant un plafond de 10 % mais n’interdisant pas des augmentations comprises entre 0,1 et 10 %) ? ;
- donnent uniquement compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail, les augmentations ultérieures s’effectuant automatiquement par paliers de 10 % jusqu’à épuisement du loyer plafonné sans discussion entre les parties ? ;
- ou donnent uniquement compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné non seulement à la date du renouvellement du bail, mais également dans le cadre d’un échéancier pour chacune des neuf années suivant ce renouvellement du bail en faisant application d’un taux annuel de progression de 10 % automatiquement ou de moins de 10 % le cas échéant ?
Pour la Haute juridiction, le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce n’instaure, dans les cas qu’il détermine, qu’un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.
Ce dispositif étant distinct de la fixation du loyer, il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d’établir l’échéancier de l’augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir.
L’étalement prévu par le texte s’opère annuellement par l’application d’un taux qui doit être égal à 10 % du loyer de l’année précédente, sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux.
L’étalement n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l’appliquer.
En conséquence, la Cour de cassation est d’avis que l’étalement de l’augmentation du loyer déplafonné prévu par le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce s’opère chaque année par une majoration non modulable de 10 % du loyer de l’année précédente.
Il n’entre pas, selon la Cour de cassation, dans l’office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d’arrêter l’échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s’applique l’étalement de la hausse de loyer instauré par ce texte.
Cass. 3e civ., 9 mars 2018, n° 17-70040, avis n°15004