Peut-on acquérir indifféremment un usufruit ou une nue-propriété de titres d’une société, civile ou commerciale ?
Acquérir un usufruit, c’est acquérir un revenu. L’achat pour une durée déterminée – l’usufruit temporaire – est valorisé par l’article 669 II du CGI : « L‘usufruit constitué pour une durée fixe est estimé à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l’usufruit, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier. » Acquérir 100 % du revenu des parts pendant dix ans, moyennant 23 % de leur valeur réelle, peut constituer un bon complément de revenu. Notamment si l’on acquiert l’usufruit de parts d’une SCI translucide non endettée et qui distribue, lorsqu’on dispose d’un important (et durable) déficit foncier : l’acquéreur ne paiera pas d’impôt sur le revenu foncier tant que subsiste du déficit.
Des précautions à prendre
Attention : si l’usufruit est vendu par une personne physique pleinement propriétaire, qui conserve la nue-propriété, l’usufruit reste attaché à la vie du cédant ; si ce dernier décède avant la fin du démembrement, l’usufruit s’éteint. Perte sèche pour l’acquéreur.
Si le vendeur est une personne morale, société commerciale, on veillera à ce que la cession de l’usufruit ne constitue pas un acte anormal de gestion. Voire un abus de biens sociaux si l’acquéreur est le dirigeant ou assimilé.
Acquérir la nue-propriété de titres de société, c’est acquérir la propriété sans les droits de vote ni les droits aux dividendes. C’est acquérir moyennant un prix plus faible. Si l’on n’a pas besoin du revenu, ce placement permet de se constituer un patrimoine à moindre coût.
L’achat de la nue-propriété de parts de société a aussi pour avantage de faire sortir sa valeur du patrimoine taxable à l’ISF (mais est-ce un argument à long terme ?).
Peut-on transformer des droits démembrés sur un bien quelconque en titres de société démembrés en contrepartie ? Des parents ont fait donation à leurs enfants de la nue-propriété d’un bien immobilier, en indivision. Ils souhaitent mieux gérer à long terme l’actif et en maîtriser la gestion. Les indivisaires nus-propriétaires apportent ensemble leurs droits, avec les parents usufruitiers, à une société civile. L’idée est de maintenir le démembrement sur les titres de la société.
La technique de la subrogation
La solution ? La subrogation réelle conventionnelle : la nue-propriété de droits indivis apportée est rémunérée par la nue-propriété de parts numérotées, individualisées, et l’usufruitier est rémunéré par l’usufruit des parts créées.
Si le démembrement initial porte sur des titres de société (une SAS par exemple), le raisonnement est le même. La technique de la subrogation permet à l’usufruitier des titres de la société commerciale opérationnelle (par ailleurs nommé président de la SAS) de disposer des pouvoirs complets, via l’usufruit détenu sur les titres du holding. Le représentant légal du holding (l’usufruitier) étend ses pouvoirs en tant que président, et représentant du holding actionnaire aux AGO et AGE de la SAS, sa filiale.
Ces techniques doivent impérativement être validées et mises en oeuvre par un professionnel rompu à cet exercice.
Frédéric Roussel
Notaire à Lille, membre du Groupe Monassier
Article paru dans Les Echos le 20 janvier 2017
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