L’héritier appelé à une succession dispose de trois options : il peut accepter la succession purement et simplement, il peut l’accepter à concurrence de l’actif net, ou bien encore il peut y renoncer. Nous répondons à vos questions sur cette dernière option, la renonciation à succession.
Pourquoi renoncer à une succession ?
Tout d’abord, la renonciation est l’une des trois options offertes à l’héritier appelé à succéder au défunt (avec l’acceptation pure et simple et l’acceptation à concurrence de l’actif net). C’est l’ « acte unilatéral par lequel l’héritier répudie ses droits successoraux légaux et perd rétroactivement sa qualité d’héritier ». Par cet acte unilatéral, l’héritier abandonne ses droits successoraux.
La renonciation n’est pas neutre sur les droits des tiers et peut être un outil de stratégie patrimoniale.
Plusieurs motivations peuvent conduire l’héritier à renoncer à la succession. Tout d’abord, il peut s’agir de la volonté de ne pas être tenu de régler les dettes du défunt lorsque ces dernières dépassent l’actif de la succession. Attention toutefois car s’agissant des frais funéraires, ceux-ci sont dus par les héritiers même renonçant, comme relevant de l’obligation alimentaire. La renonciation peut encore être choisie afin d’éviter d’avoir à rapporter une donation faite par le défunt, dans la mesure où aucune disposition de ladite donation ne s’y oppose. On peut également vouloir échapper au règlement de droits de succession élevés. Enfin, la renonciation à succession peut être motivée par la volonté d’avantager d’autres héritiers en réalisant un saut de génération.
Qu’entendez-vous par « saut de génération » ?
Lorsque l’on renonce à une succession on laisse sa place à d’autres héritiers. Si le renonçant n’a pas de descendants, les héritiers du même rang que lui se partagent la part qui aurait dû lui revenir. S’il a des descendants, ceux-ci le « représentent » dans la succession, c’est-à-dire qu’ils héritent en ses lieu et place. Autrement dit, la renonciation permet à un héritier de laisser sa place dans une succession pour en faire profiter la génération suivante.
Ce saut de génération constitue le principal intérêt civil de renoncer à une succession bénéficiaire. En effet, l’espérance de vie augmentant, l’âge moyen auquel un Français hérite de ses parents se situe désormais entre 50 et 60 ans. Il est alors parfois pertinent que le capital hérité revienne aux petits-enfants, en début de vie active, qu’aux héritiers légaux dont le capital est déjà constitué.
Laisser sa place peut également présenter un intérêt fiscal, en réduisant le nombre de transmissions taxables : dans l’hypothèse d’une transmission en ligne directe, la renonciation de la génération intermédiaire permet aux petits-enfants de venir à la succession par « représentation » et donc de recevoir les biens directement dans la succession d’un grand-parent, en supportant à cette occasion la fiscalité successorale. Sans renonciation, c’est la génération intermédiaire qui aurait reçu les biens, une première fois taxés, puis qui les aurait transmis à la génération suivante, en supportant une nouvelle imposition.
Fiscalement, la neutralité de la renonciation à succession est assurée, puisque les descendants du renonçant bénéficient exactement du même abattement que leur auteur qu’ils se répartissent entre eux.
La renonciation, même si elle aboutit à attribuer les biens compris dans la part successorale du renonçant à ses descendants ne constitue pas une donation indirecte qui serait passible des droits de mutation à titre gratuit.
De plus, les descendants représentant leur auteur renonçant bénéficient comme lui du barème progressif par tranches des droits de succession en ligne directe de 5 à 45 %.
Si le tarif applicable aux représentés est identique à celui dont bénéficie le renonçant, son mode d’application diffère, ce qui généralement sera favorable aux descendants.
En effet, les descendants ne se partagent pas le barème du renonçant : chacun d’eux dispose de son propre barème. Chaque descendant bénéficie ainsi des premières tranches du tarif progressif sur la part taxable lui revenant. La représentation a donc pour effet de démultiplier le bénéfice de la progressivité de l’impôt, ce qui réduit in fine le montant des droits de succession dus.
L’avantage est d’autant plus élevé que le taux marginal d’imposition est élevé et le nombre de descendants important.
Si le mécanisme de la représentation ne peut jouer, c’est-à-dire qu’il n’y a ni enfant ou descendant, ni frère et sœur (et leurs descendants), ce sont les héritiers subséquents qui deviennent successibles. Ils sont alors taxés selon leur qualité héréditaire par rapport au défunt.
Comment renonce-t-on à une succession ?
Il est d’abord rappelé que « la renonciation à une succession ne se présume pas ».
Pour renoncer à une succession, il faut soit déposer une déclaration auprès du greffe du Tribunal dans le ressort duquel la succession s’est ouverte c’est-à-dire le tribunal dans le ressort du dernier domicile du défunt, soit l’adresser par voie postale.
La déclaration mentionne les noms, prénoms, profession et domicile du successible, ainsi que la qualité en vertu de laquelle il est appelé à la succession.
Le greffe inscrit ensuite cette déclaration sur un registre qu’il tient à cet effet et en adresse ou délivre récépissé au renonçant.
On peut également se rendre chez son notaire pour renoncer à la succession. Ce dernier se chargera alors de la déclaration au greffe.
La renonciation d’un héritier ou successeur universel qui n’aurait pas été déclarée au greffe n’est pas nulle, mais simplement inopposable (C. civ., art. 804, al. 2), en particulier aux créanciers successoraux, mais aussi à l’administration fiscale qui peut poursuivre le successeur pour le paiement des droits de mutation par décès tant que la renonciation n’a pas été déclarée au greffe.
Jessica DUPOUY