Nombreux sont les chefs d’entreprise qui ont envie de passer la main à un de leurs enfants, identifié comme le seul repreneur potentiel. Malheureusement, le chef d’entreprise est souvent confronté à plusieurs obstacles dans cette transmission.
L’entrepreneur qui n’a pas envie d’être en société et de se plier aux contraintes du droit des sociétés dispose de tous les moyens pour protéger le patrimoine de la famille. Depuis cent cinquante ans, le sort de l’entrepreneur individuel en cas de défaillance est lié au principe de l’unicité du patrimoine. L’entrepreneur n’a qu’un patrimoine, personnel et professionnel. Il engage l’ensemble, ce qui signifie que ses créanciers professionnels pourront saisir son patrimoine personnel.
Renaud Dutreil , auteur de la loi du 1 er août 2003 pour l’initiative économique, avait tenté d’atténuer ces conséquences parfois désastreuses, dans le but de favoriser la reprise et la création d’entreprises. La seule conséquence aura été la création de milliers de SARL constituées d’un seul associé, soumises globalement aux mêmes règles qu’une SARL classique. Quelques années plus tard, un nouvel instrument est créé : le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (loi Novelli du 15 juin 2010).
Moins de risque avec l’EIRL
Comme tout entrepreneur individuel, l’EIRL prend librement toutes les décisions relatives à la vie de son entreprise. Il n’a pas à consigner ses décisions ni à nommer de commissaire aux comptes. Si l’activité est limitée, il peut bénéficier des avantages de la micro-entreprise. En matière fiscale, le statut EIRL permet de choisir son impôt. Si on opte pour l’impôt sur les sociétés (IS), le régime fiscal de l’EIRL est aligné sur celui de l’EURL. Si on en reste à l’impôt sur le revenu (IR-BIC), l’affectation de patrimoine pour se placer sous le régime de l’EIRL n’entraîne aucune conséquence fiscale et sociale. Un site est dédié à ce régime spécifique : www.eirl.fr
En termes de responsabilité, l’EIRL fait prendre encore moins de risque à l’entrepreneur que si celui-ci se place sous le statut de gérant de SARL, à l’égard des créanciers sociaux (Urssaf).
Gare aux fautes de gestion
La loi du 6 août 2015 (loi Macron) instaure l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale. L’entrepreneur individuel dispose désormais de plein droit, du fait même de son immatriculation sur un registre professionnel, de deux patrimoines : sa résidence principale s’il en est propriétaire, et le reste de son patrimoine.
Le notaire conseillera aussi d’adopter un régime matrimonial séparatiste : séparation de biens, participation aux acquêts. Changer de régime matrimonial n’est pas insurmontable, même si cela a un coût : les frais et droits de partage. Mais l’enjeu de la protection est tel que l’investissement paraîtra sans doute acceptable.
Enfin, s’il est fait une déclaration notariée d’insaisissabilité sur son ou ses immeubles autres que la résidence principale (hors immobilier d’exploitation), la protection de la famille est assurée…
La limite de tous ces dispositifs ? La confusion des patrimoines en cas de fautes de gestion, impliquant l’entrepreneur et son conjoint.
L’entrepreneur qui n’a pas envie d’être en société et de se plier aux contraintes du droit des sociétés (y compris dans sa dimension pénale) dispose de tous les moyens pour protéger le patrimoine de la famille , qui constituera sans doute sa retraite future.
Encore faut-il qu’il le décide, et franchisse pour ce faire la porte… d’un notaire !
David GAUTIER
Notaire à Lille, Office Fontaine, Roussel & Associés
Article paru dans Les Echos le 22 décembre 2017
Lire l’article sur le site www.lesechos.fr