La réalisation de travaux non conformes ou sans autorisation d’urbanisme dans un bien immobilier peut avoir de lourdes conséquences lors de la revente de ce bien. Maître Julien Chaton, Notaire à Troyes, répond à vos questions sur le sujet.
Dans le cadre d’une vente, pourquoi faut-il révéler à votre notaire les travaux que vous avez réalisés sur l’immeuble ?
Pour éviter une éventuelle action en responsabilité de votre acquéreur
Avant de réaliser des travaux sur un immeuble, son propriétaire devrait systématiquement s’interroger sur le fait de savoir s’ils nécessitent l’obtention d’une autorisation d’urbanisme. En effet, certains travaux, en fonction de leur nature ou de leur importance, sont soumis à l’obtention d’un permis de construire ou doivent être précédés d’une déclaration préalable.
Si le propriétaire réalise ces travaux non conformément à l’autorisation d’urbanisme délivrée, ou, pire, sans autorisation, il s’expose à de lourdes sanctions qui peuvent aller jusqu’à la démolition de l’ouvrage. A l’exception des sanctions pénales (amendes et peine de prison en cas de récidive) qui ne peuvent être prononcées qu’à l’encontre de la personne qui a commis l’infraction (principe de personnalité des peines), les autres sanctions peuvent impacter directement l’acquéreur.
Au niveau civil, l’acquéreur peut se voir condamner par le juge à verser des dommages-intérêts, à la mise en conformité voire même à la démolition. L’action peut être intentée soit par les tiers sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle pendant un délai de 5 ans à compter de la découverte des faits (ou pendant 30 ans s’il y a une atteinte aux droits réels) soit par la collectivité pendant un délai de 10 ans à compter de l’achèvement des travaux.
D’autres sanctions, administratives cette fois-ci, peuvent également s’appliquer :
- l’acquéreur aura l’obligation de régulariser la situation à l’occasion du dépôt d’une nouvelle demande d’autorisation d’urbanisme (sauf si cette demande intervient plus de 10 ans après l’achèvement de la construction, sauf exception notamment lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu alors que celui-ci était requis) ;
- les bâtiments locaux ou installations ne pourront pas être raccordés aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone ;
- l’acquéreur ne pourra pas se prévaloir du droit de reconstruction à l’identique en cas de destruction du bien immobilier.
Il va de soi que, si l’acquéreur avait à subir une de ces sanctions et qu’il n’avait pas été informé par son vendeur des risques encourus suite aux travaux que ce dernier avait réalisés non conformément à l’autorisation d’urbanisme ou sans autorisation, il tentera sans doute d’engager à son tour la responsabilité de son vendeur.
Il est donc primordial de bien révéler à votre notaire les travaux réalisés sur l’immeuble afin que ce dernier informe, le cas échéant, l’acquéreur des sanctions auxquelles il s’expose.
Pour ne pas être le seul responsable en cas de désordres
La loi rend responsable de plein droit tout constructeur d’un ouvrage envers l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. C’est ce qu’on appelle la responsabilité décennale. Cela signifie que l’acquéreur pourra agir contre l’entreprise intervenue depuis moins de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage alors même que ces travaux ont été réalisés lorsqu’il n’était pas encore propriétaire.
Mais la loi rend également responsable toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire. Cela signifie que l’acquéreur pourra également agir contre le vendeur dès lors que la réception des travaux date de moins de 10 ans. Cette garantie étant d’ordre public, aucune clause ne pourra venir limiter la responsabilité du vendeur.
Il est donc important de bien transmettre à votre notaire les factures des entreprises intervenues ainsi que leurs attestations d’assurance décennale couvrant la période des travaux. En effet, en cas de dommages relevant de la garantie décennale, cela vous permettra de prouver que vous n’êtes pas seul responsable car le professionnel qui a réalisé les travaux l’est également. Dans ces conditions, le juge aura sans doute plus tendance à retenir une responsabilité partagée entre le vendeur et l’entreprise. A défaut, le vendeur reste le seul responsable vis-à-vis de l’acquéreur.
Quelle autorisation : permis de construire ou déclaration de travaux ?
Les travaux soumis à l’obtention d’une autorisation d’urbanisme peuvent schématiquement être classés en trois catégories :
- ceux créant de la surface de plancher ;
- ceux modifiant l’aspect extérieur ;
- ceux changeant la destination.
La création de surface de plancher nécessite un permis de construire si elle est supérieure à 20m², une déclaration préalable si elle est comprise entre 5 et 20 m² et n’est soumise à aucune formalité si elle est inférieure à 5 m².
Néanmoins, dans les zones urbaines en présence d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ces seuils sont relevés. En effet, dans ces zones, la création de surface de plancher nécessite un permis de construire si elle est supérieure à 40 m² ou une déclaration préalable si elle est comprise entre 5 et 40 m² (sauf lorsque la réalisation des travaux a pour effet de porter la surface ou l’emprise totale de la construction au-delà de 150 m², auquel cas ils sont soumis à permis de construire).
La modification de l’aspect extérieur nécessite une déclaration préalable, sauf lorsqu’il s’agit de travaux de ravalement.
Le changement de destination (voir les destinations définies à l’article R. 151-27 du Code de l’urbanisme) doit, quant à lui, être précédé d’une déclaration préalable. Le changement de sous-destination définies à l’article R.151-28 du Code de l’urbanisme d’une même destination est dispensé de toute formalité. Néanmoins, si le changement de destination ou de sous-destination s’accompagne également d’une modification des structures porteuses ou de la façade du bâtiment, il convient d’obtenir préalablement un permis de construire.
Comment s’assurer que la mairie ne pourra plus contester la conformité des travaux ?
Une fois l’autorisation d’urbanisme obtenue et les travaux réalisés, le vendeur doit bien penser à déclarer l’achèvement des travaux. En effet, le bénéficiaire de cette autorisation, ou l’architecte, doit adresser à la mairie par courrier recommandé une déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT) à l’autorisation d’urbanisme.
Cette déclaration est très importante car elle permet de déclencher le délai de récolement de l’administration.
En effet, à compter de la date de réception en mairie de la DAACT, l’administration peut, dans un délai de 3 ou 5 mois, procéder à un récolement des travaux, c’est-à-dire au contrôle de la bonne exécution des travaux, et, lorsque ceux-ci ne sont pas conformes au permis délivré ou à la déclaration préalable, mettre en demeure le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité. Passé ce délai, l’autorité compétente ne peut plus contester la conformité des travaux.
Le délai de droit commun de 3 mois est porté à 5 mois lorsqu’un récolement est obligatoire, ce qui est le cas lorsque l’immeuble ou le secteur nécessite une attention particulière (monument historique, site patrimonial remarquable, immeuble de grande hauteur, établissement recevant du public, immeuble à l’intérieur du cœur d’un parc national, d’une réserve naturelle ou dans un secteur couvert par un plan de prévention des risques naturels, technologiques, ou miniers).
Lorsqu’aucune décision n’est intervenue dans le délai de récolement, une attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis ou la déclaration n’a pas été contestée est délivrée sous quinzaine, par l’autorité compétente, au bénéficiaire du permis ou à ses ayants droit, sur simple requête de ceux-ci.
Le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme aura donc tout intérêt à déposer la DAACT dès que possible, puis à demander à la mairie la délivrance d’une attestation de non-contestation à la conformité, ce qui lui permettra de s’assurer que la conformité des travaux est désormais incontestable et de rassurer ainsi son futur acquéreur.
Julien CHATON
Notaire à Troyes – Office Jonquet-Chaton
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