La loi ESSOC du 10 août 2018 comporte notamment de nouvelles possibilités de recours à un rescrit et l’élargissement par ordonnance du champ d’application du permis de faire.
La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance, dite « loi ESSOC », a été publiée au Journal Officiel du 11 août dernier.
Structurée autour de deux piliers – faire confiance et faire simple -, cette loi entend enclencher une dynamique de transformation de l’action publique en renforçant le cadre d’une relation de confiance entre le public et l’administration.
Si l’une des mesures phares de cette loi est l’institution du principe de droit à l’erreur, plusieurs dispositions intéressent directement l’immobilier.
Transparence des marchés fonciers et immobiliers
L’administration devra rendre librement accessible au public, par voie électronique, les éléments d’information qu’elle détient sur les valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations intervenues au cours des 5 dernières années (LPF, art. L. 112 A, créé par L. 10 août 2018, art. 13). L’article L. 135 B du livre des procédures fiscales, en ce qu’il réservait l’accès à ces informations à certaines administrations, autorités administratives, collectivités, services et organismes publics, est ainsi modifié.
Un décret en Conseil d’Etat précisera les modalités d’application de cette mesure.
Extension de la procédure de rescrit
Le rescrit consiste en une prise de position formelle de l’administration sur l’application d’une norme à une situation de fait décrite loyalement. Cette réponse lui est opposable. Par ce biais, les administrés (entreprises, particuliers) ont la possibilité de solliciter l’administration qui doit alors prendre position sur leur situation.
Cette procédure de rescrit est étendue à plusieurs taxes, redevances et participations d’urbanisme.
Taxe d’aménagement
Pour chaque projet supérieur à 50 000 m² de surface taxable, lorsqu’un redevable de bonne foi, avant le dépôt de la demande d’autorisation mentionnée à l’article L. 331-6 du Code de l’urbanisme et à partir d’une présentation écrite, précise et complète de la situation de fait, a demandé à l’administration de l’Etat chargée de l’urbanisme dans le département de prendre formellement position sur l’application à sa situation de la taxe d’aménagement, l’administration doit répondre de manière motivée dans un délai de trois mois.
Cette réponse est opposable par le demandeur à l’administration qui l’a émise jusqu’à ce que survienne un changement de fait ou de droit qui en affecte la validité ou jusqu’à ce que l’administration notifie au demandeur une modification de son appréciation.
Le redevable ne peut présenter qu’une seule demande pour son projet.
Autres taxes
Cette procédure de rescrit est également applicable, dans les mêmes conditions, à la taxe sur les constructions de bureaux, commerce et entrepôts en Ile-de-France et à la redevance d’archéologie préventive.
Une procédure de rescrit est également instituée s’agissant du versement pour sous-densité ainsi que des redevances des agences de l’eau.
Entrée en vigueur
Un décret en Conseil d’Etat précisera les modalités d’application de ces différentes procédures de rescrit, notamment le contenu, les modalités de dépôt et d’avis de réception des demandes ainsi que les conditions et délais dans lesquels il y est répondu.
Création à titre expérimental d’un rescrit juridictionnel
Cette nouvelle procédure permettra aux bénéficiaires et aux auteurs de décisions administratives non réglementaires prises en matière d’expropriation, d’urbanisme ou d’insalubrité, de saisir le tribunal administratif pour qu’il en apprécie la légalité externe en vue d’éviter tout risque de contestation tardive (compétence de l’auteur de l’acte, forme de l’acte et respect des différentes formalités prévues pour son édiction). Un décret en Conseil d’État fixera les modalités d’application de cette mesure expérimentale. L’expérimentation durera 3 ans à compter de la publication de ce décret et sera menée dans le ressort des 4 tribunaux administratifs qu’il désignera.
A titre d’exemple, il a été précisé dans l’étude d’impact de la loi que le concessionnaire d’une convention d’aménagement de ZAC pourrait ainsi demander au juge administratif de se prononcer sur la régularité de la décision autorisant la création de cette zone (création qui résulte, selon les cas, d’une délibération du conseil municipal, d’un ECPI ou d’un arrêté préfectoral).
Procédure
La demande en appréciation de régularité des décisions administratives non réglementaires est formée dans un délai de trois mois à compter de la notification ou de la publication de la décision en cause. Elle est rendue publique dans des conditions permettant à toute personne ayant intérêt à agir contre cette décision d’intervenir à la procédure.
La demande est présentée, instruite et jugée dans les formes prévues par le Code de justice administrative, sous réserve des adaptations réglementaires nécessaires. Elle suspend l’examen des recours dirigés contre la décision en cause et dans lesquels sont soulevés des moyens de légalité externe. Le tribunal se prononce sur tous les moyens de légalité externe qui lui sont soumis ainsi que sur tout motif d’illégalité externe qu’il estime devoir relever d’office, y compris s’il n’est pas d’ordre public. La décision du tribunal n’est pas susceptible d’appel mais peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.
Effets
Lorsque le juge se prononce, il constate :
- soit, la régularité de la décision administrative. Dans cette hypothèse, aucun moyen d’illégalité externe ne peut plus être invoqué par voie d’action ou par voie d’exception à l’encontre de cette décision ;
- soit, au contraire, il constate son irrégularité. Dans cette situation, le juge ne prononce pas l’annulation de la décision. Toutefois, l’administration peut procéder au retrait ou à l’abrogation de la décision jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après notification de la décision de constat d’irrégularité.
Élargissement du champ d’application du « permis de faire »
Instaurer une société de confiance, c’est laisser le choix aux maîtres d’ouvrage de déterminer eux-mêmes les techniques les plus appropriées à leurs projets pour remplir leurs obligations en matière de normes de construction.
Créé en juillet 2016, le « permis de faire » offre à l’État, aux collectivités territoriales, à leurs groupements, aux organismes d’HLM et à certaines SEM et SPL, la possibilité de déroger aux normes de construction, à titre expérimental pendant 7 ans, pour la réalisation d’équipements publics et de logements sociaux. Ces dérogations, dont les modalités d’application ont été partiellement précisées par un décret du 10 mai 2017, sont autorisées sous réserve que soient atteints des résultats similaires aux objectifs sous-jacents aux règles auxquelles il est dérogé (L. n° 2016-925, 7 juill. 2016, art. 88, I).
Afin de ne plus le limiter aux seuls secteurs du logement social et des équipements publics, il a été décidé par le législateur que l’élargissement du champ d’application du « permis de faire » devrait s’effectuer par voie d’ordonnances, en deux étapes : une autorisation à déroger, puis un droit permanent à choisir les moyens de respecter ses obligations réglementaires.
Une première ordonnance, prise dans les 3 mois de la publication de la loi promulguée le 10 août 2018, devrait ainsi instaurer une procédure d’autorisation à déroger aux règles de construction.
Elle imposera toutefois aux maîtres d’ouvrage d’apporter la preuve qu’ils parviennent, par les moyens innovants qu’ils mettront en œuvre, à des résultats équivalents à ceux prévus par les normes réglementaires.
Une seconde ordonnance, plus ambitieuse, qui devrait voir le jour dans les 18 mois suivant la publication de la loi, prendrait le relais de la précédente et créerait, quant à elle, un véritable droit, pour les maîtres d’ouvrage, de choisir les moyens pour s’acquitter de leurs obligations, soit en appliquant les normes de référence définies à l’avance par le pouvoir réglementaire (ce qui vaudrait alors présomption d’atteinte des résultats fixés par la loi), soit en démontrant, selon un mode de preuve prédéterminé, qu’ils ont réussi à atteindre des résultats équivalents en utilisant des techniques innovantes.
Loi n° 2018-727, 10 août 2018, JO 11 août 2018