Le retrait ou la défaillance de nombreux assureurs agissant en libre prestation de services doit attirer l’attention du notaire, parfois amené à vérifier l’efficacité de leurs garanties. Quelles précautions à prendre ?
Les difficultés inhérentes à la libre prestation de services
La libre prestation de services (LPS) permet à un assureur agréé dans un État membre de TUE ou de l’EEE (i.e. : Islande, Liechtenstein, Norvège) d’offrir ses services sur le territoire d’un autre État membre de TUE ou de l’EEE sans y être établi.
Dans ce système, l’autorité de contrôle de l’État d’origine reste responsable de la supervision de l’assureur. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ne tient alors qu’un simple rôle d’enregistrement puisqu’elle se contente de lister les entreprises agréées pour exercer leur activité en France en LPS. C’est pourquoi, dès l’origine, la doctrine a attiré l’attention des professionnels sur le fait que de tels établissements étrangers ne présentaient pas nécessairement les mêmes garanties de solvabilité que les compagnies françaises.
Autre inconvénient fréquemment soulevé : les difficultés d’exécution à l’étranger des éventuelles décisions condamnant de tels assureurs.
Enfin, en matière d’assurance construction, il faut noter que jusqu’à très récemment, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) ne pouvait pas intervenir en cas de défaillance d’un assureur exerçant en libre prestation de services en France. Ce n’est désormais plus le cas, mais son intervention se limitera à la seule assurance dommages-ouvrage, à l’exclusion donc de la garantie décennale, et uniquement pour les contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er juillet 2018 (Ord. 2017-1609 du 27-11 -2017 relative à la prise en charge des dommages en cas de retrait d’agrément d’une entreprise d’assurance : JO 28 texte n° 24).
Habilitation à opérer en France
Ainsi, face à un assureur en LPS, il faut tout d’abord s’assurer que cet établissement est bien habilité à opérer en France. À cette fin, il y a lieu de consulter les listes mises à disposition par l’ACPR sur son site internet www.acpr.banque-france.fr (rubrique « Passeport européen »).
Assureur en libre prestation de services défaillant
Lorsque cet établissement est défaillant, il est par ailleurs nécessaire de s’informer sur l’incidence des procédures ouvertes à l’égard des contrats existants. En effet, ces derniers peuvent subsister et rester valides, seuls les renouvellements ou la souscription de nouveaux contrats étant alors interdits. Les sites www.fondsdegarantie.fr (rubrique « Défaillance d’une entreprise d’assurance ») et www.abe-infoservice.fr (rubrique « Actualité assurance ») peuvent donner des premiers éléments d’information sur ce point.
Cependant, la prise en charge d’éventuels sinistres et les démarches à accomplir restent pour le moins obscures, l’ACPR se contentant de renvoyer ces questions à l’intermédiaire en assurance ayant proposé le contrat en question.
Surtout, la survivance des contrats existants peut s’avérer illusoire en cas d’évolution négative de la situation de ces assureurs.
Quelle doit être alors l’attitude du notaire en cas de vente d’un bien bénéficiant de garanties souscrites auprès d’un assureur défaillant ?
S’agissant des assurances obligatoires, le notaire, tenu de mentionner leur existence et d’en justifier au moyen d’une attestation, devra, a minima, insérer une clause dans l’acte de vente relative à la situation financière de l’assureur défaillant, et avertir les parties quant à la possible inefficacité des assurances souscrites et des conséquences afférentes à une telle situation (impossibilité d’obtenir le pré financement des travaux en cas de sinistre, responsabilité du vendeur sur son patrimoine avec le risque de son insolvabilité, etc.).
Le notaire devra également s’interroger sur la nécessité de purger un nouveau délai de rétractation ou de réflexion dans la mesure où la défaillance de l’assureur peut constituer une modification substantielle des conditions de la vente.
S’agissant de la garantie d’achèvement dans une Vefa en secteur protégé, exigée à titre de condition de validité, le notaire devra sans doute se garder de régulariser l’acte au motif que cette garantie, présentant un fort risque d’inefficacité, doit être considérée comme inexistante. Ainsi, sauf à pouvoir se prévaloir d’une nouvelle garantie d’achèvement, seules des ventes après achèvement pourraient être envisagées.
À noter qu’en présence d’une VIR, les justifications des assurances de responsabilité et de dommages ainsi que la garantie d’achèvement sont exigées sous peine de nullité. Le notaire devrait donc, là encore, refuser de régulariser l’acte.
Dans tous les cas, il sera opportun de se rapprocher de la Caisse centrale de garantie et de conseiller au vendeur de souscrire de nouvelles assurances et/ou, selon les cas, d’obtenir une nouvelle garantie d’achèvement, le plus tôt possible, qui couvriraient également le passé, même si le coût d’une telle reprise peut s’avérer très élevé.
Hervé Manciet
Directeur du Centre d’Etudes et de Recherche du Groupe Monassier
Article paru dans Solution Notaire – Edition Francis Lefebvre le 29 novembre 2018