Un ministre en vue annonce qu’il faudrait augmenter les droits de succession, alors que ces droits atteignent parfois 45 % entre parents et enfants. Dans ce contexte la société civile – immobilière ou non – fait figure d’eldorado. Avec le soutien de la Cour de cassation, le démembrement des parts de la société – nue-propriété donnée aux enfants et usufruit conservé par les parents – se révèle très efficace. L’avantage est double. D’une part, le patrimoine constitué reviendra aux enfants sans droits de succession; d’autre part, les réserves distribuées seront déduites de la succession des parents.
L’effet de levier
Le schéma est le suivant : la société est constituée avec un petit capital. Elle emprunte pour acquérir un bien, par exemple un bien immobilier. Immédiatement ensuite, les parents font donation de la nue-propriété des parts aux enfants pour une valeur très faible.
Les échéances sont remboursées au fur et à mesure des encaissements de loyer. Le résultat correspondant est comptablement inscrit en réserve. A la fin de l’emprunt, les enfants sont indirectement propriétaires sans avoir déboursé de droits de succession !
L’administration fiscale a bien essayé de requalifier l’opération en donation indirecte, mais la Cour de cassation a donné raison au contribuable par un arrêt du 10 février 2009. Le schéma est donc à la fois efficace et sûr.
La perception d’un capital déductible
Lorsque la SCI a fini de rembourser ses emprunts, il est tentant pour les parents, et parfois nécessaire, de prélever les disponibilités de la société. Si la société leur distribue le résultat de l’exercice, ils exercent leur droit normal d’usufruitier. En revanche, lorsque la distribution porte sur des résultats antérieurs mis en réserve, on peut soutenir que les parents retirent une partie de la substance de la société revenant légitimement à leurs enfants nus-propriétaires. Par ce truchement, les sommes distribuées pourraient être ensuite déduites de la succession des parents.
La Cour de cassation s’est récemment penchée sur cette situation. Dans l’affaire en cause, le père usufruitier avait bénéficié d’une distribution de plus de 1 million d’euros prélevée sur les réserves. Les enfants nus-propriétaires avaient accepté de laisser la somme en possession de leur père au titre d’un quasi-usufruit. Lors du décès de leur père, ils ont demandé à déduire cette distribution de la succession. L’administration fiscale s’y est opposée en raison du défaut d’enregistrement de la convention. Dans son arrêt du 27 mai 2015, la Cour de cassation considère que les réserves distribuées à l’usufruitier donnent lieu à restitution de plein droit lors de son décès. Elle approuve donc la position des héritiers et valide la déduction des capitaux perçus.
De la sorte, les parents peuvent prélever les réserves de la SCI pour leurs besoins personnels, sans alourdir leur succession future. Cerise sur le gâteau, le 24 mai dernier, la Cour de cassation a également autorisé les parents à déduire les réserves distribuées de leur ISF. Cette décision rendue contre l’administration constitue une première, car jusqu’à présent les capitaux soumis à l’usufruit devaient être déclarés par les parents usufruitiers.
Michaël Dadoit
Notaire à Joué-lès-Tours, membre du Groupe Monassier
Article paru dans Les Echos, le 24 juin 2016
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