Nouvel épisode dans la série relative à l’application de la TVA sur marge aux opérations de revente de terrains à bâtir détachés d’une propriété bâtie plus vaste, par les acheteurs-revendeurs ou les lotisseurs.
Rappel des épisodes précédents :
1°/ Au terme de quatre réponses ministérielles successives (RM de La Raudière n° 94061, JOAN 30 août 2016, p.7769 ; RM Carré n° 91143, JOAN 30 août 2016 ; RM Bussereau n° 96679, JOAN 20 septembre 2016, p.8522 ; RM Savary n° 94538, JOAN 20 septembre 2016, p.8514), l’administration fiscale durcissait sa position et précisait que l’application de la TVA sur marge suppose une identité physique et juridique entre les biens acquis et les biens revendus. Par cette position restrictive, l’administration tendait donc à exclure du régime de la TVA sur la marge toutes les opérations d’aménagement qui induisent nécessairement un changement de superficies entre l’achat et la revente. Ce n’est que « lorsque la division parcellaire est antérieure à l’acte d’acquisition initial ou qu’un document d’arpentage a été établi pour les besoins de la cession, permettant d’identifier les différentes parcelles dans l’acte, [que] la taxation sur la marge s’applique dès lors qu’aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles cédées n’est intervenu avant la revente ».
Cette position de l’administration a été très largement contestée par les professionnels.
2°/ Cette position a en outre été condamnée par les juges du Tribunal administratif de Grenoble. Dans une décision en date du 14 novembre 2016, ces derniers ont notamment estimé que l’administration fiscale ne saurait exiger l’existence d’une division parcellaire et d’une ventilation du prix d’achat au stade de l’acquisition initiale pour refuser l’application de la TVA sur la marge. Cette décision de première instance n’a pas fait l’objet d’un appel.
3°/ Dans une réponse ministérielle de septembre 2017 (RM Guidicceli n° 00904, JO Sénat 7 sept. 2017, p.2809), l’administration a pourtant réitéré sa position fixée dans les réponses de 2016. Interrogé par une sénatrice quant au rétablissement du principe d’application de la TVA sur marge selon les principes antérieurs, le ministre avait en effet rappelé les exigences posées antérieurement (condition d’identité de qualification juridique et d’identité physique entre le bien acquis et le bien revendu) et indiqué qu’il n’était pas prévu de réexaminer le régime de TVA applicable aux opérations immobilières.
Pourtant, l’administration semble aujourd’hui infléchir sa position. Le sénateur de la Sarthe Jean-Pierre Vogel (LR) a en effet demandé au Gouvernement de préciser la nouvelle doctrine de l’administration fiscale suite à la décision du TA de Grenoble du 14 novembre 2016. Or, la réponse du ministre de l’économie et des finances est légèrement différente des réponses antérieures, et revient pour partie sur la position tenue jusqu’à présent depuis 2016 (RM Vogel n° 04171, JO Sénat 17 mai 2018, p.2361).
Le ministre rappelle dans un premier temps que « l’article 268 du CGI prévoit que la cession d’un terrain à bâtir est soumise à la TVA sur la marge lorsque l’acquisition initiale du terrain n’a pas ouvert de droit à déduction et ajoute que la base d’imposition est constituée par la différence entre, d’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y rapportent et, d’autre part, les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain ». Comme dans les réponses antérieures, il souligne que « La mise en œuvre de ce régime dérogatoire au principe selon lequel la TVA est calculée sur le prix total suppose ainsi nécessairement que le bien revendu ait une qualification juridique identique au bien acquis. Appliquer le régime de la marge dans d’autres cas aboutirait à le permettre dans le cadre d’opérations autres que des opérations d’achat-revente. Ainsi, dans le cas d’un lot revendu comme terrain à bâtir ayant été acquis comme terrain d’assiette d’un immeuble bâti et, comme tel, assimilé à ce dernier, l’identité entre le bien acquis et le bien revendu n’est pas vérifiée : la revente doit être soumise à la TVA sur le prix de vente total ». Le ministre poursuit en justifiant sa position : « Cette condition tenant à l’identité de qualification juridique existait depuis les commentaires d’origine de l’article 16 de la loi n°2010-237 du 9 mars 2010 ayant modifié les règles applicables à certaines opérations portant sur les immeubles, dont l’article 268 du CGI, avant d’être reprise en 2012 au bulletin officiel des finances publiques-impôts, référencé BOI-TVA-IMM-10-20-10 ».
En revanche, le ministre infléchit la position de l’administration quant à l’exigence d’une identité physique entre le bien acquis et le bien revendu : « Des réponses ministérielles publiées aux mois d’août et septembre 2016 précisaient que la mise en œuvre de la taxation sur la marge impliquait que le bien revendu soit identique au bien acquis quant à ses caractéristiques physiques. Compte tenu des difficultés d’application suscitées par la publication de ces commentaires sur l’identité physique et afin de rétablir la sécurité juridique des opérations d’aménagement foncier, il est admis, y compris pour les opérations en cours, dans le cas de l’acquisition d’un terrain ou d’un immeuble répondant aux conditions de l’article 268 du CGI qui n’a pas ouvert droit à déduction par un lotisseur ou un aménageur qui procède ensuite à sa division en vue de la revente en plusieurs lots, que ces ventes puissent bénéficier du régime de la marge dès lors que seule la condition d’identité juridique est respectée. »
Ainsi, l’administration fiscale ne requiert plus désormais, pour l’application de la TVA sur la marge, l’exigence d’une identité physique entre le bien acquis et revendu, dès lors que la condition d’identité juridique entre le bien acquis et le bien revendu est respectée.
Ceci étant, en cas d’acquisition d’une propriété bâtie entourée d’un vaste terrain destiné à être divisé en plusieurs lots de terrain à bâtir, une division parcellaire détachant la partie bâtie de la partie non bâtie demeure toujours, à la lecture de cette dernière réponse ministérielle, nécessaire afin que la qualification juridique de terrain à bâtir des futurs lots de lotissement soit existante dès l’acquisition.
On semble ainsi revenir à la position antérieure aux réponses ministérielles de 2016. Pourtant cette position était déjà critiquée, en ce sens que l’article 268 du CGI n’exige pas, littéralement, d’identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien revendu pour l’application de la TVA sur marge. Cette dernière position de l’administration, bien qu’assouplie par rapport à 2016, est donc toujours contestable puisqu’elle continue d’ajouter à la loi une condition à l’application de la TVA sur marge.
Aux termes d’une réponse ministérielle, le ministre a infléchi la position de l’administration quant à l’exigence d’une identité physique entre le bien acquis et le bien revendu.
Rép. min. n° 4171, JO Sénat 17 mai 2018