La réponse Ciot ne permet pas de présumer qu’un contrat co-souscrit par des époux communs en biens dont le dénouement normal est le décès du second conjoint ne peut constituer une donation indirecte.
Selon la réponse ministérielle « Lazaro » (Rép. min. n° 5703, JOAN 20 déc. 1993, p. 4608), non reprise au Bofip, « l’administration fiscale est fondée à apporter la preuve qu’un contrat d’assurance recouvre, dans certaines situations, une donation indirecte qui doit être assujettie aux droits de mutation à titre gratuit. Tel peut être le cas lorsqu’un contrat est souscrit (…) en adhésion conjointe avec un ou plusieurs autres souscripteurs dans la mesure où ceux-ci bénéficient directement ou indirectement des sommes investies ».
C’est une des raisons pour laquelle les assureurs se montrent très réticents à proposer une co-adhésion avec dénouement au second décès, sauf à exiger des co-souscripteurs qu’ils soient mariés sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale de la communauté ou tout autre avantage matrimonial permettant à l’époux survivant de conserver le contrat, tel un préciput.
Une telle position des compagnies d’assurance est cependant contestable. Ce que la doctrine la plus autorisée n’a pas manqué de souligner.
Pour lever les réticences des compagnies, il était donc demandé au Ministre de l’Economie et des Finances de confirmer que la qualification de donation indirecte ne peut être retenue en présence d’une co-adhésion à un contrat d’assurance-vie par deux époux commun en biens, prévoyant que le contrat qui se dénouera au second décès, demeure la propriété de l’époux survivant au premier décès, dans la mesure où la valeur de rachat de ce contrat est un acquêt de communauté devant être civilement intégré au partage de la communauté et que les assurés peuvent également se prévaloir de la réponse ministérielle « Ciot » (Rép. min. n° 78192, JOAN 23 fév. 2016, p. 1648. Sur cette réponse, lire l’article : contrat d’assurance-vie souscrit par un époux commun en biens et succession : changement de fiscalité).
La réponse du Ministre de l’Economie et des Finances est cependant loin de combler les attentes des professionnels.
Ce dernier rappelle en effet que la réponse « Ciot » ne porte que sur la détermination de l’actif successoral pour l’établissement des droits dus par les héritiers de l’époux prédécédé, et qu’elle est donc sans incidence sur la qualification éventuelle de donation indirecte, taxable aux droits de mutation à titre gratuit au nom du donataire, de la transmission réalisée via le contrat d’assurance vie au bénéfice de l’autre conjoint.
Pour le ministre, cette réponse ne saurait donc permettre de présumer qu’un contrat co-souscrit par des époux communs en biens dont le dénouement normal est le décès du second conjoint ne peut constituer une donation indirecte.
En effet, le ministre rappelle que, de manière générale, la souscription d’un contrat d’assurance-vie est susceptible de constituer une donation indirecte en l’absence d’éléments contredisant l’intention libérale du souscripteur. Or, compte tenu notamment du large éventail de possibilités offertes par les contrats d’assurance-vie, rien n’exclut a priori l’intention libérale de l’un des époux co-souscripteurs. L’absence de qualification de donation indirecte ne pouvant être présumée, la régularité d’une telle opération doit être appréciée au cas par cas au vu des circonstances de fait de l’espèce.
Rép. min. n° 00256, Malhuret, JO Sénat 10 janv. 2019