La conclusion d’un pacte Dutreil permet de bénéficier d’une exonération de droits de succession ou de donation à hauteur de 75 % de la valeur des titres d’une société ou d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale. En cas de transmission des titres d’une société, ceux-ci doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans portant sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote (seuils réduits à 10 et 20 % pour les sociétés cotées), engagement suivi d’un engagement individuel de conservation pris par chacun des donataires, héritiers ou légataires de conserver les titres transmis durant quatre ans. Ces engagements ont été prévus afin d’encourager la pérennité du tissu économique français.
Lois de simplification
Pour séduisants qu’ils puissent être, les pactes Dutreil ont vite fait d’être un casse-tête. Pour s’en convaincre il faut avoir à l’esprit que depuis la loi de finances pour 2000, le dispositif a été réformé quatorze fois au point de devenir un monument de droit bureaucratique. La dernière réforme en date – en l’occurrence celle opérée par la loi de finances pour 2019 – était censée, comme les précédentes, simplifier les pactes Dutreil. En réalité, comme bien souvent en matière fiscale, les lois de simplification ne font que complexifier davantage le code général des impôts.
L’imprécision des textes conduit les services fiscaux à commenter abondamment les articles 787 B et 787 C de ce code qui régissent les pactes Dutreil. Quatre sous-sections du Bulletin officiel des Finances publiques – impôts y sont consacrées. Lors de leur mise à jour, les services fiscaux ont soumis leurs commentaires à une consultation publique du 6 avril 2021 au 6 juin inclus. Plusieurs de ces commentaires prêtent le flanc à la critique dans la mesure où ils rigidifient les pactes Dutreil en contrariété avec la philosophie qui les anime.
Par exemple, le code général des impôts prévoit que l’un des associés ou l’un des héritiers, donataires ou légataires doit exercer des fonctions de direction durant l’engagement collectif de conservation et pendant les trois années qui suivent la transmission. En violation de la lettre du texte et revenant sur leur précédente position, les services fiscaux estiment désormais que le donateur ne peut plus exercer de fonctions de direction à partir du moment où il a transmis ses titres. Si elle venait à être maintenue, cette interprétation poserait deux difficultés majeures. D’une part, elle compromettrait la pérennité des groupes familiaux dont les titres sont détenus par les descendants de leurs fondateurs et qui n’ont pas vocation à exercer des fonctions de direction à la place du donateur. D’autre part, elle empêcherait les transmissions au profit de donataires non encore aptes à diriger la société à la place du donateur (enfants mineurs et étudiants) et, par conséquent, retarderait la transmission des entreprises.
Engagement de conservation
En outre un dirigeant doit être choisi en fonction de ses capacités à diriger la société et non uniquement en sa qualité de donataire.
De même, l’administration fiscale fait savoir que l’engagement de conservation peut être souscrit par une personne morale interposée entre le donateur ou le défunt et la société dont les titres font l’objet de l’engagement de conservation, et ce tout en imposant que l’auteur de la transmission, associé de la société interposée, soit également partie à cet engagement collectif. Il s’agit là aussi d’une condition supplémentaire que, jusqu’à présent, le fisc n’exigeait pas. En pratique, la difficulté est que cet associé n’est en règle générale pas associé de la société dont les titres font l’objet de cet engagement et, pour cette raison, ne peut pas s’engager à les conserver.
Le diable se cache dans les méandres du code général des impôts, laissant augurer des contentieux si d’aventure l’administration fiscale ne revenait pas à une lecture plus orthodoxe. Ces arguties fiscales doivent inviter le législateur à s’emparer du sujet, non pas pour toiletter une énième fois le dispositif Dutreil, mais pour l’abandonner au profit d’un dispositif plus lisible.
Arlette Darmon,
Notaire à Paris, Monassier & Associés et Présidente du Groupe Monassier
et
Frédéric Douet,
Professeur de Droit fiscal à l’Université de Rouen-Normandie.
Article paru dans Les Echos le 25 mai 2021
Lire l’article sur le site www.lesechos.fr