Un de nos voisins voit son droit patrimonial évoluer. Centenaire, le droit suisse des successions fait l’objet d’une réforme d’ampleur qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2023.
Cette réforme se veut résolument moderne, en prenant en compte les nouvelles formes d’union, les familles recomposées, en élargissant la liberté testamentaire (notamment par la réduction du taux des réserves héréditaires), ou encore en sécurisant les transmissions d’entreprises au sein du cercle familial.
Nous posons 3 questions à Maître Richard RODRIGUEZ, notaire à Genève (Suisse)
1- Quelles sont les principales innovations apportées par la réforme ?
La tendance sous-jacente de la révision du droit des successions, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2023, est celle d’une plus grande liberté laissée au testateur dans la disposition de ses biens.
Les principales innovations sont ainsi :
- la suppression de la réserve légale des parents (père et mère) ;
- la réduction de la réserve légale des enfants (1/2 vs 3/4) ;
- la perte de la qualité d’héritier réservataire du conjoint dès le dépôt d’une demande en divorce ;
- l’augmentation de la quotité disponible lors de l’octroi d’un usufruit au conjoint (1/2 vs 1/4).
Un peu à contrecourant de cet esprit, mais mettant ainsi fin à une controverse de doctrine, le législateur a acté le principe d’une interdiction des donations après la conclusion d’un pacte successoral, sauf à ce que les parties stipulent le contraire dans leur convention. La liberté contractuelle demeure donc sauve.
Il est tout aussi important de souligner ce que cette réforme ne change pas, soit :
- la réserve du conjoint de ½ ;
- les concubins ne sont toujours pas héritiers légaux ;
- l’incapacité pour les binationaux d’opter pour un droit successoral étranger ;
- les règles sur la transmission d’entreprises par succession.
Enfin, la fiscalité n’est pas affectée par la réforme.
2- Quels conseils faut-il donner aux personnes ayant rédigé un testament avant l’entrée en vigueur de la réforme ?
Il convient pour eux de vérifier que la rédaction de leur testament, notamment en cas de renvoi à la notion de réserve, ne diminue pas, au-delà de ce qui est souhaité, les droits de certains héritiers légaux, en particulier les enfants.
Il faudra également veiller aux problèmes d’interprétation de certaines dispositions visant les héritiers ayant perdu leur qualité de réservataire.
D’une manière générale, on s’assurera que les dispositions de dernières volontés conservent leur pertinence.
Indéniablement, la meilleure solution consiste à revoir son testament avec son notaire et, le cas échéant, en établir un nouveau, en conformité avec la réforme entrée en vigueur.
Le même conseil vaut pour les personnes liées par un pacte successoral.
3- Comment la réforme impacte-t-elle les situations internationales, et notamment franco-suisses ?
Aucune disposition de la loi sur le droit international privé n’a été modifiée à cette occasion.
On regrettera que le législateur n’ait pas saisi cette occasion pour offrir aux ressortissants suisses disposant d’une autre nationalité (situation très courante en Suisse), la possibilité d’opter pour un autre de leur droit national. Par exemple, une personne ayant la double nationalité suisse et française ne peut pas, selon le droit international privé suisse, soumettre sa succession à la loi française.
En Suisse, la professio juris demeure donc aujourd’hui encore l’apanage des seuls étrangers.
En revanche, la réforme impacte les situations internationales pour lesquelles le droit suisse est applicable, par exemple la succession d’un Français ayant sa dernière résidence habituelle en Suisse ou encore la succession d’un ressortissant suisse domicilié en France mais ayant, par testament, soumis sa succession à sa loi nationale.
Richard RODRIGUEZ
Notaire à Genève