L’obligation d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire est suspendue momentanément par un arrêt du Conseil d’Etat.
La loi Grenelle du 12 juillet 2010 a instauré une obligation de rénovation énergétique des bâtiments existants à usage tertiaire (CCH, art. L.111-10-3), obligation aménagée par la loi du 17 août 2015 relative à la croissance énergétique pour la croissance verte (art. 17).
Le décret permettant la mise en œuvre de cette obligation est paru le 10 mai dernier (D. n°2017-918, 9 mai 2017, JO 10 mai 2017). Sans disposition transitoire particulière, il était entré en vigueur le 11 mai 2017, un arrêté devant néanmoins encore préciser certains points nécessaires à sa complète mise en œuvre.
Toutefois, ce décret a été suspendu aux termes de deux décisions du Conseil d’Etat en date du 28 juin et du 11 juillet 2017 (CE, 28 juin 2017, n°411578 ; CE, 11 juill. 2017, n°411578).
Retour sur le contenu du décret et les causes de sa suspension.
Aux termes du décret, il était prévu que des travaux de rénovation énergétique permettant une diminution de 25% de la consommation d’énergie des bâtiments devaient être réalisés dans les bâtiments existants à usage tertiaire ou dans lesquels s’exerce un service public d’ici le 1er janvier 2020.
Etaient concernés les bâtiments ou parties de bâtiments existants appartenant à un propriétaire unique, à usage de bureaux, d’hôtels, de commerces, d’enseignement et les bâtiments administratifs, regroupant des locaux d’une surface supérieure ou égale à 2000 m² de surface utile, à l’exception des catégories suivantes de bâtiments :
- les constructions provisoires prévues pour une durée d’utilisation égale ou inférieure à deux ans ;
- les monuments historiques classés ou inscrits à l’inventaire en application du code du patrimoine, pour ce qui concerne les travaux qui auraient pour effet de dénaturer leur caractère ou leur apparence de manière significative et ainsi attestées par l’architecte des bâtiments de France (CCH, art. R.131-40).
Le texte précisait que l’annexe environnementale annexée aux baux conclus ou renouvelés portant sur des locaux de plus de 2000 m² à usage de bureaux ou de commerces (C. envir., art. L.125-9) devait prendre en compte l’étude énergétique et le plan d’action mis en place par le propriétaire occupant ou le bailleur et le preneur concomitamment.
Le texte du décret prévoyait en outre une obligation, pour les propriétaires occupants ou, en cas de locaux pris à bail, les bailleurs et preneurs concomitamment, de transmettre différents documents à un organisme désigné par le ministre en charge de la construction :
- avant le 1er juillet 2017 : les rapports d’études énergétiques conformes aux dispositions de l’article R. 131-42, et le plan d’actions visés au I de l’article R. 131-44 et, le cas échéant, le nouveau plan d’action et le nouvel objectif de consommation énergétique, déterminés conformément à l’article R. 131-45 ;
- avant le 1er juillet de chaque année civile à compter de l’année 2018, et une fois par an : les consommations énergétiques de l’année civile précédente par type d’énergie exprimées en kWh et en kWh/ m2 ;
- avant le 1er juillet 2020 : un bilan complet sur les travaux menés et les économies d’énergie réalisées.
Les propriétaires occupants ou, dans le cas des locaux pris à bail, les bailleurs et les preneurs, avaient l’obligation de conserver ces éléments pendant une durée minimale de dix années (CCH, art. R.131-46).
Le texte précisait que ces mêmes documents et informations (visés à l’article R.131-46) devaient être fournis par l’ancien propriétaire ou l’ancien preneur au propriétaire, en cas de changement de propriétaire ou de preneur, au plus tard lors de la cession du bâtiment ou à l’échéance du bail, ces documents étant rassemblés dans un dossier annexé au contrat de vente ou de bail. Enfin, « si le changement de propriétaire ou de locataire occasionne une modification de l’usage du bâtiment ou l’installation d’équipements énergétiques nouveaux, l’étude énergétique et le plan d’actions doivent être modifiés ou complétés pour s’adapter à la nouvelle situation » (CCH, art. R.131-49).
On note qu’aucune sanction n’était expressément prévue en cas de non-respect de ces obligations.
L’exécution de ce décret n°2017-918 du 9 mai 2017 a toutefois été suspendue par décision du Conseil d’Etat, saisi en référé par le Conseil du commerce de France, l’association technique du commerce et de la distribution (Periferm) et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih). Ces associations contestaient notamment certaines obligations imposées par ce texte, à savoir :
- l’obligation, pour les propriétaires occupants ou, en cas de locaux pris à bail, les bailleurs et preneurs concomitamment, de transmettre à un organisme désigné par le ministre chargé de la construction, avant le 1er juillet 2017, les rapports d’études énergétiques et le plan d’actions visés au I de l’article R. 131-44 du CCH et, le cas échéant, le nouveau plan d’action et le nouvel objectif de consommation énergétique, déterminés conformément à l’article R. 131-45 du CCH,
- l’obligation de réaliser des travaux permettant une diminution de 25% de la consommation d’énergie des bâtiments, d’ici au 1er janvier 2020.
Les requérants jugeaient en effet, concernant l’obligation de transmettre des études et plans d’actions à l’organisme désigné par le ministère, que le délai entre la date d’entrée en vigueur du décret (11 mai 2017) et le 1er juillet 2017 était trop court.
Aux termes d’une ordonnance du 28 juin 2017, le Conseil d’Etat leur a donné raison et a suspendu partiellement l’exécution du décret, sur ce point (« en tant qu’il comporte, à l’article R.131-46 du CCH nouvellement créé, les mots « avant le 1er juillet 2017 »).
Aux termes d’une seconde audience, du 11 juillet 2017, le Conseil d’Etat a statué sur les autres conclusions présentées par les associations requérantes. Il a ainsi jugé qu’il existait un doute sérieux sur la légalité du décret en ce qu’il méconnaîtrait les dispositions de l’article L. 111-10-3 du CCH, en imposant aux personnes concernées de satisfaire dès le 1er janvier 2020 à une obligation de diminution de 25 % de la consommation d’énergie dès lors que la loi impose un délai de cinq ans entre la publication de son décret d’application et la période au cours de laquelle l’obligation doit être respectée, qu’il porterait également atteinte au principe de sécurité juridique en laissant un délai excessivement contraint pour atteindre un tel objectif et, enfin, qu’il ne pourrait légalement, au regard des termes de l’article L. 111-10-3, n’inclure dans son champ que certaines catégories de bâtiments relevant du secteur tertiaire et s’abstenir de moduler les obligations mises à la charge des propriétaires ou des bailleurs en fonction de la destination des bâtiments. Enfin, la Haute juridiction a estimé là encore que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension devait être regardée comme remplie.
Par conséquent, le Conseil d’Etat a suspendu totalement l’exécution du décret du 9 mai 2017 relatif aux obligations d’amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants à usage tertiaire. Le texte ne disparait pas pour autant de l’ordonnancement juridique ; son exécution est simplement suspendue jusqu’à ce que le Conseil d’Etat rende une décision au fond prononçant soit son annulation, soit le rejet de la demande des requérants.
Décret n° 2017-918, 9 mai 2017, JO 10 mai 2017
CE, 28 juin 2017, n° 411578
CE, 11 juill. 2017, n° 411578