La loi confortant le respect des principes de la République introduit un droit de prélèvement lorsque la loi étrangère qui régit la succession ne connaît pas de mécanisme réservataire.
Il peut arriver que l’application du droit international privé français désigne une loi étrangère pour s’appliquer à une succession. La question s’est longtemps posée de savoir si cette loi étrangère devait être écartée lorsqu’elle ignore la réserve héréditaire. On croyait le débat clos à la suite de deux arrêts majeurs de la Cour de cassation rendus le 27 septembre 2017, qui affirmaient qu’une « loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels ». Qu’on l’approuve ou la critique, l’affaire semblée réglée.
C’était sans compter sur l’introduction, dans la loi du 24 août 2021 « confortant le respect des principes de la République », d’un nouvel alinéa à l’article 913 du Code civil, prévoyant que « lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci. »
Autrement dit, bien qu’une loi étrangère régisse la succession, si elle ne connaît pas de mécanisme réservataire, les enfants qui seraient réservataires au sens du droit français, pourtant inapplicable, pourront prélever les biens successoraux situés en France à concurrence du montant de leur réserve déterminée selon la loi française.
Ce nouveau dispositif fait grand bruit parmi les spécialistes du sujet : non seulement parce qu’il revient sur les deux arrêts de la Cour de cassation évoqués, mais surtout parce qu’il n’est aucunement garanti qu’une telle disposition soit conforme à la Constitution (un ancien mécanisme de prélèvement similaire a déjà été déclaré inconstitutionnel) et au droit européen (notamment au Règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 qui prime sur la loi française, et vise à désigner la loi applicable à une succession). En pratique, la mise en œuvre d’un tel prélèvement risque également de s’avérer périlleuse et incertaine.
Voir également notre article détaillé sur le sujet : Le respect des principes de la République … et la réserve héréditaire