Créer ou reprendre une entreprise est une des dernières grandes aventures humaines. Trop d’entrepreneurs s’engagent encore sans avoir réellement mesuré l’importance, sans avoir compris les enjeux de la transmission pour le cédant, et pour l’entreprise elle-même.
Lors d’une transmission, il convient de distinguer la personnalité de l’entreprise de celle du cédant et de celle du repreneur. Construire une personnalité, c’est rendre l’entreprise autonome par rapport à son dirigeant. Qu’il s’agisse de transmission externe (cession à un tiers, à un cadre, au personnel) ou d’une transmission familiale (cette dernière parfois plus identifiée comme étant de la compétence du notaire), le raisonnement est le même.
Complexité de la transmission familiale
La complexité est d’ailleurs bien plus importante en matière de transmission familiale, parce que l’humain prend alors une dimension complémentaire. La transmission met au jour d’éventuelles dissensions, jalousies, préférences inadéquates en direction d’un enfant… Parfois, au contraire, le dirigeant, « pater familias », ne sait pas voir dans ses enfants celle ou celui qui a les capacités de reprendre, mais qui, pour son malheur, n’est pas la copie conforme du père ou de la mère dirigeant… Or c’est plutôt l’Homo economicus qui devrait prendre le relais, bien entouré de ses conseils, pour choisir la bonne direction, dans l’intérêt majeur de l’entreprise. Vendre ? S’adosser à une autre entreprise en fusionnant ? Transmettre par voie de cession ou de donation (ou combinaison des deux) au profit de l’enfant qui en a l’appétence, les capacités, les moyens ?
Quel que soit le cas de figure, le maître mot demeure l’anticipation. C’est un leitmotiv, chez tous les conseils. C’est ainsi que la moindre des choses consiste notamment à contracter un ou des engagements de conservation de titres (ECCT) de l’art. 787 B du CGI. Car ne pas permettre à sa famille, en cas de décès brutal, de conserver l’entreprise en ne payant des droits de succession que sur le quart de la valeur, c’est une faute.
Faire un ECCT – assurance-décès exceptionnelle -, c’est aussi le moyen de transmettre l’entreprise de son vivant à moindres frais, tout en conservant le pouvoir, si on a pris la peine de loger la société d’exploitation sous un holding, lequel sera donné en nue-propriété.
Un acte de saine gestion
Ainsi, quelle que soit la décision future, en fonction des opportunités, dans un contexte d’instabilité fiscale, transmettre n’est pas l’apanage des sexagénaires ! Conseiller la mise en place des structures juridiques adéquates et d’ECCT dès la création ou la reprise d’entreprise n’est donc pas une aberration. Préparer sa transmission n’est pas incongru. Au contraire : c’est un acte de saine gestion.
Anticiper, c’est aussi disposer des moyens humains permettant à l’entreprise de faire face, en cas d’accident. Chaque entreprise est singulière. C’est pourquoi aucune transmission ne ressemblera à une autre.
Une entreprise préparée à sa propre transmission, c’est une entreprise qui a de la valeur.
Frédéric Roussel
Notaire associé à Lille,membre du Groupe Monassier
Article paru dans Les Echos, le 4 novembre 2016
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